Quelles mesures indispensables pour rétablir un système financier et industriel performant ?

Publié par adelepine le 7 Avril, 2009 - 12:42
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Arnauld de L’EPINE
Docteur ès Science Economiques          
Ars Industrialis                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         
Organisations et déséquilibres : une régulation est-elle encore possible ?
colloque ISERAM (ISEG) , 26/03/09
                                                                                 
 
QUELLES MESURES INDISPENSABLES POUR RETABLIR UN SYSTEME FINANCIER ET INDUSTRIEL PERFORMANT ?
 
«  pour qu’un discours ou une action….visant à mettre en question les structures objectives ait une chance d’être reconnu comme légitime…et d’exercer un effet d’exemplarité, il faut que les structures ainsi contestées soient elles-mêmes dans un état d’incertitude et de crise propre à favoriser l’incertitude à leur propos et la prise de conscience critique de leur arbitraire et de leur fragilité. »
P. Bourdieu, Méditations Pascaliennes, Ed. du Seuil , 1997, p. 279
 
« L’économie se trouve….sur une pente où les sommes à prélever et à redistribuer pour couvrir les besoins individuels et collectifs tendent à dépasser les sommes distribuées par et pour la production…..c’est tout l’Etat et toute la société qui se disloquent ».
André Gorz, Misères du présent, richesse du possible,Ed. Galilée, 1997, p.146
 
Des Economistes tels que Keynes dans les années 1920 [Keynes J.M.(1978), p.117][1], puis Polanyi par son article de 1947 « la gouvermentalité du marché est obsolète » [2] [Polanyi (2008)] avaient mis en garde leurs contemporains contre les dangers que pouvaient représenter la doxa[3] de croyance en l’efficience d’une auto-régulation des marchés et au bien-fondé de son libre déploiement sur l’ensemble de la vie sociale et sur l’ensemble de la planète. 
La crise présente aurait dû susciter un consensus sur l’évidence de la toxicité avérée de cette doxa, ce qui n’est nullement le cas
Néanmoins cette crise doit permettre de mieux faire entendre ceux qui comme Ars Industrialis considérent qu’il s’agit de remédier à un désajustement du mode de développement industriel présent par rapport à des mutations techniques et à de nouveaux savoir-faire et savoir-vivre, et non pas seulement d’une crise financière à laquelle il sera remédié par quelques régulations, et qu’il y a lieu de faire émerger une nouvelle politique industrielle des technologies de l’esprit [4].
Mes propos se limiteront aux analyses successives suivantes :
une crise s’amplifiant depuis son démarrage en 2005 du fait de l’absence ou des carences des mesures prises ou à prendre
une crise marquant d’une part l’accélération de la décomposition d’un mode de développement industriel devenu toxique et d’autre part l’effondrement de la globalisation financière présente, lesquels remettent en cause les doxa sur lesquelless’étaient fondées le développement de l’économie néo-libérale depuis les années 1970 tant sur le plan industriel que financier 
les incidences présentes non prévues par les économistes néolibéraux 
les mesures préconisées pour reconstruire d’une part un système financier performant, d’autre part favoriser les nouvelles voies de développement industriel qu’avec Ars Industrialis nous appelons économie de la contribution, en particulier au sein de l’ensemble Européen .
 
1. UNE CRISE FINANCIERE S’AMPLIFIANT DEPUIS SON DEMARRAGE EN 2005 DU FAIT DE L’ABSENCE OU DES CARENCES DES MESURES PRISES
Il nous faut souligner cinq faits objectifs majeurs, au vu d’une crise financière dont les germes étaient apparus dès 2005[5] ; celle-ci tend progressivement à s’étendre à l’ensemble de l’économie réelle et à se développer au niveau mondial[6] :
les autorités politiques et monétaires des pays occidentaux ont pratiqué des politiques de fuite en avant sans se préoccuper de prévenir les bulles financières prévisibles qui se sont succédées et ont été de plus en plus systémiques depuis 1997 .
 
De nombreux responsables continuent à plaider pour l’ordre existant en considérant quela crise financière présente est essentiellement due aux actions frauduleuses d’un certain nombre d’acteurs ; ils en concluent que quelques simples améliorations des actions pénales vis à vis de ce type d’acteurs et quelques mesures de régulations par rapport au ratio de capital demandé permettront d’éviter à l’avenir de tels excès tout en maintenant que trop de régulation est contre-productive[7].
 
les dires de responsables politiques déclarant la nécessité de mettre en place un nouvel ordre économique et financier sont en complet décalage avec l’absence de mesures concrètes adoptées ou envisagées en ce sens
Or un certain nombre de mesures auraient dû et pu être adoptées au niveau mondial, et à défaut dans un premier temps au niveau européen, lesquelles auraient témoigné véritablement d’une prise de conscience de la gravité de la crise et d’une véritable volonté de changement. .
 
les autorités publiques n’ont pas su prendre les mesures susceptibles de restaurer la confiance et un fonctionnement normal du système financier vis à vis de l’économie réelle, malgré l’importance des mesures d’aides financières publiques consenties aux principaux établissements financiers et à des industries menacées de faillite aux USA et en Europe[8].  
Les citoyens se posent des questions sur les compétences de leurs autorités qui ont dans un premier temps cherché à sous-estimer l’importance de la crise, puis qui, aujourd’hui, n’arrivent pas à dégager des perspectives de sortie de crise, faute de volonté de prendre des mesures radicales par rapport à des fondamentaux d’un mode de développement devenu totalement toxique et en ne voulant pas tenir compte de la décomposition de la finance et du socle hégémonique anglo-saxon qui avait structuré la globalisation financière [Stiegler B. (2009) , p.11] [9]– cf. infra -.
 
l’Europe n’a pu empêcher l’effet de contagion du déclenchement d’une crise ayant pour origine les excès d’établissements financiers essentiellement anglo-saxons dans leurs pratiques irresponsables de prêts à des ménages au-delà de leurs possibilités et en titrisant ces portefeuilles de prêts pour tenter de défausser de leurs risques :
Ces faits doivent nous interroger sur l’inaptitude de l’Europe à prendre en main son destin, en étant autant dépendante de séismes venant d’ailleurs alors que le PIB cumulé des 27 pays de l’UE nous situe comme la première économie mondiale.
En effet, l’Europe étant beaucoup moins dépendante des importations et des exportations extra-européennes aurait dû et pu moins subir cet effet de contagion.
Nous avons de plus un risque d’éclatement de l’UE du fait d’une accélération possible de la récession et des difficultés que pourront connaître des Etats face à des spéculateurs agissant du fait de la solidarité non pleinement affichée entre les pays européens.[10] 
Nous avons un autre risque, celui que ces actions nationales non pleinement coordonnées s’avéreraient n’avoir pas l’effet escompté de retour à la confiance et de reprise alors qu’elles vont entraîner des  déficits publics abyssaux – cf. GB : plus de 8%/PIB -. 
 
2. UNE CRISE MARQUANT D’UNE PART L’ACCELERATION DE LA DECOMPOSITION D’UN MODE DE DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL DEVENU TOXIQUE ET D’AUTRE PART L’EFFONDREMENT DE L’ORGANISATION DE LA GLOBALISATION FINANCIERE PRESENTE
Comme indiqué ci-dessus, la crise présente ne doit pas être considérée comme seulement une crise financière due à l’insolvabilité de beaucoup d’emprunteurs et l’effondrement des prix des actifs immobiliers et financiers engendrant la quasi faillite de quelques banques et institutions financières provoquée par ce que Alan Greenspan avait appelé l’exubérance irrationnelle des marchés financiers.
Il s’agit d’une crise systémique marquant l’effondrement de l’organisation de la globalisation financière présente, laquelle avait pour caractéristiques : l’hégémonie du US$ et celle des institutions financières anglo-saxonnes tant en matière de crédits que de gestion d’actifs et de l’organisation « dérégulée » des marchés – ; ces institutions avaient réussi à imposer leur main mise sur l’épargne mondiale en drainant 80% de celle-ci au profit des Etats-Unis[11] et sur l’organisation des marchés pour la gestion des actifs financiers et de produits de dettes et de gestion de « risques »[12] , de par l’interconnection qui avait pu être établie entre les différentes places financières.  
De plus cette crise fait surgir l’accélération de la décomposition du mode de développement industriel qui n’avait cessé de s’étendre au cours du XXème siècle : celui d’une production de masse grâce à des actions de marketing telles qu’elles n’avaient cessé de se développer depuis les années 1920 [Bernays E. (1928)] en adaptant les évolutions techniques en vue de persuader le consommateur d’acheter les biens produits et constamment au-delà de ses propres besoins effectifs et sans tenir compte des externalités négatives produites. 
Les quasi-faillites de l’industrie automobile aux Etats-Unis et les difficultés de beaucoup de sociétés de grande distribution illustrent la fin d’un cycle de modes de production devenu toxique.
 
2.1 Ainsi, la crise présente met soudain en lumière ce que beaucoup ne voulaient pas voir et que l’on cherchait à occulter ces dernières années :
- l’effet auto-destructeur d’un système devenu toxique car il a perdu de vue le temps long au profit du court terme ; cela a eu pour conséquence de détruire le besoin de croyance et de désir au profit de la pulsion, c’est à dire d’anéantir ce qu’Ars Industrialis appelle l’énergie libidinale, laquelle était au cœur du fonctionnement du capitalisme [Stiegler B.(2006), p.26][13].
Ce facteur est mis en lumière lorsque nous voyons le comportement présent des acteurs économiques et financiers continuant à chercher à maintenir une profitabilité maximale quelqu’en soit le coût social en multipliant les plans de licenciements ou les fermetures d’usines ou à spéculer plus frénétiquement que jamais sur les marchés financiers et celui des acteurs politiques accordant des aides financières successives à des entreprises en quasi-faillite sans avoir étudié les conditions susceptibles d’assurer leurs survie.
- les difficultés du mode de développement industriel présent à s’adapter aux mutations techniques, dans la mesure où les acteurs dominants cherchent à freiner la rupture dans les techniques et les esprits qu’a provoqué la révolution numérique ; celle-ci fait émerger des technologies de collaboration et de contribution au sein d’acteurs agissant en réseaux « bottom-up » et mettant au point des dispositifs se heurtant aux systèmes centraux de domination traditionnels « top-down » ; ces réseaux d’acteurs sont les promoteurs d’ « innovations ascendantes » au sein d’une société devenant autoproductrice de tracabilités et ayant de plus en plus pour motivation l’attrait du savoir, le plus souvent en commun, et non plus la recherche de la rente de profit (Cormerais F. (2007)]. 
- l’essouflement d’une surconsommation dopée par le marketing et le crédit « sans limite », ayant provoqué l’annihilation du désir au profit de pulsions contrôlées qui suscitent des mouvements de rejets de plus en plus manifestes.
Ars Industrialis avait dénoncé ces désajustements et ces dysfonctionnements dans son Manifeste lors de sa création en Juin 2005 en indiquant que, faute d’une prise de conscience adéquate, cette situation conduirait à « une crise économique mondiale sans précédent ».  
Ainsi l’effondrement présent de la demande correspond non pas seulement à un recul momentané d’achat du fait de difficultés temporaires mais à l’accélération d’une tendance due à des modifications de comportements par rapport à des choix de vie et de modes symboliques de  représentations que ces industries n’ont pas su anticiper .
 
2.2Ces facteurs mettent en valeur les contradictions des doxa de « rationalité économique » - dont la rationalité doit être interrogée à la lumière de la crise présente -,  sur lesquelles se sont appuyés pendant longtemps les économistes et sur lesquels se sont fondées les orientations de la plupart des pays ces dernières années ; je les résume comme suit :
le retrait de l’action publique au profit de la gouvernance économique par les marchés financiers 
Celui-ci faisait perdre aux Etats la maîtrise de leurs politiques monétaire et fiscale, de par une volonté de restreindre les moyens de l’Etat , quelles qu’en soient les conséquences en particulier pour lui permettre de répondre aux besoins sociaux et de biens publics susceptibles d’orienter les sociétés sur le long terme.. Paul Krugman a récemment décrit l’irrationalité de cette idéologie hostile à l’action de l’Etat largement répandue ces dernières années aux Etats-Unis et en Europe de la manière suivante : «  l’opinion respectable postulait que l’impôt avait des effets économiques dévastateurs, que toute tentative visant à réduire la pauvreté et l’inégalité était le comble de l’irresponsabilité et que quiconque suggérait qu’un capitalisme non tempéré était injuste et qu’on pouvait l’améliorer était un dangereux subversif contaminé par des idées européennes » |Krugman P.(2008), p.46]. 
Cette doxa est d’autant plus incohérente que par exemple aux Etats-Unis les pouvoirs publics n’ont de fait jamais cessé de jouer un rôle important dans les orientations de l’économie, en particulier par le budget militaire pour ce qui concerne la recherche et le développement des nouvelles technologies [Stiglitz J.E. (2006) p.52][14]
En outre dans les économies émergentes les plus performantes, l’Etat n’a cessé de jouer un rôle prépondérant en matière de recherche et de développement industriel ; de plus ces Etats s’efforcent de contrôler leurs marchés financiers en ayant tiré la leçon de la crise de 1997. 
 
la recherche de la maximisation du profit, en vue d’une accumulation de moyens sans limites ou dits chrématistiques [Weber M. (1904) p.50][15], sans de plus se préoccuper des externalités négatives qu’ils produisent . De ce fait les entreprises industrielles et financières ont désormais pour objectif d’accroître leur puissance financière par des dispositifs de captation de profits et de plus-values .
Cela a mené à une financiarisation généralisée de l’économie devenue prédatrice |Jorion P. (2008) p.317][16].
Cet objectif nous éloigne du sens premier de l’économie qu’il faut rappeler : d’une part satisfaire aux besoins matériels et d’autre part mettre en place les processus qui économisent les moyens - . 
Rendement des FP en %
 
1981
1985
1989
1993
1997
2001
2004
USA (SP500)
15,1
13,0
17,0
5,2
19,0
7,5
16,0
Allemagne (Dax)
6,0
11,5
12,0
4,0
14,5
9,5
10,0
France (CAC 40)
0,0
-2,5
19,0
7,0
13,0
3,0
14,5
Source : Alternatives Economiques n°245 Mars 2006 p.67
Cet objectif est aussi en contradiction avec la montée en puissance d’une économie ne s’appuyant plus sur la logique du profit ; le logiciel libre et le mouvement open source ont développé des pratiques innovatrices de la part de travailleurs ne s’appuyant plus sur la recherche de l’emploi leur donnant le maximum de revenus, mais sur le développement de réseaux leur permettant de développer leurs compétences et leurs besoins de se réaliser, en dehors de toute subordination et de contrainte hiérarchique liée à l’entreprise industrielle traditionnelle. Ces réseaux échangent des informations et des connaissances le plus souvent gratuitement en ayant pour objectif non pas la recherche du profit maximum mais le développement de dispositifs qui aboutissent à former une économie de contributeurs et de biens communs [Robin J. (2003) p.31][17].
Cette économie diffère fondamentalement par rapport au paradigme producteur-consommateur qui s’était imposé au XXème siècle (Moulier-Boutang (2007) p.56] [18] et cela fait dire à certains que les évolutions en cours démontrent que le capitalisme a atteint ses limites en matière de possibilités d’accumulation [Wallerstein (2008)] .
 
les paradigmes de la concurrence et du libre-échange, à la base de ce que devrait être l’efficience des marchés au travers de ce qui a été appelé la « vérité du marché » [Sapir J. (2005) p.30] et ce qui justifie l’action en faveur du laisser faire et des dérégulations ; celle-ci doit susciter une optimisation de la croissance et une allocation optimum de l’orientation des capitaux et un auto-équilibrage des différentiels de flux.
Cette croyance « métaphysique » dans les vertus du «divin marché » [Dufour D.R.(2007)] avait réussi à s’imposer progressivement à partir des années 1970 puis encore plus largement à partir des années 1990 sur la base d’une dérégulation des règles prudentielles nationales et internationales ; cette croyance en l’efficience des marchés, promue à l’origine par l’Economiste Milton Friedman a pu se développer grâce au soutien des autorités publiques aux USA et en Europe. 
Pourtant les faits n’ont cessé de démentir cette efficience ; on a pu constater les déséquilibres économiques et sociaux et les crises qui n’ont cessé de se développer, l’incapacité des marchés à « coordonner les activités nouvelles » [Stiglitz J.E. (2006) p.68], faute de prendre en compte la dimension du temps long ou le développement de technologies de « libre-accès » -cf. infra -.   
 
la théorie de l’utilitarisme fondée sur l’hypothèse d’un passage linéaire entre le comportement individuel et les comportements collectifs, représentés par les maximes suivantes : selon Mandeville « les vices privés font les vertus publiques », selon Adam Smith : « la main invisible » et selon Hayek « l’ordre spontané ».
Et pourtant Adam Smith avait remarqué dans la théorie des sentiments moraux que les incitations privées pouvaient ne pas correspondre aux coûts et bénéfices sociaux…..
 
le travail salarié continu conçu comme seule possibilité de développement de la société, alors que le temps de travail productif tel qu’il est présentement répertorié dans les comptabilités nationales n’est plus au centre de la productivité économique et qu’il a engendré une prolétarisation de plus en plus générale par perte de savoirs et de savoir-faire .  
Les révolutions accélérées de la technologie permettent de substituer au temps de travail productif humain des processus machiniques hyperindustriels à un moindre coût énergétique et avec des effets multiplicateurs du potentiel innovateur et d’interactivité des individus. La véritable raison économique prise dans son sens étymologique permet de voir se réaliser les perspectives de plus en plus larges de temps disponible [Keynes J.M. (1930) ][19] ; cette raison économique est en contradiction avec les doxa voulant faire croire à la possibilité du retour au plein emploi sous la forme du travail qu’avait connue la société fordiste .
Ce temps disponible devrait servir de multiplicateur pour développer une économie favorisant le développement de trajectoires personnelles, non plus à partir de la notion restrictive d’emploi mais à partir d’une reconnaissance du fait que les pratiques de l’emploi et les pratiques de travail ne se recoupent pas d’une manière unique [Lazzaratto M. (2008) p.98] ; la possibilité de l’extension du temps disponible doit être considérée comme une source significative du développement de l’individuation psychique personnelle, mais aussi collective, telle que nous l’exprimons à Ars Industrialis[20] [Stiegler B. (2005) p.78].
 
l’expansion de la dette publique et privée, fondement de l’expansion de la demande ces dernières années ; celle-ci repose sur deux conditions tout à fait aléatoires :
- celle de la dette publique est subordonnée à la confiance des acteurs des marchés financiers dans la capacité des Etats à faire face, non pas au remboursement de leurs dettes, mais à leurs conditions d’acceptation pour le renouvellement des emprunts venant à échéance et à celles résultant de nouveaux besoins d’emprunts .
- celle de la dette privée est subordonnée au maintien de la tendance à ce que la valeur des actifs financiers et immobiliers – dits « Asset Back Securities », « Collaterized Back Securities » « Mortgaged back Securities » - détenus par les emprunteurs ne cesse d’augmenter .
Ainsi s’est développée une économie dont la dynamique n’était plus fondée sur l’augmentation de la masse salariale en rapport avec l’augmentation de la productivité, mais sur celle d’une possibilité d’endettement sans limite tant du côté de la dette publique que de la dette privée grâce au développement des techniques financières s’ingéniant à produire l’organisation de tels marchés et sa liquidité …..
 
Cette doxa néo-libérale avait réussi à perdurer en faisant croire à un déterminisme dit TINA « There Is No Alternative » à laquelle devrait se soumettre l’économie politique,    en dépit des déséquilibres de plus en plus excessifs suscités, des crises successives de plus en plus systémiques démontrant l’absence d’auto-régulation et d’auto-adaptation. Néanmoins les toxicités engendrées se sont révélées de plus en plus manifestes et de plus en plus insupportables pour le bien-être des individus - cf. quelques symptômes de moins en moins acceptés : enrichissement sans vergogne d’une minorité, surconsommation et surendettement par le psycho-pouvoir du marketing, emplois de plus en plus précaires, exclusion de ceux qui ne s’adaptent pas, dégâts environnementaux…..-.
 
3. LES INCIDENCES PRESENTES NON PREVUES PAR LA DOXA NEO-LIBERALE
Pour pouvoir prendre des décisions pertinentes concernant les remèdes à apporter face à la situation présente, il y a lieu de diagnostiquer les effets réels que n’avaient pas prévu les tenants de ces doxa ; citons ceux qui paraissent les plus fondamentaux : 
 
3.1    Le cercle vicieux de la socialisation des pertes
Il est en effet de plus en plus difficile de légitimer un système conduisant à la privatisation des profits et à la socialisation des pertes, du fait de la situation dans lesquelles se trouvent les Etats de venir lors de chaque crise au secours d’établissements financiers aux prises avec des créances irrecouvrables ou avec des titres « pourris » et d’entreprises industrielles en difficulté à la suite de la chute de la demande [Warde. I. (1994)][21].
En outre la légitimité de ces aides publiques pose question, dans la mesure où elles sont le plus souvent octroyées non pas à des entreprises ayant un potentiel d’avenir, mais à des entreprises n’ayant pas su prévoir l’avenir, alors que « la dépense publique ….n’a de sens que si elle porte sur des secteurs dont le développement améliorera la croissance future » [Aglietta (2008) p.122]. .
Cette légitimité est d’autant plus problématique que les contribuables devront ensuite supporter les charges de remboursement de ces aides publiques dont ils n’auront probablement jamais profité directement ou indirectement et dont une grande partie de ces aides pourraient se révéler in fine n’ayant aucunement représenté un investissement utile pour la collectivité.      
 
3.2    Les effets de contagion
Du fait de la globalisation économique et financière et de l’amplification d’année en année des opérations et des mouvements spéculatifs, une crise locale telle que celle des subprime aux Etats-Unis a pu avoir progressivement des effets de contagion sur l’ensemble de la planète.  
Les pays émergents qui avaient su ne pas totalement libéraliser leurs systèmes financiers sont moins atteints par la crise, mais ils le sont néanmoins en raison de l’importance que représente leurs exportations vers les pays développés .
 
 
3.3    La décomposition du système financier global avec l’affaiblisssement des banques et établissements financiers occidentaux
Les établissements financiers en Europe et aux USA qui auront survécu grâce aux aides de leurs Etats respectifs vont se retrouver très affaiblis et ne pourront plus imposer l’hégémonie qui avait été la leur dans leurs pratiques et dans leurs prétentions à imposer des normes de gestion de pouvoir [Joxe A. (2002) p.6 ][22].
Ces établissements avaient de ce fait réussi à faire remonter 80% de l’épargne mondiale vers les Etats Unis ; avec leur affaiblissement et la montée en puissance des établissements financiers et fonds « souverains » des pays émergents ainsi que leurs réserves accumulées, il faut prendre acte de la disparition de l’hégémonie de la finance anglo-saxonne en 2008 et de l’urgence de reconstruire sur ce champ de ruine un système financier tenant compte d’un rapport de forces favorable aux pays émergents.
Les établissements financiers de ces pays seront beaucoup moins affaiblis que ceux des USA et de l’Europe ; en effet ils n’avaient pas les mêmes possibilités de souscrire aux produits toxiques et ils avaient eu la sagesse de beaucoup moins suivre la « dictature » de la gournementalité actionnariale.
En outre ces pays disposent de réserve de change qui leur donne la possibilité d’augmenter la demande intérieure – cf. le plan de relance chinois – au lieu de souscrire aux besoins de financement des bons du Trésor américain, ce qui fait peser la menace d’une crise grave si un consensus ne pouvait s’établir pour une nouvelle organisation du système financier mondial, pour laquelle les pays asiatiques pèseront d’un poids très lourd. 
Cette crise pourrait donc accélérer ce qui était déjà la tendance du déplacement du cœur économique de la planète vers l’Asie ; ainsi certains prévoient que les pays émergents domineront l’économie mondiale dans les prochaines années au point de représenter 66% du PIB mondial à l’horizon de 2030 [Aglietta (2007) p.9]. En outre ces pays ont dores et déjà commencé à profiter de la faible valorisation des actifs sur les marchés financiers pour acheter ou prendre des participations dans des entreprises occidentales .
 
3.4    Le retour du capitalisme d’Etat  
Sous la pression de l’urgence, les Banques Centrales ont dû injecter des liquidités considérables depuis août 2007 afin de pallier à la paralysie des échanges interbancaires et développer une fonction à ce stade jamais connue de « prêteur en dernier ressort » de par le fait de prendre en pension, de garantir des titres de crédit de moins en moins bonnes qualités.
Ensuite dès le début de l’année 2008, les Etats se sont vus dans l’obligation d’intervenir pour prêter, recapitaliser, nationaliser de droit ou de fait des institutions financières et industrielles – cf. les sauvetages de Freddie Mac et Fannie Mae[23] , AIG[24] et General Motor aux USA -, de banques en Europe : Northen Rock , Lloyds Bank, ABN AMRO…
Nous pourrions assister au cours de l’année 2009 à la multiplication des interventions des Etats si les effets des plans de sauvetage n’arrivaient pas à faire redémarrer la demande assez rapidement .  
 
 
 
4. LES REFORMES ESTIMEES INDISPENSABLES POUR RETROUVER UN SYSTEME FINANCIER PERFORMANT
Un système financier performant signifie reconstruire des institutions et des organisations au sein des Etats et au niveau international capables :
- de répondre aux besoins sur le long terme des acteurs économiques et de leurs intérêts réciproques, qu’ils soient entrepreneurs, ménages ou acteurs publics ; cela doit être entendu comme capacité à prendre des risques sur le long terme au-delà du calculable assurranciel sur la base d’une aptitude à déterminer et anticiper des évolutions possibles et d’une détermination à faire confiance à l’entrepreneur-innovateur..  
- de coordonner et contrôler l’aspect macroéconomique des divers acteurs de manière à prévenir au sein de grands ensembles économiques et au niveau global les déséquilibres structurels ainsi que les « exubérances financières » suscitant des bulles sur les marchés
(change, actifs financiers et immobiliers, matières premières et alimentaires). 
- d’imposer un système de change et de régulation qui ne repose plus sur la référence au seul US$. .
Ce système à reconstruire sera donc performant dans la mesure où les besoins de l’économie réelle en dicteront les normes.
Il y a lieu pour cela d’afficher une volonté du politique de faire cesser un certain nombre de pratiques ayant gangrènisé l’ensemble du système financier
Pour cela, il faut préciser ce que devraient être les objectifs et en conséquence les moyens pour les obtenir.
  
4.1 Diminuer les potentialités d’actions de la finance spéculative, basées sur le court termisme .
Les dérégulations des réglementations financières ont été à la source du développement des opérations spéculatives et court termistes qui ont permis le développement d’une industrie financière opérant pour compte propre et pour compte de ses clients.
Dans les établissements financiers , comme dans les entreprises il est fixé chaque année un objectif de résultats affichés de ces opérations qui sont sans rapport avec l’activité commerciale ou de financement d’investissements .
Ainsi depuis la fin des années 1990, les banques les plus importantes telles que la Citybank et la Hong Kong & Shanghai Bank obtenaient une rentabilité sur capital de l’ordre de 25% et les entreprises jugées performantes par les marchés devaient obtenir une rentabilité sur capital de l’ordre de 15% .
Ces rentabilités affichées extrêmement élevées ne préoccupaient ni les analystes et les investisseurs ni les organismes nationaux de contrôle et de régulation, alors qu’un pourcentage significatif de cette rentabilité provenait d’opérations d’actualisation de bénéfices potentiels et non réalisés sur des opérations à terme sur lesquelles peu d’informations étaient fournies. 
Chaque jour les opérations traitées dans le système bancaire représentait plus de deux cent fois les échanges effectifs relatifs aux activités commerciales et financières effectives.  
Par ailleurs les marchés financiers en Europe et aux USA ne contribuaient plus à financer les besoins des entreprises car il était plus distribué aux actionnaires qu’il n’était levé des fonds pour leurs besoins d’investissement, comme le montrent les tableaux ci-dessous : 
 
 
MONTANTS DISTRIBUES PAR LES SOCIETES NON FINANCIERES
à leurs actionnaires et dirigeants,
en Euros Milliards
1991
2004
France
41
146
Allemagne
119
267
Angleterre
70
142°
Belgique
9
27
Source : Alternatives Economiques n°245 Mars 2006 p.106 ; ° 2003
 
EVOLUTION DES PROFITS DISTRIBUES PAR RAPPORT AUX INVESTISSEMENTS
% profits distribués/investissements
1991
2004
France
37
93
Belgique
42
85


Source : Alternatives Economiques n°245 Mars 2006 p.106
Cet appétit prédatif de la finance a suscité des exubérances telles que l’évaluation du risque n’était plus primordial puisque celui-ci pouvait être rejeté sur des tiers ; en outre il a conduit à ne plus vouloir prendre en compte les conséquences sociales et environnementales de ses actions [Deleuze et Guattari (1971) p.309][25].
Ces actions spéculatives avaient été facilitées par l’instauration en 2005 des normes comptables « mark to market » ou normes IASB (International Accounting Standards Board) ; ces nouvelles normes ont contribué à créer l’effet de panique en 2008 lorsque les échanges sur les marchés n’ont plus fonctionné du fait de la défiance généralisée sur la valeur de marché de beaucoup de ces titres.
Il paraît indispensable de revenir à des normes comptables plus fondamentales (valeur d’achat moins provision sur les titres à courte échéance)[26].   
Afin de diminuer les capacités de nuisance désormais reconnues sur l’économie réelle de ces actions spéculatives, il devrait être proposé de nouvelles régulations en vue de restreindre les possibilités suivantes :  
- achats et vente d’actifs financiers ou produits financiers structurés , y compris sur les taux d’intérêt et le change, non reliés à des opérations commerciales ou à des financements de projet
- achats et ventes à découvert, seulement autorisées avec couverture préalable à 100%
- effets de levier (endettement par rapport aux fonds propres)  
- opérations financières des institutions financières pour compte propre,[27]
- montage de produits dérivés non agréés et leurs échanges en gré à gré[28]
- limitation des possibilités de titrisation[29]par transformation en ABS « Asset Backed Securities » dont les montants atteignaient d’après la FED plus de 12.000 milliards à fin 2007
- stock-options pour les dirigeants 
-   opérations de Leverage Buy Out (LBO)
-   opérations dans les paradis fiscaux[30]
-   opérations avec les hedge funds[31] ,
une telle éradication de ces opérations en vue de mettre fin au « fléau de l’innovation financière » [Lordon F.(2008)] nécessite une volonté politique des pays occidentaux qui ne s’est guère manifestée jusqu’alors, alors que la spéculation continue à se développer sans frein depuis le début de la crise, comme l’expriment les volatilités journalières des marchés financiers, les renversements brutaux de mouvements baissiers ou haussiers, et les pertes ou gains colossaux que les opérateurs continuent à réaliser[32] .
 
4.2. Mettre fin au décloisonnement complet des liquidités 
Etant acquis que la spéculation ne peut qu’avoir des effets destructeurs sur l’économie et que  celle-ci « tend à l’emporter sur l’entreprise au fur et à mesure que se développe la liquidité du marché, les Etats doivent absolument reprendre le contrôle de la liquidité, aujourd’hui quasiment totalement décloisonnée dans le cadre de la globalisation financière [Orléan A. (1999) p.17]. 
Ce décloisonnement donne la possibilité aux acteurs financiers d’acheter et vendre à tout moment leurs capitaux placés sur les marchés sur la plupart des places financières mondialisées. 
Keynes avait mis en garde contre les dangers d’une liquidité non contrôlée en proposant des coûts de transaction élevés et une fiscalité élevée sur les gains à court terme ; or, les dérégulations obtenues ont permis le développement de cette liquidité sans frontières, avec des coûts de transaction de plus en plus faibles, et sans la mise en place d’une taxation dirimante.
Cela a eu pour effet que les banques et institutions financières qui ont pour vocation de prendre des risques pour financer des investissements et accompagner les entrepreneurs et innovateurs avaient de plus en plus pour souci premier de ne prendre un risque qu’à la condition de pouvoir s’en dégager en tout ou partie immédiatement .
Elle a été enfin une incitation à monter des crédits en faveur d’emprunteurs « insolvables » que ces institutions s’empressaient de titriser auprès d’investisseurs faisant confiance au marché pour les absorber en cas de besoin de liquidité – cf. affaire des subprime aux Etats-Unis -. 
Il nous faut donc remettre en question le bien-fondé de ce décloisonnement qui a engendré la globalisation financière présente et revenir à ce qui doit permettre au politique d’avoir à nouveau une emprise sur l’économie réelle
Une proposition de mettre fin à cette complète libre-circulation des capitaux avait été lancée par un certain nombre d’économistes européens au deuxième trimestre 2008 – appel « stop finance » - en s’appuyant sur quatre principes et neuf propositions[33], laquelle n’a toujours pas été reprise par les Autorités politiques et monétaires.
Or, aucune réforme susceptible de permettre une stabilisation de la finance internationale ne pourra être réalisée sans une remise en question de ce décloisonnement complet de la liquidité .
Celle-ci ne doit pas revenir à un retour à un périmètre national, mais elle devrait être conçue comme une libre-circulation limitée au périmètre intérieur d’ensembles constitués, étant entendu que les mouvements de capitaux d’un ensemble vers l’autre devront être subordonnés à des opérations commerciales ou d’investissements, et que les mouvements financiers de capitaux sur le court terme seront soumis à des limitations très strictes de la part de chaque ensemble.
 
4.3 Urgence pour le Etats de se doter de banques aptes à répondre aux demandes des entrepreneurs-innovateurs et des ménages 
Nous devons nous interroger sur les inaptitudes présentes des banques et autres établissements financiers en Europe et aux USA à répondre aux demandes de l’économie réelle, en dépit de l’importance des aides publiques précédemment soulignées.  
La véritable raison est que l’importance de leurs pertes potentielles n’a cessé d’être sous-évaluée par elles-mêmes et par les organismes de supervision, du fait de la difficulté de ces établissements à réaliser les provisions ad-hoc. 
Or l’estimation de ces pertes potentielles ne cesse de croître – US$ 3.000 Milliards en février 2009 sur lesquels ont été provisionnés au début de 2009 un maximum d’environ US$ 1.000 Milliards[34].
Face à cette situation d’insolvabilité virtuelle un certain nombre d’économistes mettent désormais en doute la possibilité de rétablir un système financier performant en cherchant à sauver des Institutions en quasi-faillite. – cf. Paul Krugman : son article International Herald Tribune , 15/01/09 - et Saskia Sassen son article Le Monde 22-23/02/09 – ; ils considèrent que « les plans de renflouement financés par les contribuables ne pourront sauver le système financier actuel [35]» et qu’il serait préférable que ces fonds publics soient plutôt utilisés pour financer l’économie réelle, en particulier les petites et moyennes entreprises.
D’autres, plus nombreux, plaident pour une nationalisation générale des Institutions financières tels que Frédéric Lordon – cf. Mediapart du 06/02/09 -, et Esther Duflo –cf. Libération du 24/02/09 - ; cette dernière indique en particulier : « ne nous fions pas aux banquiers….en leur laissant le temps de sauver le plus possible de ressources pour leurs actionnaires , aux dépens du contribuable ».  
Enfin certains tels que l’économiste américain Nouriel Roubini plaident pour une nationalisation temporaire des banques présentement insolvables en vue de les prendre en main et leur donner les moyens de jouer leur rôle dans l’économie à l’exemple ce qui avait été fait en Suède au début des années 1990 plutôt que de procéder à des aides partielles ne permettant pas de redynamiser ces entités
Ces attitudes soulignent l’importance du risque d’effondrement du système financier aux USA et en Europe et les difficultés d’y répondre[36] alors qu’il y a urgence de retrouver des établissements financiers aptes à répondre aux besoins immédiats de l’économie réelle pour éviter un processus de déflation abyssal. 
les Etats doivent ne plus tergiverser à prendre des décisions douloureuses, mais qui permettraient la remise en situation de fonctionner d’établissements capables de devenir performants au sens où nous l’avons défini .
Il leur appartient de prendre les mesures ad’hoc qui s’imposent consistant d’une part à imposer aux banques et établissements financiers des obligations de faire des provisionnements « responsables » en rapport avec les incertitudes sur les potentialités de remboursement de leurs emprunteurs et les risques encourus sur leurs encours de produits dérivés et autres CBS, ABS, MBS[37] , d’autre part à décider au cas par cas, soit de donner une garantie publique, soit de nationaliser ; la dernière solution est la moins coûteuse à terme pour le contribuable et dans l’immédiat la plus efficace pour s’assurer de la remise en ordre de fonctionnement normal pour les besoins de l’économie. 
Trois autres solutions devraient être exclues :
- celle de mise en faillite car elle entraîne des effets de chaîne destructeurs et non prévisibles, comme l’a montré le choc qu’ a été la mise en faillite de Lehman Brothers .
- celle de racheter les actifs pourris -partiellement retenue aux Etats Unis -, laquelle sera la plus coûteuse pour le contribuable alors qu’elle bénéficiera aux actionnaires et dirigeants de ces établissements ;
- celle de réaliser des prêts qui ne soient pas des obligations transformables en actions spécifiques « privilégiées » (superdividendes, droit de vote double,…) et qui n’impliquent pas de déléguer un responsable public à la direction de l’établissement[38]
Il paraît en tous les cas souhaitable que les puissance publiques prennent le contrôle des plus grands établissements et le conservent durablement; en considérant que la finance représente un bien public, alors que la perte de tout contrôle de la finance a eu pour conséquence de démontrer la propension des financiers à revenir à des pratiques de gains spéculatifs une fois les crises passées, à contourner les réglementations et régulations mises en place.
Il pourrait être cependant envisageable de céder à terme une partie du capital afin que les Etats puissent récupérer tout ou partie de leurs investissements .
L’Europe a l’occasion de prendre une position de cet ordre, laquelle paraît l’option la plus sérieuse pour rendre crédible la remise en marche de ce que j’ai appelé un système financier performant.
Cela nécessite en outre que l’Europe se dote d’un organisme supranational qui instaurera des normes prudentielles et qui sera en charge de la supervision du respect de ces règles par les banques et les établissements financiers en ne laissant plus les banques ériger leurs propres règles normatives. 
Enfin, l’Europe devrait se doter d’agences de notation agréées, lesquelles devraient être indépendantes d’autres institutions contrôlées par des intérêts non européens ; elles seraient mandatées par cet organisme supranational et non plus rémunérées par les établissements financiers qui leur demandent une notation pour elle-mêmes ou pour une opération pour compte de leur client.
 
4.4 Une opportunité de construire une Europe financière solidaire
Cette situation met en lumière les carences de l’UE : nous avons omis de développer un pouvoir exécutif au niveau européen ayant une vision de l’avenir et un programme commun de développement industriel sur le long terme, un budget européen plus significatif à même de développer des programmes de R&D à long terme ainsi qu’une solidarité financière institutionnalisée entre les différents pays en cas de crise.
Les mesures publiques de soutien et de relance prises en Europe par les différents pays n’ont nullement été coordonnées et ont souligné souvent une absence effective de solidarité vis à vis des pays de la zone les plus vulnérables alors que les économies européennes sont devenues très interdépendantes ; cela se traduit par des différenciels de plus en plus prononcés dans les spread de taux d’intérêts sur les obligations émises entre pays européens , lesquels pourraient remettre en question la capacité de certains de ces Etats à faire face à leurs obligations si le marché n’était plus preneur de leur signature, de par la croyance d’une défaillance possible compte tenu du manque de cohésion structurelle de l’état présent de l’UE. 
Or l’avenir de l’Europe se joue dans la capacité de ses dirigeants à mettre en place des politiques européennes industrielles et financières à même de dépasser les intérêts court termistes nationaux ; ceux-ci ne sont pas à l’échelle des problèmes susceptibles de faire face aux enjeux présents, lesquels nécessitent un espace significatif par rapport à la mondialisation présente et par rapport aux besoins de solidarité inter-européens ; de telles politiques sont indispensables pour nous permettre d’éviter et l’éclatement de l’UE et une rapide sortie de crise au sein de cet espace . 
Aussi, il y aurait lieu d’adopter les réformes suivantes :
-         une Banque Centrale à même de mener une politique dynamique en matière de taux d’intérêt et de taux de change,
-         un budget au niveau européen en rapport avec des politiques communes de Recherche et de Développement dans les industries d’avenir, ce qui impliquerait la possibilité de lancer des emprunts publics au nom de l’UE , présentement non statutairement autorisés. 
-         une solidarité institutionnelle impliquant une forme d’obligation des Etats d’être solidaires des dettes des autres, ce qui n’est nullement le cas présentement ; cela impliquerait une obligation de règles prudentielles de limite d’endettement et des mécanismes de soutien en cas de crise . 
-         des politiques de coordination budgétaires et fiscales, lesquelles seraient programmées pour une uniformisation sur une certaine période, avec l’objectif de stopper la politique absurde de dumping fiscal qui se pratique parmi les pays membres pour attirer les investissements. 
 
5. DES OBJECTIFS POUR FAVORISER DE NOUVELLES VOIES DE DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL
La crise présente doit permettre de favoriser l’émergence d’une nouvelle économie à même d’inciter à développer de « nouvelles combinaisons » [Schumpeter J.(1999) pp.312-316][39] par des politiques incitant à accélérer ces nouvelles voies d’agencement industriel, en se rappelant que les crises doivent être une chance pour les nouveaux entrepreneurs d’arriver à s’imposer .
Ceux-ci auraient d’autant plus de chance d’émerger si les puissances publiques concentraient sur eux leurs subventions et prêts publics plutôt que sur les anciens et si elles pouvaient se développer au sein d’un ensemble économique ayant une politique industrielle élaborée sur la base d’un horizon à long terme.
L’Union Européenne devrait avoir pour ambition de construire une telle zone de souveraineté lui permettant un développement économique, culturel et social déterminé par elle-même et non plus contraint par des facteurs exogènes .
Il faut pour cela que cette puissance publique limite les forces et doxa dominantes ci-dessous citées par des régulations et réglementations appropriées :
5.1 Le principe du libre-échange inconditionnel
De plus en plus d’économistes tels que P.A. Samuelson [Samuelson P.A., (2004)][40] p., Paul Krugman [Krugman P. (2007)][41], Jean-Luc Gréau [Gréau J.L. (2008)] commencent à reconnaître les effets négatifs longtemps occultés d’un libre-échange inconditionnel, en particulier pour les pays les plus développés quelle que soit leur dynamique en matière de recherche et d’innovation.
Ces effets tels que décrits ci-après ne sont pas en conformité avec le schéma classique de la théorie économique des avantages comparatifs de Ricardo justifiant le libre-échange :
- la déflation salariale déjà citée , laquelle suscite des tendances insoutenables sur le long terme ; dans tous ces pays la part du revenu du travail n’a cessé de se détériorer depuis 20 ans[42]. Cette déflation salariale bénéficie essentiellement à une minorité au point qu’aux Etats Unis on retrouve une concentration de la richesse nationale du même niveau que celle qu’elle était avant la crise de 1929 (51,6% par rapport au revenu national)[43].   
Cette situation est en contradiction avec la déclaration de Philadelphie signée par tous les grands Etats occidentaux en 1944 : « le développement des échanges commerciaux ne doit pas porter atteinte aux conditions de vie et de travail des populations concernées ».
- la désindustrialisation des pays développés par les délocalisations vers les pays à bas coût salarial et faibles réglementations sociales ; ainsi la plupart des pays développés tendent vers des déficits de plus en plus élevés de leurs balances commerciales avec les pays émergents ou autres . Cette tendance est d’autant plus accentuée que les entreprises continuant à être largement bénéficiaires n’hésitent pas à supprimer des emplois et/ou à fermer des sites pour les déplacer vers ces pays à bas coûts et que par ailleurs les avantages comparatifs des pays développés en matière technologique pourraient être largement érodés à l’avenir compte tenu des investissements en la matière de pays émergents et des délocalisations vers ces pays d’une partie de leurs laboratoires par les entreprises des pays développés. 
- la sous-évaluation des monnaies d’un certain nombre de pays émergents pour favoriser leurs exportations et les délocalisations des industries des pays développés en leur faveur, la Chine étant le pays le plus typique à cet égard.
- l’excessive orientation vers les exportations de beaucoup de pays émergents, ce au détriment de la croissance de la demande intérieure ; cela est le cas des pays asiatiques les plus « dynamiques » tels que la Chine dont les exportations représentaient 43% de leur PIB en 2005 ou le Vietnam 70%. Ces pays accumulent chaque année des réserves de change de plus en plus importantes, lesquelles sont en partie investies en Bons du Trésor US[44].    
Face à ces excès, il y a lieu d’instaurer un certain nombre de mesures susceptibles de maintenir le principe du libre-échange à l’intérieur d’ensembles économiques homogènes ou en cours d’homogénéisation tels que l’UE et d’instaurer des taxes compensatoires vis à vis des importations de pays de zones économiques n’ayant pas le même niveau de développement social. Ces droits ne s’appliqueraient que vis à vis des pays extérieurs à l’ensemble ayant de forts écarts de coûts sociaux ; ils seraient calculés pour compenser l’écart de prix de revient découlant des conditions de travail divergentes avec le pays .
Rappelons que les pays asiatiques, à l’exemple du Japon, pratiquent un protectionnisme de fait vis à vis de tout ou partie de leurs activités industrielles et que seule l’UE fait en sorte d’appliquer aussi largement un libre-échange inconditionnel. 
Ces mesures ne pourront être considérées comme un repli sur soi protectionniste dans la mesure où les entreprises étrangères auraient la liberté d’investir directement sur les marchés qu’elles veulent pouvoir desservir. 
 
5.2 La gouvernementalité actionnariale
les dirigeants de sociétés aux Etats-Unis et en Europe ont en effet pour objectif de   rechercher la maximisation à court terme de leurs profits, par une recherche d’optimisation de leurs coûts et de la recherche de profits financiers ou plutôt spéculatifs afin de tenter de satisfaire aux impératifs de la « gouvernementalité actionnariale » , c’est à dire à ceux d’actionnaires institutionnels exerçant en permanence des pressions sur les dirigeants d’entreprise pour qu’ils obtiennent des résultats permettant une valorisation maximale de leurs placements sur le court terme. 
Cela a fait dire à Jean-Luc Gréau que « les marchés financiers …..ont reçu la responsabilité majeure de juger, de sanctionner et, par ce biais, de piloter les entreprises et les Etats » [Gréau J.L. (2008) p.10].
Ces objectifs se réalisent au détriment des salariés (diminution de la part sur la valeur ajoutée [Husson M. (2008) p.15][45], précarisation , licenciement , délocalisation) et de l’avenir de l’entreprise elle-même (faiblesse des investissements de recherche et de produits innovateurs) ainsi que de l’environnement en ne tenant pas le plus souvent compte des externalités négatives qu’elles créent (consommation de matières premières non renouvelables, pollution, chômage dont les coûts sont à la charge de la collectivité). Il est dès lors important que les entreprises présentes sur les marchés financiers puissent non plus être à la merci d’ « actionnaires spéculateurs » se désintéressant de leur avenir à long terme et qu’elles puissent s’appuyer sur un actionnariat stable.
Pour cela il devrait être donné un statut aux investisseurs financiers disposés à rester actionnaires sur un temps long leur permettant d’obtenir des droits de vote privilégiés ; en outre seuls de tels actionnaires devraient avoir droit à des dividendes ainsi que des avantages fiscaux telles que des exonérations de leurs plus-values à l’échéance de la période d’engagement.
Ce principe de la valeur actionnariale est d’autant plus malsain et auto-destructeur pour les entreprises qui subissent cette contrainte que celle-ci n’est pas la même dans les pays asiatiques; les dirigeants y ont des horizons de gestion à plus long terme.
Ce différentiel d’horizon a permis aux économistes parmi les plus lucides d’avertir dès avant 2008 que la finance telle qu’elle est pratiquée aux Etats-Unis et en Europe constituait dores et déjà une menace pour l’avenir de ces économies [Aglietta (2007)]. 
 
5.3 La déflation salariale 
La croissance de pays tels que les USA et la Grande Bretagne n’a été réalisée ces dix dernières années qu’au prix d’une explosion de l’endettement des ménages, au point d’en arriver à des ventes de biens immobiliers à des ménages insolvables –cf. le scandale des subprime aux USA [46]-.
Constatant l’impasse que représente la déflation salariale généralisée et celle de l’endettement sans limite des ménages, les seules mesures que peuvent adopter les Etats susceptibles de faire reprendre la demande et restaurer la confiance seront celles d’une relance concertée au sein de chaque ensemble du pouvoir d’achat en faveur des salaires et revenus moyens et les plus bas
 
5.4 Les positionnements de rentes
celles-ci sont caractéristiques d’un nouveau type de souveraineté extra-territoriale cherchant à conquérir et à conserver des flux provenant de rentes de positions dominantes, matérialisés par des flux financiers et des flux d’informations, mais aussi en s’appuyant souvent sur des capitaux symboliques (langues, art, religions, philosophies, science) ; ces positionnements de rente sont à la source de la crise présente et de la toxicité du système qui ne veut pas prendre en compte les externalités négatives qu’ils engendrent.
Il s’agit de mettre en cause en particulier les positionnements suivants :
- rente de l’économie dominante drainant une grande partie de l’épargne mondiale ,
- rente de positions dominantes d’acteurs industriels, financiers, culturels  qui retardent ou bloquent le développement d’innovations susceptibles de remettre en cause leurs perspectives et/ou qui captent la rente d’innovation à leur seul profit sans en faire bénéficier leurs salariés et les contributeurs.
- rente des riches possédants d’actifs financiers et immobiliers qui militent pour obtenir toujours plus d’avantages au détriment des autres (cf. le discours dominant sur la flexibilité de l’emploi et des salaires, sur la réduction du secteur public et les réductions d’impôt en faveur des entreprises et des plus riches – cf. bouclier fiscal -) .
CONCLUSIONS
Face à la gravité de la crise présente, il y a urgence de proposer une révision complète du système présent de la globalisation financièreallant bien-au-delà de quelques régulations qui pourraient être proposées et de favoriser de nouvelles voies d’agencement industriel. 
Cela implique une volonté encore peu manifestée jusqu’à présent de la part des puissances publiques de favoriser le développement de ce que Ars Industrialis appelle une politique industrielle des technologies de l’esprit prenant soin des nouveaux modes de relations qui peuvent désormais s’établir entre les organes du vivant, les organes artificiels et des réseaux économiques et sociaux de plus en plus diversifiés.
Celle-ci requiert les impératifs suivants  : 
1° faire des choix ayant un horizon de long terme et non plus de court terme
2° inciter à substituer aux dispositifs de contrôle et de manipulation des pulsions, l’accélération de production de dispositifs d’interaction et de contribution par le « bottom-up », plutôt que par le « top-down », à même de développer une nouvelle énergie libidinale, c’est à dire de développer des croyances et du désir qui nous éloignent d’une prolétarisation ayant gangréné toutes les couches de la société.
Faute d’une telle prise de conscience et de l’adoption de telles politiquespertinentes sans de plus amples atermoiements,-seules susceptibles de redonner sens et confiance dans un avenir permettant de retrouver du savoir-faire et du savoir-vivre - nous courons le risque d’une récession mondiale prolongée et de nouveaux séismes financiers et sociaux, encore plus graves que ceux survenus dans les années 1930.
Il faudra en particulier veiller à éviter le prochain séisme financier qui nous menace, celui d’une crise de la dette publique[47].
 
 
 
 
 
 
 
Bibliographie :
1 - Ouvrages :
Aglietta M (2008), La crise, Pourquoi en est-on arrivé là ? Comment en sortir ?, Editions Michalon, Paris
Bernays E. (2007), Propaganda, comment manipuler les opinions en démocratie, Editions Zones La Découverte, Paris
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Gréau J.L. (2008) , La trahison des économistes, Editions Gallimard, Paris
Husson M. (2008), Un pur capitalisme, Editions Cahiers libres, Editions Page deux, Lausanne
Jorion P. (2008) , L’implosion, la finance contre l’économie, Editions Fayard , Paris
Joxe A. (2006),  la globalisation stratégique  , Cahiers d’Etudes Stratégiques , N° 40-41
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Lazzarato M. et Corsani Antonella (2008), Intermittents et précaires, Editions Amsterdam, Paris
Lordon F. (2008), Jusqu’à quand ? pour en finir avec les crises financières, Editions Raison d’agir, Paris
Moulier-Boutang Y. (2007), le capitalisme cognitif, la grande transformation, Editions d’Amsterdam, Paris
Orléan A. (1999) , Le pouvoir de la finance, Editions Odile Jacob, Paris
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Stiegler B. (2006), La télécratie contre la démocratie, éditions Flammarion, Paris
Stiegler B. (2009) , Pour une nouvelle critique de l’économie politique, Editions Galilée, Paris
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Weber M. (1985) L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Editions Plon « Agora », Paris
 
2 - Ouvrage collectif :
Aglietta M. et Berrebi L. (2007), Désordres dans le capitalisme mondial , Editions Odile Jacob, Paris
Deleuze G. et Guattari F.(1971) , l‘Anti-Œdipe , Editions de Minuit, Paris
Stiegler B. & Ars Industrialis (2006) , Réenchanter le monde, La valeur esprit contre le populisme industriel, Editions Flammarion, Paris
 
3 - Chapitre dans un ouvrage collectif :
Cormerais F. (2007) « Innovation, valeur de la production et économie de la contribution », in Stiegler B. , Le design de nos existences à l’époque de l’innovation ascendante , Editions Centre Pompidou-Institut de Recherche et d’Innovation, et Mille et Une Nuits, Paris
Robin J. (2003), « les enjeux politiques et économiques du concept d’information », in Passet R., Sortir de l’économisme, une alternative au capitalisme néo-libéral, Les Editions de l’Atelier, Paris
 
4 - Article dans une revue :
      - Française :
Sapir J. (2009), « Le retour du protectionisme et la fureur de ses ennemis », Le Monde Diplomatique, , N° 660, pp. 18-19.
Wallerstein I. (2008), « le capitalisme touche à sa fin », Le Monde, 11/10/2008
Warde I. (1994) , « Financiers flamboyants, contribuables brûlés », Le Monde Diplomatique, Juillet 1994
      - Etrangère :
Krugman P. (2007), « Trade and inegality revisited”, Vox, 15 Juin 2007, wwwvoexeu.org,
Samuelson P.A. (2004) “where Ricardo and Mill rebut and confirm arguments of mainstreams economists supporting globalization”, Journal of Economic Perspectives, vol.18, N° 3, été 2004, pp.135-146
 
 
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INFORMATIONS SUR REUNION G20 Avril 2009
 
4 types de recommandations susceptibles d’être décidées :
détecter l’émergence de bulles sur les marchés du crédit ou des différentes familles d’actifs
outils nouveaux pour faire éclater les bulles avant qu’elles n’aient pris trop d’ampleur
renforcement du capital des banques et de leurs réserves de liquidités
incitation à une meilleure gestion des risques et à une révision des pratiques de rémunération
 
 
 
 
 


[1] « Le monde n’est nullement gouverné par la Providence de manière à faire coïncider l’intérêt particulier avec l’intérêt général. Et il n’est nullement organisé ici-bas de telle manière que les deux finissent par coïncider dans la pratique ».
[2] « notre compréhension du monde est prisonnière de l’héritage d’une économie de marché qui nous a légué une vision simpliste de la fonction et du rôle du système économique dans la société ».
[3] entendue comme une Idéologie s’appuyant sur des bases théoriques pour donner l’apparence de l’objectivité, réussissant à s’imposer comme vérité grâce au prestige des acteurs la prônant au sein du champ concerné, alors que cette vérité n’est nullement vérifiée à l’épreuve des faits ou de l’expérimentation scientifique
[4] voir Manifeste sur le site Ars Industrialis :www.arsindustrialis.org
 
[5] Lesquels peuvent être résumés comme suit :
- dès 2005 détérioration du marché résidentiel immobilier aux USA
- fin 2006 : début de l’accroissement de la défaillance des ménages aux USA
- mi-2007 : début de la crise des subprime avec des Fonds de placement en difficulté ;
- Août 2007 : début de l’intervention des B.C. en tant que prêteurs aux Banques pour combler leurs problèmes de liquidité
- Mars 2008 : premières faillites de banques et établissements financiers aux USA : Banque Bear Stearns, Countrywide Financial ; en G.B. : nationalisation de Northern Rock,
[6] Les baisses du PIB en taux annualisé ont été les suivantes au quatrième trimestre 2008 : Corée du Sud : 20,8%, Japon :12,7%, Allemagne : 8,2% , Royaume-Uni : 5,9%, USA : 3,8%
[7] cf. Interview Alan Greenspan , “The Fed did not cause the housing buble” , The Wall Street Journal, 12 Mars 2009 
[8] financements publics des différents Pays au 28/02/09 en US$ Milliards  (%/PIB): USA : 787 (3,8%) ; Chine : 587 (7%) ; Japon : 250 (5,7%) ; Union Européenne : 200 (1,5%)
[9] « cette politique….qui ne vise qu’à reconstituer le modèle consumériste est la traduction d’une idéologie agonisante qui maintient sous perfusion un modèle devenu autodestructeur…..toxique….parce qu’il est arrivé à ses limites. Il s’agit de le dénier pour maintenir les profits colossaux qu’il rapporte encore à ceux qui l’exploitent ».
[10] la demande de la mise en place d’un fond de soutien en faveur de ces pays d’un montant estimé de l’ordre de Euros 200 Milliards (estimation BERD) a été refusée jusqu’alors, tout en affirmant le principe de vouloir aider ces pays au cas par cas . Il faut noter que deux Etats membres de l’UE ont dores et déjà été placés sous perfusion par le FMI : la Hongrie et la Lettonie et que la Roumanie se trouve elle aussi dans une situation très fragilisée.  
[11] l’épargne étrangère placée aux USA a été multipliée par plus de dix fois de 1990 à 1998, soit de US$ 250 milliards à plus de 2.700 Milliards
[12] En 2001 les principaux établissements anglo-saxons contrôlaient 90% des marchés des produits dérivés et structurés (source : rapport BIS):
% part de marché
1995
2001
Foreign exchange derivatives
59,0
89,0
Interest rate derivatives
56,0
86,0
Credit derivatives
79,0
94,0
 
[13] « la liquidation capitaliste de la croyance est aussi celle du désir , avec ceci que le capitalisme a absolument besoin du désir »
[14] «  historiquement, l’Etat US a joué un rôle important : …crucial en matière financière. Il fournit ou garantit un important % du crédit par divers programmes : prêts immobiliers, prêts aux étudiants, à l’import-export, aux coopératives, aux petites entreprises. …..encore plus important dans l’économie pour promouvoir le développement dont celui de la technologie et des infrastructures ».
[15] « le gain est devenu la fin que l’homme se propose ; il ne lui est plus subordonné comme moyen de satisfaire ses besoins matériels » 
[16] « chacun de ses rouages contribue…. à assurer au plus petit nombre le plus grand gain possible ».
Les moyens qu’elle s’est donnée ont pour noms : « prix spéculatifs », « effet de levier », « produits dérivés »….reposant sur le même principe : amplifier le plus possible les chances de gains et augmenter concurremment …les risques de pertes ». 
[17] « promouvoir ….une économie plurielle, certes avec marché, mais structurant aussi d’autres logiques économiques : celles des biens publics, de l’économie sociale et solidaire, de l’économie domestique et d’une économie de distribution inconditionnelle de revenus suffisants pour tous. Une telle orientation nécessite la transformation des instruments actuels de l’économie…de nouveaux indicateurs qualitatifs…légitimer de nouveaux pouvoirs politiques démocratiques avec participation de tous les citoyens pour mettre en place ces dispositions ».
[18] « organiser la production et l’extorsion du travail, surtout de travail vivant en réseau, tel est le défi auquel le capitalisme industriel est déjà confronté depuis trente ans ».
 
[19] Perspectives économiques pour nos petits enfants, (1930) : « nous nous efforcerons de partager le travail ….pour faire en sorte que le travail qui restera encore à faire, soit partagé entre le plus grand nombre…des postes de trois heures par jour ou de quinze heures par semaine »
[20] « l’individu ne s’individue qu’en se tenant en excès sur lui-même….en s’extériorisant….pour former un désir, et l’objet d’un désir ».
[21] « La règle du marché ne fonctionne donc qu'à sens unique, et, à condition de jouer gros, les flambeurs jouent toujours gagnant: ils garderont pour eux les bénéfices, et laisseront au Trésor public le soin d'éponger les pertes. »
[22] « C’est une stratégie globale de gestion de pouvoir d’une élite internationale industrielle et financière plus ou moins dénationalisée »
[23] ces deux sociétés de financement immobilier avaient un encours de crédit de US $ de 5.300 milliards (45% du total des prêts immobiliers )
[24] aide de US$ 180 Milliards depuis septembre 2008 ; perte affichée de 99,3 milliards sur 2008 avec en contrepartie la mise sous tutelle de 80% des actions. 
[25] « le capitalisme ne cesse de dépasser ses propres limites, déterritorialisant toujours plus loin,  se dilatant dans une énergie cosmopolite universelle qui renverse toute barrière et tout lien »
[26] en Octobre 2008, face à l’impossibilité de coter sur les marchés beaucoup de titres, cette norme comptable a été mise en suspens afin d’éviter des provisions qui auraient asséché les fonds propres des institutions concernées. 
[27] pour lesquels il est demandé une rentabilité sur dotation de fonds propre de 50%
[28] des études sont en cours pour l’instauration d’une chambre de compensation , mais aura-t-on le courage de refuser l’agrément de beaucoup de montages complexes dont les risques sont difficilement évaluables et leur évolution encore plus difficile à suivre ?
[29] titres de créances placés par les banques auprès de fonds de placements et d’institutions d’assurances représentatifs de crédits aux entreprises, de crédit à la consommation, de crédits immobiliers ; ces créances difficilement évaluables sur les marchés titres risquent de nécessiter de nouvelles provisions et de provoquer de nouvelles faillites dans les années à venir.
[30] par injonction aux banques nationales de fermer leurs filiales dans ces pays et d’interdire aux entreprises de loger leurs opérations dans ces banques off-shore .
[31] Ces fonds détenaient US$ 11.000 milliards d’actifs gérés à fin 2007 (source IFSL) et représentent plus du tiers des cotations quotidiennes ; en exigeant des banques qu’elles refusent tout renouvellement de prêt à ces fonds qui ne pourraient être garantis à 120% par des titres à leur valeur de marché, il en résultera la mise en faillite de la plupart de ces fonds ; cela constituerait un nouveau choc, car il nécessitera des provisions élevées pour les banques ; une telle action de vérité par rapport à des fonds qui ne pourront pas récupérer leurs mises étant donné leurs positions élevées de leverage permettrait d’assainir les marchés et de stopper ensuite la tendance irrémédiablement baissière des marchés, compte tenu des problèmes de liquidité et de solvabilité de ces fonds .  
[32] par exemple le fonds spéculatif Paulson & Co , qui avait gagné plus de US$ 3 Milliards en jouant sur la baisse des « Mortgage Backed Securities » , aurait d’après l’agence Bloomberg réalisé un profit de US$ 428 Mios depuis septembre 2008 en pariant sur la chute des cours des actions des banques Lloyds et HBOS .
[33] quatre principes : 1° quand une bulle est formée, il est trop tard ; 2° la finance doit être au service de l’économie réelle ; 3° le dogme du marché financier mondialisé ne peut conduire qu’au minima minimorum de régulation ; 4° l’Europe est une zone d’activité financière autosuffisante (Royaume-Uni exclu).
Neuf propositions : 1° désinciter les traders au  « toujours plus » ; 2° détitriser ; 3° refuser les effets de levier ; 4° refuser les opérations avec les places off-shore ; 5° restreindre les possibilités d’opérations sur les produits dérivés ; 6° nationalisation des entreprises de bourse ; 7°interdire les opérations OTC « Over The Counter » ; 8°une politique monétaire dédoublée : taux d’intérêt de la BC dédoublé selon financement ou non de l’économie réelle ; 9° réglementation stricte des entrées et sorties de flux de capitaux par rapport à la zone Europe 
[34] cette évaluation présente des pertes potentielles est à mettre en regard des montants d’encours de Credit Default Swaps (CDS) au 30/09/08 de US$ 60.000 Milliards, ainsi que de l’encours notionnel de produits dérivés de US$ 600.000 Milliards ; montants à mettre en regard du PIB mondial de 54.000 Milliards.
[35] Endettement des USA 260% du PIB en 1932 , plus élevé aujourd’hui.
[36] Lors de la crise de 1929, les faillites d’une grande partie des banques aux Etats-Unis avait été la cause centrale de l’aggravation de la crise et de son prolongement dans le temps.
[37] il faut ne pas répéter les erreurs des banques japonaises dans les années 1990 qui avaient mis près de 10 ans à faire les provisionnements nécessaires, ce qui avait entraîné des trappes de liquidité ne permettant plus aux banques de répondre aux demandes de l’économie . 
[38] des prêts sans conditions de cet ordre ont été faits en France , ce qui n’a pas permis d’éviter la contraction du crédit et….l’octroi de dividendes aux actionnaires…
[39] « le nouveau apparaît à côté de l’ancien et ne sort pas de l’ancien, il lui fait concurrence jusqu’à le ruiner , et modifie toutes les situations de sorte qu’un « processus de mise en ordre » est nécessaire……. 
la crise serait alors …le processus par lequel la vie économique s’adapte à de nouvelles conditions. »
[40] « il ne peut plus être soutenu que le surplus de gains provenant du libre-échange dépasse les pertes… » 
[41] cité par Jacques Sapir, Le Monde Diplomatique, Mars 2009, le retour du protectionnisme et la fureur de ses ennemis,
[42] évolution des parts du revenu du travail dans les pays suivants : 
[43] données US Department of Commerce
[44] Evolution Réserves de change
En US § Milliards 
2000
8/2008
Chine
155*
1.884
Japon
345
1.200
Zone Euro
215
555
                Source FMI      * fin 1999
[45] la part des salaires dans l’économie a chuté de 4,5 % dans les pays du G7 entre les années 1960 et 2005 ; il faudrait en outre impacter l’augmentation des charges sociales, laquelle a été en grande partie supportée directement par les salariés.
 
[46] évolution de l’endettement des ménages par pays 1998-2007 :
% /PIB
1998
2007
USA
63,0
100,0
Allemagne
 
68,0
France
34,0
47,6
 
[47] Nous risquons en effet de voir se profiler une crise de la dette publique sachant que celle-ci avait déjà fait un bond considérable au cours des années 1990 dans beaucoup de pays y compris la France où celle-ci s’était accrue de 32% /PIB à 58% entre 1992 et 1998 ; celle-ci pourrait se traduire par la hausse des taux réels, par le retour généralisé de l’inflation et/ou par des défaillances de certains Etats susceptibles de provoquer un nouveau cataclysmes financier du système financier international.
Face aux besoins supplémentaires considérables de financement que nécessitent les plans de relance et de sauvetage publics, une telle crise ne pourra être évitée que s’il peut s’ériger une entente sans faille des principales puissances mondiales et un système financier international à même de gérer et de réguler sur les marchés les flux engendrés.
Celle-ci nécessitera une coordination étroite avec les Pays Asiatiques, créanciers en particulier des USA , à défaut que puisse être refondée dans les mois à venir la gouvernementalité financière mondiale souhaitée, susceptible de s’imposer et de faire respecter ses règles ; à cet égard la réunion du G20 d’avril 2009 semble plus s’orienter vers un débat sur l’importance des plans de relance publics et sur quelques propositions de façade concernant les opérations avec les places offshore que sur des propositions radicales de réglementation et de refondation du système financier international. 
 Il y aura lieu en effet de trouver des réponses au paradoxe de voir d’un côté ces pays, n’ayant plus les mêmes excédents dans les années à venir du fait du ralentissement de leurs exportations et de l’obligation pour eux d’orienter plus amplement leurs activités vers leurs marchés intérieurs, se voir sollicités pour des sommes annuelles inégalées de souscriptions à des emprunts publics extérieurs, et de l’autre pour les Etats-Unis de pouvoir continuer à compter sur l’épargne mondiale pour financer des déficits publics de plus en plus importants..
 

 

proposition recevable

Tiut simplement pour dire que je suis l'auteur du premier commentaire ,que j'avais tout simplement oublier de signer.
Alain Audet

Merci

Merci beaucoup pour ces analyses, qui permettent d'y voir plus clair dans la crise actuelle et pour les propositions faites. Ars industrialis est un véritable laboratoire où toutes les questions posées sont bien ancrées dans les réalités des problèmes contemporains, sur de nombreux champs!

Panayotou

proposition recevable

Bonjour.

Que de constats,j'ai lu plusieurs textes à ce jour dont le dernier en titre,qui simplement vise à redémarrer la mème économie capitaliste qui nous à mener là ou nous sommes,en règlementant finance et économie, ce qui ne peut que mener à un contournement de ces mèmes règles à terme,exactement le mème scénario qui c'est déroulé depuis le début des années 70 jusqu'à W. Bush,
aujourd'hui.

Les diverses solutions suggérés à ce jour,comme celle-ci, devraient être juger irrecevable,comme constats de modèle à éviter très bien, sans plus, car elles ne tiennent pas compte de la véritable crise qui elle est environnemental.

Je ne veux en rien provoquer, ici, une polémique, mais je crois que nous n'avons plus de temps à perdre à relancer le type d'économie baser sur le courtermisme de l'économie capitaliste. Marxisme, socialisme ne valent guère mieux ce type d'économie se résume, pour ceux qui l'ont pratiquer, à ni plus ni moins à du capitalisme d'états ,détériorant, eux aussi, l'environnement.

Toute proposition future d'une économie viable devrait être monter comme un véritable plan d'affaire "d'entreprise capitaliste" dont une des première règles est de tenir compte de la capacité de ses founisseurs et dans le cas qui nous occupe notre PINCIPAL ET UNIQUE FOURNISSEUR qu'est notre planète a atteint et dépasse largement la capacité de ses écosystèmes à assurer le maintien de notre existence et ce à court terme.

Plus nous attendrons pour agir en ce sens, plus ce sera difficile, à l'avenir toutes suggestions devras, pour être crédible, avoir comme base une économie visant la vie en équilibre avec nos écosystèmes.
Au plaisir d'y contribué.À bientôt.