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Pour en finir avec la mécroissance - Quelques réflexions d’Ars industrialis - Bernard Stiegler, Alain Giffard et Christian Fauré

Avec la fin du « siècle de l’automobile » et « l’ère du pétrole », ce sont aussi la télévision, les industries de programme et les industries culturelles en général qui sont entraînées dans une crise profonde, subissant la désaffection d’une partie croissante de la population. L’ensemble du système consumériste s’avère aujourd’hui caduc.
Dès son origine, Ars Industrialis a soutenu que le consumérisme constitue un processus autodestructeur, soumettant les technologies d’information et de communication à l’hégémonie d’un marketing irresponsable et empêchant la formation d’un nouvel âge industriel. Car au cours de la dernière décennie, un autre modèle comportemental est apparu qui dépasse l’opposition de la production et de la consommation, dont le logiciel libre et les licences creative commons sont les matrices conceptuelles et historiques.
Ce nouveau modèle constitue la base d’une économie de la contribution. Il permet d’espérer qu’après la domination de la bêtise systémique à laquelle aura conduit le consumérisme, les technologies numériques seront mises au service d’une nouvelle intelligence collective et d’un nouveau commerce social – pour autant qu’émergent une volonté politique et une intelligence économique nouvelles, et que s’engage la lutte pour en finir avec la mécroissance.

 


 
Pour une nouvelle critique de l’économie politique, Bernard Stiegler, éd. Galilée 2009
Plongés au cœur d’une crise sans précédent historique – celle d’un capitalisme devenu planétaire –, nous débattons de ce qui la caractérise, et des conditions pour en sortir au plus vite : d’autant plus vite que les ravages terrifiants qu’elle engendre pourraient évidemment conduire à des menaces géopolitiques d’une ampleur encore inconnue.
Au centre de ces débats se loge une contradiction dont nul ne semble avoir conscience – ou vouloir prendre conscience – dans les mondes de l’économie et de la politique : c’est que le principal facteur de la crise est l’épuisement du modèle consumériste. Celui-ci, devenu intrinsèquement toxique, fait système avec la destruction de l’investissement par un capitalisme hyperspéculatif à tendance mafieuse, et repose sur ce qu’il faut appréhender comme une bêtise systémique.
L’inconscience dont il s’agit est en vérité l’un des effets les plus graves, dans la nouvelle situation créée par la crise, de la bêtise sécrétée par le modèle consumériste telle qu’elle se trouve renforcée par ce qui constitue aussi, dans ce contexte, un refoulement : le refoulement d’une réalité qui place les sociétés hyperindustrielles devant ce qui se présente comme un paradoxe. Car s’il faut évidemment « relancer » la machine économique – par l’investissement et par la consommation – pour éviter une dépression mondiale qui engendrerait une terrible aggravation des injustices sociales, déjà intolérables, et dont l’horizon malheureusement probable serait un conflit mondial, le faire par la simple reconduction du modèle consumériste qui est à l’origine de la crise ne pourrait qu’aggraver encore la situation.
S’il faut relancer la consommation, cela ne peut être qu’en vue de soutenir des investissements dans un nouveau modèle industriel, non consumériste et porté par une politique publique mondialement concertée : l’enjeu est un New Deal en ce sens – pour lequel Keynes ne saurait suffire, et où Freud doit être convoqué. La question est celle de l’investissement au-delà de la consommation, c’est-à-dire aussi tel qu’il doit être repensé au regard de ce que ce terme signifie depuis Freud – extension de l’économie de l’investissement qui doit conduire à une nouvelle façon de penser le travail.
Ce petit ouvrage est consacré à l’examen des éléments axiomatiques étayant cette analyse. Il tente d’esquisser les fondements d’une économie de la contribution. Il invite la philosophie contemporaine à réévaluer la question de l’économie et de sa critique – une nouvelle critique de l’économie politique fondée sur une critique de l’économie libidinale au moment où l’économie libidinale capitaliste est devenue structurellement pulsionnelle.
 
 
 
 
 
 
De la démocratie participative - Marc Crépon et Bernard Stiegler - Ed. Mille et une nuits 2006.
Que renferme l'expression " démocratie participative " ? N'est-elle pas un pléonasme - toute démocratie n'appelle-t-elle pas une participation de tous ? La démocratie participative peut-elle encore, en ce cas, être légitimement opposée, et comme " démocratie directe ", à la démocratie représentative ? Ne traduit-elle pas plutôt une forme de populisme ? Quelle consistance donner à ce qui pourrait constituer une très belle proposition politique - remettre la participation au cœur d'un nouveau projet politique ? Et face à quelle menace contre la démocratie ? Et que dire, et de cette menace, et de l'actuelle mise en œuvre d'une " démocratie participative " dans la campagne électorale ? Celle-ci peut-elle remédier à la crise de défiance des citoyens ? La participation est-elle réductible à une prise de parole puis à un bulletin dans une urne ? En quoi les technologies dites collaboratives peuvent-elles contribuer à la mise en œuvre d'une nouvelle sorte de démocratie, et en quoi ne peuvent-elles pas y suffire ? La participation ne concerne-t-elle pas l'organisation de toute l'économie politique industrielle telle qu'elle se met en place en ce début de XXIe siècle ? Chacun ne sent-il pas que, faute d'une nouvelle participation des hommes à la construction de leur avenir dans toutes ses dimensions, et comme nouvelle forme de civilisation, le monde court à sa perte ?
 
Bernard Stiegler (avec Ars Industrialis), Réenchanter le monde - La valeur esprit contre le populisme industriel, Flammarion, 2008.
Réflexion sur la toute-puissance sur les esprits de l'industrie de la communication dans les sociétés capitalistes. Dans la crainte de crises civilisationnelle et économique, prône la lutte contre l'ignorance ainsi qu'une politique industrielle des technologies de l'esprit : médias, télévision, etc.