Vous avez dit dictature (2)

Publié par dpastor le 31 Octobre, 2010 - 18:12
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Dès le début du vingtième siècle, issu d’expériences prometteuses apparues au dix-neuvième, le dogme du capitalisme de production s’imposait.

 

Aux Etats Unis dont la façade Est s’était fortement industrialisée, il triomphait. Néanmoins, son très gros défaut étant la surproduction, il lui fallait trouver des débouchés pour écouler le trop plein de biens et de services.

 

Le consumérisme allait y remédier. Pourtant, ce n’était pas encore suffisant car l’ouvrier américain vivait de ce qui lui était utile. Lorsque le produit était périmé, il en rachetait un autre et ainsi de suite. Il devait pourtant  acquérir ce dont il n’avait pas besoin et de plus, qu’il changeât fréquemment de goût, d’envie.

 

Bien vite la publicité  allait se charger de transformer des désirs souvent futiles et passagers en véritables vrais-faux besoins. Les ouvriers changeaient de voiture aussi souvent que possible. Les femmes qui ne fumaient pas dans la rue par bienséance, et ne s’en portaient pas plus mal, se mirent à acheter ces fameuses Lucky Strike et les consommaient hors du foyer. Sans le savoir, elles obéissaient à un publicitaire qui allait faire parler de lui : Edward Bernays.

 

La propagande « scientifique » était née. L’outil qui allait permettre à une «élite » de gens prêts à tout conquérir, apparaissait. Le moteur propre à mouvoir le Capitalisme était tout trouvé. Cette propagande nouvellement étudiée et planifiée allait permettre à la doctrine de se déplacer dans tous les foyers, créer d’irrépressibles envies de consommer partout dans le monde.

 

La cupidité, l’ambition sans mesure, le goût d’un pouvoir absolu, ces vices portés par tous mais que tous ne cultivent pas forcément, allaient nourrir le dogme.

 

Le Capitalisme pouvait s’incarner, prendre corps, et après le Seconde Guerre Mondiale, endosser le rôle du défenseur sacré de la Démocratie. Une fois le communisme soviétique abattu, le Capitalisme s’élançait vers de nouveaux marchés, vers de nouvelles terres à piller.

 

Je ne crois pas, comme on peut le lire ici ou là, que la chute de l’empire soviétique ait pu  laisser le Capitalisme en grand désarroi. Plus que jamais drapé des atours de la Démocratie, fort de n’avoir pas été démasqué, il s’est élancé à la conquête de nouvelles niches. Il s’y déploie sans mesure, jusqu’à étouffer de ses scories les lieux parasités.

 

Ainsi, en est-il de l’écologie. Comment peut-on vouloir s’enrichir avec l’écologie lorsque l’on sait à quels impératifs de parcimonie cette conception répond ! Quel soin, quelle attention de tous les instants il faut apporter à l’Environnement !

 

Lorsque l’on est un écologiste convaincu, on évite les produits suremballés. On s’évertue à consommer localement. On réalise des économies d’énergie à tous les niveaux. Ces deux concepts juxtaposés que sont le Capitalisme et l’Ecologie sont totalement antinomiques. Pourtant, l’idéologie capitaliste veut nous faire croire qu’il est possible de s’enrichir de manière écologiquement correcte. Voici un bel oxymore. Il est de nature à intoxiquer notre psychisme et à détruire l’Ecologie si nous n’y prenons pas garde.

 

André Comte Sponville dit que toute action économique n’est pas morale, (c’est à dire ni morale, ni immorale) aucune loi ne pouvant définir le bien et le mal.  Isolée de son contexte, cette phrase semble dédouaner les promoteurs des pires actions économiques (comme le néolibéralisme)  en ce sens qu’elle pourrait laisser imaginer que l’idéologie se meut de son propre chef.

 

Néanmoins, je suis d’accord avec les propos de Monsieur Comte Sponville. Le Capitalisme n’est pas pour moi une dictature au sens où on l’entend ordinairement. Une doctrine quelle qu’elle soit, échappe à ce genre d’échelle des valeurs morales. Certains livres restent à tout jamais fermés, et leur contenu ne peut  influencer personne. Encore moins produire des choix de société déterminants. Le Capitalisme, pour amoral qu’il soit, ne se déploie pas hors la volonté de gens portant comme un étendard les tares énoncées ci-dessus. Les actions économiques sont indissociables de ceux qui les mettent en mouvement.

 

Ce qui nous le fait voir en tant que dictature est le simple fait qu’il avance masqué. Hitler avait un visage, un nom, une histoire personnelle. Le Capitalisme n’en a pas. Ou il en possède plusieurs.

 

Il est désincarné et semble malgré tout se mouvoir et agir de son propre chef, selon sa propre volonté. Et nous pensons que quoi qu’il puisse nous en coûter, nous ne parviendrons pas à le stopper car il est partout. Il est comme un insaisissable fantôme traversant les murs. Pourtant, les fantômes n’existent pas.

 

Il est donc le fait de personnes existant réellement et dont on peut voir fréquemment le visage à l’intérieur de magazines, tous plus inutiles les uns que les autres, comme Forbes, Paris Match etc… Ou encore à travers le ridicule classement des grandes fortunes du Monde : Gates, Bettencourt, Jobs, Maddoff (en son temps) etc…

 

Là encore, le masque est plus que jamais présent. En découvrant les visages de ces personnages, nous ne nous demandons jamais ce qui les anime. La plupart d’entre nous se contentent de penser qu’ils ont de la chance de figurer au palmarès, qu’ils ont de la chance d’avoir de l’argent, que ça a du leur arriver sans raison, que ce monde de richesse est un autre monde… Et qui sait, peut-être qu’un jour,  si nous gagnons à l’Euro Million, nous aussi…

 

On ne se pose jamais la question de savoir qui sont ces personnes. Comment sont-elles arrivées à devenir des hyper milliardaires ? Par quelles manœuvres ont-elles pu atteindre ce niveau de richesse matérielle ? Au moyen de quels crimes contre les Etats, contre l’Environnement, contre les Hommes, par quelles guerres et au prix de combien de vies humaines sont-elles parvenues au sommet ? Pourquoi, aucun gouvernement fut-il aussi puissant que celui des Etats Unis ou ceux d’Europe ne cherche à connaître de l’origine de richesses parfois supérieures à la leur ?

 

« Il faut moraliser le Capitalisme ! ». Plusieurs chefs d’Etat, dont Nicolas Sarkozy, le main sur le coeur clamaient cette petite phrase lors de la crise de 2008. Mais puisque les actes économiques sont amoraux, ils ne peuvent être moralisés. Voici un nouveau conflit sémantique, un oxymore supplémentaire. Il démontre de manière éclatante que les choses continueront comme avant, que rien ne pourra changer. Cette juxtaposition de deux concepts totalement antinomiques est destinée à nous masquer un peu plus les  difformités du dogme capitaliste, nous détourner de son visage hideux.

 

Et c’est donc ici que se retrouve le Discours sur la servitude Volontaire de La Boétie. Nous estimons agréable et facile d’obéir aux oukases de quelques individus vivant une véritable addiction à l’argent.

 

Ils sont à ce point drogués qu’ils se moquent éperdument du monde qu’ils laisseront à leurs propres enfants.

 

Pour conclure, il n’y a pas à mon sens de dictature du Capitalisme mais bel et bien une dictature des personnes qui en font la promotion. Elles usent de tous les moyens de la propagande moderne pour manipuler des milliards d’humains à leur convenance. Le fait qu’elles se déplacent en se dissimulant, bien à l’abri de leur anonymat, que le mouvement du Capitalisme soit l’œuvre concomitante de plusieurs personnes perpétuellement en concurrence, que l’intérêt financier règne sur toute autre considération, font des promoteurs de ce système une hydre quasiment invulnérable.

    

C’est pour les raisons multiples expliquées ci dessus qu’il est, à mon avis, possible de critiquer le Capitalisme sans, pour le moment, avoir à redouter de poursuites qui pourraient être engagées.

 

De même, nous sommes nés avec le Capitalisme occidental, nous avons grandi avec, nous vivons et nous consommons selon ses principes, les mêmes pour tous. Même si nous tentons de prendre soin de notre environnement, même si nous réfléchissons à la question de la pérennité de ce système, même si nous le dénonçons de manière de plus en plus virulente, nous sommes dedans et nous consommons. Si dictature il y a, il faut bien reconnaître qu’elle est terriblement efficace.