Ars Industrialis présente les documentaires de Simon Lincelles

Naissance, grandeur et décadence de la spiritualité humaine - Simon Lincelles

Travail versus Emploi, Le temps de la déprolétation

Episode I : histoire ou métarécit ?

 

Bravo et merci pour ce documentaire que j’ai regardé avec beaucoup d’intérêt.

D’autres sont à venir, je les regarderai avec autant d’attention.

Bon nombre des réflexions menées au sein d’Ars Industrialis depuis plusieurs années y sont résumées sous une forme audiovisuelle assez inédite dans le cadre des productions de l’association il me semble. Je pense que c’est un effort tout à effet intéressant, notamment parce qu’il peut toucher un public peu enclin à suivre des conférences philosophiques ou à lire des publications de niveau universitaire.

Et comme je suis pinailleur, je vais pinailler, sur des éléments de chronologie, sur quelques affirmations relevant de la causalité, et finalement sur la trame du récit historique proposé, et ce dans l’espoir de vous être utile. D’une manière générale, je trouve que votre documentaire, tout à fait juste dans l’ensemble, bascule quelques fois dans le métarécit, au service d’un discours politique, et au détriment des faits et de la chronologie, qui nous sont connus par des sources.

Allons-y dans l’ordre.

Vous affirmez tout d’abord que l’écriture se généralise en Grèce, propos assez proche de ceux souvent émis par B. Stiegler. Il est vrai que notre écriture, sa grammaire et sa logique, sont très proches de celles relevant du grec ancien. Cependant, cette généralisation de l’écriture est certainement antérieure aux Grecs : on la trouve dans les cités et les Etats de l’Orient Ancien (en témoigne, par exemple, le fameux Code d’Hammourabi), mais aussi en Chine, etc. En Mésopotamie comme en Egypte, la naissance de l’écriture n’est pas seulement liée à la religion et à l’économie comme vous l’affirmez, mais aussi à la naissance des premiers Etats (la date de 3300 que vous mentionnez renvoie d’ailleurs aux textes des administrateurs d’Uruk, voyez les travaux de J. Bottéro, V. Grandpierre, J.-J. Glassner, etc.). Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’à Athènes, au cours d’une période finalement assez courte, les citoyens devaient apprendre à lire et à écrire, que l’on peut parler d’une généralisation de l’écriture en Grèce. Même à Athènes, les citoyens ne constituaient qu’une minorité. Enfin, ce n’est pas parce qu’une grande part des travaux de philosophie et de mathématiques de l’époque antique qui nous sont parvenus sont grecs que rien de tout cela n’existait avant eux. Les sources archéologiques révèlent l’existence de grandes réalisations architecturales en Mésopotamie et en Egypte et par là-même, implicitement, un savoir mathématique, géométrique, physique, même si leurs textes ne nous sont pas parvenus. Il s’agit là d’un problème documentaire. J’y reviendrai, mais cet écart avec les faits est assez révélateur d’un discours qui privilégie le continuum, le métarécit centré sur l’Europe au détriment d’une histoire assurément plus complexe et plus difficile à relier aux propositions d’Ars Industrialis (et je ne dis pas cela pour vous décourager).

Vous affirmez « toutes les civilisations humaines ont toujours distingué les aspects matériels et calculables des aspects spirituels et incalculables ». Je ne suis pas certain de bien saisir ce que vous avez voulu dire. En l’état, cette affirmation est très critiquable. Les travaux de Jean-Pierre Vernant notamment ont montré que pour la plupart des Grecs (pour reprendre cet exemple), les dieux vivaient parmi les hommes. Lorsqu’un Grec mourrait, on ouvrait les fenêtres. Plus proche de nous encore, le dogme eucharistique de la transsubstantiation ne révèle-t-il pas, au contraire, la non-dissociation du spirituel et du matériel ?

Cette non-dissociation fut d’ailleurs particulièrement dominante dans la pensée occidentale jusqu’à la Renaissance. La scolastique et surtout Thomas d’Aquin ont véhiculé cette idée selon laquelle l’âme n’est que la « forme du corps ». Il fallut attendre la pensée moderne, la Renaissance et le cartésianisme notamment, pour que l’Occident renoue pleinement avec cette dissociation émise auparavant par Platon et saint Augustin, auteurs jusqu’alors mis en marge par l’influence d’Aristote.

Votre omission totale du Moyen Âge (dans un documentaire portant pourtant sur la spiritualité) est à ce titre particulièrement révélatrice du basculement dans le métarécit. Le discours politique porté par le documentaire vous conduit à inventer parfois une histoire où le Moyen Âge n’existe pas, pour bâtir un continuum entre l’invention de l’écriture et la révolution industrielle (si l’on peut parler de « révolution » industrielle, mais je ne détaille pas afin d’aller à l’essentiel). L’omission de l’époque médiévale dans un documentaire consacré à l’esprit, et qui donne une large place à la préhistoire, à l’Antiquité, aux temps modernes et contemporains, tend en outre à véhiculer le cliché d’un Moyen Âge sombre, déchiré par la guerre, les épidémies et les superstitions, bref un Moyen Âge à l’écart de l’intelligence.

Vous affirmez que la révolution industrielle repose sur l’acier et la machine à vapeur. Là encore, cette affirmation alimente le cliché de la supériorité technique (et par là-même intellectuelle) de l’Europe sur le monde. Les travaux d’histoire globale publiés ces dernières années ont permis de révéler les failles de ce schéma européocentré. Kenneth Pomeranz, pour ne citer que lui, a notamment montré qu’à la fin du XVIIIe, l’Angleterre présentait un niveau de développement socio-économique comparable au Yangzi, une région chinoise. Si le décollage industriel permit à l’Angleterre de « prendre le dessus » sur la Chine, ce n’est certainement pas en raison d’innovations (d’une supériorité de l’esprit européen), mais en raison de facteurs environnementaux : la première industrialisation repose en effet sur le coton et le charbon, ressources dont ne disposaient pas les Chinois.

Vous dites « les crises économiques et les guerres du XXe siècle sont les conséquences de ce développement industriel mal maîtrisé ». Bon, je ne commente pas, le contresens relevant ici certainement d’un problème de formulation.

Peut-être s’agit-il encore d’un problème de formulation, mais on peut critiquer votre explication de la société de consommation. « L’objectif n’est plus de produire, mais il faut surtout vendre ». Cela n’a rien de nouveau après la Deuxième guerre mondiale. La nouveauté, à partir des années 1950, consiste seulement en l’appui massif des médias audiovisuels que vous avez justement mentionné. L’objectif commercial devient primordial dès les premières décennies de l’ère industrielle : il est inhérent, en Grande-Bretagne, au débat sur les Corn Laws entre 1815 et 1846. La conquête des marchés joua également un rôle primordial dans l’expansion de l’Europe outre-mer, à laquelle le documentaire fait mention précédemment. E. Hobsbawm et bien d’autres historiens ont en effet montré que l’écoulement de la production était le moteur essentiel de l’impérialisme.

Cela étant dit, en tant que discours politique, le film pourra sans doute convaincre bon nombre d’internautes de s’intéresser aux travaux et aux propositions d’Ars industrialis pour une économie de la contribution. Votre initiative me semble tout à fait propice à une plus large diffusion des travaux de l’association. Et puis, parler de l’invention de l’écriture et de Dalida dans un même film, c’est très drôle.

J’espère que cette contribution sera utile à la réflexion et au débat collectifs.

Bon courage pour le montage des prochaines vidéos !

Bien à vous tous,

C. Pollet

La vie vaut la peine d'être vécue

Je rajouterai que la phrase vers 3:10 « [...] l'art, l'amitié, l'amour [...] qui font que le vie vaut la peine d'être vécue » est tellement imprécise qu'elle ne veut pas dire grand'chose.

En réponse à Camille Pollet,

 

 

Merci d'abord pour ce commentaire tout à fait sympathique, critique, dans le sens du discernement, bien documenté et très stimulant.

Je ne vais pouvoir, dans un premier temps, répondre qu'à une seule de vos remarques, celle sur laquelle je me sens le plus à l'aise et qui concernait la phrase : « toutes les civilisations humaines ont toujours distingué les aspects matériels et calculables des aspects spirituels et incalculables ». Je me permettrai aussi de proposer quelques développements qui ont été provoqués chez moi par votre commentaire.

 

On entend dans la phrase en question, vous faites bien de le noter, qu'il faudrait à nouveau séparer l'esprit de la matière. Sortie de son contexte et avec le recul que vous me demandez d'opérer, cette phrase me paraît entrer en contradiction avec ce qui était dit dans le film quelques minutes auparavant, sur l'apparition de l'esprit sur Terre, que je décris comme le produit de l'activité manuelle, et en contradiction également avec la thèse fondamentale de l'association qui serait de réconcilier les développements technologiques et la vie de l'esprit.

 

J'entends parfaitement que la vie religieuse de nos ancêtres devait être très liée à leur vie économique, comme vous l'écrivez : « les dieux vivaient parmi les hommes ». Je ne suis pas très savant dans le domaine, mais je me laisse dire aussi que de nombreux rites et sacrifices venaient très certainement émailler les travaux agricoles. Tout cela entre dans ce que Georges Bataille appelle l'économie générale, que je me permets de résumer comme : l'association de l'économie financière, calculable, et de l'économie spirituelle, le soin des âmes.

 

Par ailleurs, je ne suis pas loin de croire moi-même que l'âme humaine est de part en part matérielle, depuis la chimie du cerveau jusqu'aux réactions produites par les rapports qui nous lient avec notre environnement physique.

 

Pour en revenir au film, même si la formulation n'est pas claire, ce que je vous accorde, je ne revendique en fin de compte pas une séparation de la matière et de l'esprit. Je m'attriste seulement du fait que, dans l'économie générale actuelle, les infinités spirituelles incalculables de nos existences se trouvent confondues, ou plutôt, mises au service de la vente, du calcul, de la profitabilité, et s'en trouvent détruites.

 

Une reformulation possible serait peut-être : « les civilisations humaines ont toujours distingué, en les associant, les activités marchandes, économiques et calculables des infinités spirituelles incalculables. Actuellement ce qui paraissait divin et sacré se trouve exploité par la publicité à des fins commerciales. ».

 

Autrement dit, et dit un peu brutalement ; la figure d'Apollon n'a jamais été utilisée pour vendre de l'huile d'olive, ou en tout cas, pas de manière industrielle, c'est à dire à la fois à l'échelle de la masse et de manière « mystérieuse et cryptée ». Aujourd'hui, ça ne serait plus le cas.

 

Ce qui n'est pas clair dans ma formulation l'était peut-être plus par les images.

Prenons la publicité boursin, qui me semble pas mal dans le genre. J'attire votre attention sur la fin de ce passage, après le bourrage de crâne en règle « du boursin ! du boursin !», lorsque l'insomniaque ouvre son frigo, découvre du boursin et que la belle musique d'orgue résonne. Vous trouverez cela peut-être tiré par les cheveux, mais il me semble clair qu'utiliser une telle sonorité, l'orgue, n'est pas du tout anodin. Il faudrait faire l'expérience de changer la piste sonore de ce passage par un morceau de musique par exemple, plus comique, avec trompette et tambour, pour sentir la différence. Pour le moment je suis assez convaincu que le montage d'origine, avec la musique d'église, permet de faire naître chez le téléspectateur de l'époque (1968) un sentiment religieux que le publicitaire fait ensuite se projeter sur le fromage. L'opération est extrêmement brève mais inconsciente, et à mon avis, très efficace.

 

Ici je marque une pose car l'affaire est délicate. Je m'intéresse beaucoup au rapport à l'image, au regard, à la vision en général et également à la psychanalyse. Mon hypothèse est qu'il y a une distinction entre ce qui est perçu consciemment ; ce qui est vu, et ce qui est perçu inconsciemment. Je pense que face à une image, notre conscience voit quelque chose et notre inconscient autre chose. Ou, plus précisément, qu'avec ce que l'on perçoit, notre inconscient élabore autre chose que notre conscience.

Si on considère la théorie freudienne du rêve, toutes les nuits, notre inconscient produit une série d'images dont nous sommes le héros, qui exprime, sous la forme d'un rébus, des désirs refoulés (99% des cas). Freud appelle ce petit film incompréhensible (produit par l'inconscient) le « rêve manifeste ». Le rêveur peut au matin noter ou raconter cette série d'images et le travail technique de l'analyse tente de le décoder et de comprendre, en toute conscience, le désir refoulé en question. Freud appelle cela le « rêve latent », ce que l'on n'ose pas s'avouer le jour mais dont on « rêve » la nuit de manière plus ou moins déformée. Entre le « rêve manifeste » et le « rêve latent » il y a le « travail du rêve » qui procède par contraction, distorsion, inversion. Tout cela pour dire que les mécanismes psychiques du monde de l'inconscient sont très différents de ceux de la conscience. Je vous prépare à la suite car sans cela elle risque de vous paraître complètement délirante. J'aurai aussi besoin d'un peu d'indulgence et de l'ouverture bienveillante de l'esprit scientifique.

 

Pour en revenir au boursin, je me demande s'il ne faut pas risquer la sur-interprétation, en décomposant la dernière partie du spot et en notant la ressemblance du boursin et de l'hostie, le cadrage de la table en vue de face, soutenu par le son de l'orgue. Il ne me semble pas du tout inconcevable que, quelque part, dans l'esprit d'un bon chrétien, cette mise-en-scène fasse apparaitre, qu'il le veuille ou non, et plus ou moins consciemment, l'image du dernier repas du Christ. Plus qu'un pas et on se figure que cette publicité fait s'allumer dans l'inconscience du téléspectateur le « slogan » bi-millénaire ; « Prenez et mangez-en tous. ».

 

Je vous l'accorde c'est osé mais je pense franchement que l'inconscient est tout à fait capable de ce genre d'association. Vous me direz peut-être ; « Mais moi je ne vois pas cela ? » et vous aurez raison, je ne le vois d'ailleurs pas non plus. Mais c'est comme les virus, l'air et bien d'autres choses ; ça n'est pas parce qu'on ne le voit pas que ça n'y est pas. C'est d'ailleurs dans la nature des phénomènes inconscients de ne pas être conscients ; de ne pas se voir, et c'est justement parce que ça n'est pas explicite que c'est très efficace ; la conscience n'y croit pas et n'a pas le loisir d'exercer son sens critique.

 

Nous avons l'habitude de croire à l'objectivité de ce que l'on voit, je pense qu'il faut apprendre à analyser les choses plus finement pour en dévoiler certains sens cachés. Je vous renvoie là aux analyses de tableau de Daniel Arasse qui fait l'expérience de la contemplation d'un tableau sur plusieurs années et expose bien ce distinguo entre ce qui vu et ce qui est regardé.

 

Si vous n'adhérez pas à mon interprétation du boursin, cela donne néanmoins un exemple de ce que je note comme exploitation des infinités en vue de fins comptables, ce que Bernard désigne par « exploitation de l'énergie libidinale » : l'expérience de l'église, l'idée du corps du Christ, le désir infini de Dieu, se trouvent excités par un son et une image, puis rabattus sur un pauvre produit fromager. Si vous me l'accordez vous conviendrez aussi qu'il n'était pas nécessaire que les publicitaires aient eu, eux-même, conscience de ce qu'ils faisaient.

 

Vous penserez peut-être alors que dans une société laïque, il n'est pas très grave d'utiliser ainsi la religiosité chrétienne et je serais peut-être d'accord avec vous. L'ennui c'est que toutes les infinités spirituelles sont ainsi exploitées.

 

Comme autre exemple, plus rapidement, nous avons la publicité Wizard-sec. Ce spot utilise la mémoire collective de la chanson de Dalida « Gigi l'amoroso ». Cette chanson comporte des aspects très érotiques voir tout à fait scandaleux. C'est à mon avis une expérience très réussie de sublimation des pulsions sexuelles de la ménagère de moins de cinquante ans (je vous laisse trouver les paroles sur internet). Il me semble que les publicitaires ont cherché à capter ce désir, cette pulsion un peu poétisée par ce fantasme qu'est « Gigi l'amoroso », et à le faire se projeter sur l'achat du wizard sec. L'affaire est nécessairement pleine de déception pour l'acheteuse. Nous avons là, non plus l'amour de Dieu qui est utilisé pour la vente, mais l'amour en général.

 

Il faudrait par ailleurs étudier comment sont systématiquement exploitées les projections imaginaires des enfants. Je ne me suis pas penché sur la question mais tous les personnages de dessins animés, qui sont donc des projections spirituelles pour les petits, deviennent la plupart du temps des images d'appel pour des produits dérivés, des confiseries ou des fast-food.

 

En conclusion, il me semble que lorsqu'on appartient à un coeur de cible pour le marketing, on voit très vite nos désirs, c'est à dire nos projections infinies et incalculables, nos investissements libidinaux, déviés et orientés vers des produits de consommation. Cela déçoit, nous désoriente, et annule nos investissements. Nous projetions notre désir dans un objet qui n'existait pas, mais consistait, et nous nous retrouvons avec un bien de consommation réel mais inconsistant. Voilà ce que j'énonçais maladroitement par la confusion qui se produit aujourd'hui entre le matériel-calculable et le spirituel-incalculable. C'est en fin de compte ce dont parle Bernard depuis des années.

 

Il s'agira ensuite d'étudier les effets des outils de ciblage marketing qui se développent sur les réseaux numériques et qui seraient de plus en plus « précis ».

 

Concernant Freud et le rapport à l'image, je dirais aujourd'hui, grâce à ces développements provoqués par votre commentaire, que les films fonctionnent à l'inverse des rêves. Concernant le rêve ; des idées ou désirs latents et inconscients provoquent la production des images manifestes, le rêve lui-même dont se souvient le rêveur. A l'inverse, du côté du film ; ce sont les images manifestes, émises par l'écran qui viennent provoquer chez le spectateur la production d'idées et de désirs inconscients.

(Pour illustrer cela on peut penser à ces moteurs électriques, qui tournent lorsqu'on les soumet à une tension électrique, mais qui peuvent aussi jouer le rôle inverse, celui de l'alternateur, et produire une tension électrique, lorsqu'on les fait tourner avec une manivelle par exemple.)

 

Je tâcherai de répondre à vos questions qui concernent l'histoire. Si j'y parviens, je m'appuierai sur les textes de Walter Benjamin regroupés sous le titre « Sur le concept d'histoire ». (vous en trouverez une version traduite par l'auteur dans les « Ecrits français ».)

 

Bien cordialement,

 

Simon.   

Emotion

 

Votre documentaire, d’ailleurs très documenté mais par ailleurs sensible et bouleversant à bon nombre d’égards m’arrache – le terme est choisi tant parfois nos refoulements émotionnels devant l’intolérable et l’impuissance qui lui est associée nourrissent un déni défensif, forcément provisoire, afin de pouvoir survivre et poursuivre cette lutte quotidienne contre les forces destructrices en jeu auxquelles il faut de toutes les manières faire face -  m’arrache, dis-je, de grosses et surprenantes larmes au moment du Sabat Mater Dolorosa, au moment culminant d’une émotion mélangeant chez moi colère et tristesse voire chagrin profond mais surtout honte. En ce sens votre proposition artistique – car elle en est une je le crois en référence à votre collage sans nul doute individuant - a été pour moi cathartique comme l’entend Antonin Artaud. Je tiens donc à vous en remercier tant les larmes sont le signe et l’expression d’un trouble qui, agissant de manière subconsciente, peut en certaines circonstances faire surface et révéler dès lors à la conscience la constellation idéo-affective dont il est le noyau, constellation qui piège, bien sûr, une énergie psychique sous la forme d’une souffrance dont nous n’avons justement pas conscience et qui soudain, en jaillissant ouvertement et sans fard, nous saisit, nous bouleverse, nous éveille, nous élève, nous fait justement pleurer parce qu’elle nous érige au coeur d’un désir ardent: celui de vivre plus harmonieusement avec nous-mêmes, avec les autres et le monde et plus que jamais avec le sentiment associé d’une véritable urgence.

Le fond... et la forme!

Tout d'abord MERCI pour ce travail!! Depuis plusieurs années J'écoute et ré-écoute, visionne et re-visionne les conférences, lis et re-lis les livres et textes de Bernard Stiegler et Ars Industrialis; et cela fait bien longtemps que j'attends un document tel que celui que vous avez produit!

 

Concernant le fond je n'y trouve pas grand chose à redire, de plus la critique de Camille Pollet me paraît riche et intéressante. Sous ses airs de vulgarisation ce film permet de regrouper le patient travail effectué par AI sous la forme d'un récit clair, efficace et sensible.

 

Mais... car il y a toujours un « mais » je pense que quelques efforts dans la forme auraient été souhaitables.

 

- choix qualitatif de certaines séquences ou images

- choix typographiques et accentuation des majuscules

- mise en écran

- qualité sonore

 

… et une question pour finir: pourquoi ne pas avoir songé à une version dessinée?

En réponse à Thomas Ricordeau,

 

Oui, c'est un travail d'amateur, dans le bon et le mauvais sens du terme. Cela laisse une marge de progression assez intéressante.

 

Le troisième épisode est loin d'être terminé, s'il est commencé d'ailleurs ; je n'en suis qu'au tout début du travail d'écriture et cela se traduit dans les faits par un travail de lecture.

 

Si vous voulez y participer d'une manière ou d'une autre n'hésitez pas à la faire. Nous pouvons tenter de réaliser ce film ; « La société de la contribution », de manière contributive si cela vous intéresse.

 

Pour les précédents, j'ai commencé par collecter des expériences, des idées, et des images. Il s'agit ensuite d'écrire « le script » ; le texte de la voix-off, avec le plus de précision possible. J'enregistre ensuite ce texte avec ma voix et je lui associe les images. A ce moment il est encore possible de remplacer quelques phrases selon les accords et le rythme. Enfin je remplace ma voix par celle de Marie-Laure qui est tout de même beaucoup plus agréable. Il est certain qu'il faudra, au moins lors de cette dernière étape, trouver une solution pour avoir un meilleur enregistrement.

 

Concernant votre remarque sur le dessin, à vrai dire je ne me suis pas posé la question. Je pense que ces deux films entrent dans la catégorie « critique des images et des industries culturelles » et que cela nécessite les images elles-mêmes.

Les images que l'on trouve sur internet sont en quelque sorte publiques, elles charrient ou comportent une mémoire collective qu'il est très économique d'utiliser. La re-contextualisation d'une oeuvre est un travail très intéressant quant à l'activité typiquement humaine qu'est « la production du sens ». Nous projetons, sécrétons, toujours du sens sur ce que nous percevons, sans nous en rendre bien compte. Réutiliser des oeuvres déjà évocatrices force le spectateur à renouveler son regard et lui évoque peut-être ceci ; qu'il n'est pas de sens hors de ce que lui-même projette.

Utiliser des dessins explicatifs ou illustratifs fait à mon avis très vite basculer dans l'abstraction métaphysique, ce qui me paraît contre-productif au moins pour ces deux premiers volets, mais je peux me tromper.

 

A bientôt peut-être pour le boulot,

 

Bien cordialement,

Simon.  

continuons cet échange...

Désormais je comprends mieux le processus de production de cet ouvrage.

 

écriture du script  > enregistrement de la voix et donc structure rythmique + travail de ré-écriture > "glanage" d'images et séquences > montage > ré-enregistrement de la bande son

 

En ce qui concerne cette proposition d'un film dessiné (animation) cela peut engendrer une dé-sensibilisation. Les images produites devenant inédites et non plus pré-chargées symboliquement. Ce n'était qu'une proposition, toutefois il est possible de faire coincider les deux.

http://www.youtube.com/watch?v=GUYVx8e-AeQ&feature=related

 

Pour le traitement typographique je pense que l'utilisation unique de "l'arial" (font du site de AI) est judicieux, inutile d'ajouter une serif (avec empattements), cela nuit à mon sens à la lisibilité. Les changements de corps sont quelques peu déroutants aussi une hiérarchie plus affirmée serait souhaitable, par exemple 3 échelles différentes titres, chapitres, sous-titres.

Le logo AI (onde carrée) disposé sur fond noir perd beaucoup de son impact, le blanc doit à mon sens être conservé. Il peut d'ailleurs s'instaurer un jeu noir/blanc + typographie intéressant, assimilable à un dialogue lumières/ténèbres. Les transitions peuvent aussi faire l'objet d'un soin particulier en étendant peut-être la palette des fondus. Le passage "Naissance, grandeur et décadence de la spiritualité humaine" avec une typographie qui occupe tout l'espace de l'écran est intéressant. Bien qu'il faille mieux gérer "la mise en page", ces mots "claquent" comme des onomatopées futuristes et cela peut être porteur de sens.

http://www.my-os.net/media/marinetti_poster_big.jpg

 

La télé-critique est facile ^^! Mais j'espère avoir pu contribuer humblement à votre réflexion...

Il existe aussi un format de

Il existe aussi un format de dessin comme RSA Animate : http://www.youtube.com/watch?v=hpAMbpQ8J7g

(vous pouvez aller sur la chaine de Youtube pour en voir d'autres, surtout celle de David Harvey est pas mal).

Qu'en pensez-vous ?

En tout cas bravo pour les documentaires !!! J'avoue que même le contraste heavy metal-musique classique serait à developper. Je n'écoute pas du tout du heavy metal mais il y a tout de même quelque chose d'entrainant (surtout le début de votre docu 2). Je pense que jouer la musique sur les enceintes des téléphones portables est plus désolant que d'aller dans ces arènes modernes à concert.

Encore une fois, merci pour votre travail.

Episode II : Et Auguste Comte dans tout ça ?

A la société de la contribution qu'appelle de ses voeux Ars Industrialis, il me semble que devront contribuer, à côté des vivants, certains grands morts dont on a voulu effacer la contribution. Je pense au philosophe qui manque dans la vidéo n° 2 entre Hegel et Nietzche : Auguste Comte.Auguste Comte (1798-1857)

Comte, en effet, ne s'est pas tant intéressé à proclamer la mort de Dieu (inhérente à sa théorie des "trois états") qu'à chercher comment l'Humanité dans toutes ses composantes, surtout la spirituelle, mais aussi l'industrielle (il est un grand précurseur de l'écologie), pouvait passer ce cap sans dégâts. Son actualité est donc criante pour nos contemporains et devrait l'être tout particulièrement pour Ars Industrialis.

Je note au passage, à l'intention de Simon Lincelles, que Comte a par avance condamné la psychanalyse en récusant toute psychologie qui ne serait pas solidement fondée sur une physiologie cérébrale. Sa tentative de théorie du cerveau donnant un rôle essentiel à l'affectivité et son invention de l'altruisme paraissent aujourd'hui prophétiques. Et sa conception, au-dessus de la sociologie d'une septième science de la morale "naturaliste" paraît d'autant plus pertinente qu'en vertu de la loi des trois états susmentionnée, le règne provisoire de la psychanalyse y prend tout son sens : celui de phase métaphysique de la morale !