Economie de la contribution

 

L’économie de la contribution se caractérise principalement par trois traits :

 

1)les acteurs économiques n’y sont plus séparés en producteurs d’un côté et consommateurs de l’autre ;

 

2)la valeur produite par les contributeurs n’y est pas intégralement monétarisable – elle constitue une externalité positive ;

 

3)c’est une économie des existences (productrice de savoir-vivre) autant qu’une économie des subsistances.

 

Le contributeur n’est ni le consommateur, ni le contribuable, ni le codonateur. Là où l’économie de marché s’intéresse au producteur sous l’angle de la maximisation du profit, et au consommateur sous l’angle de l’ophélimité ou de la fonction d’utilité, là où l’économie publique s’occupe des fonctions de redistribution et de la prise en charge des défaillances du marché (market failures), là où l’économie du don apparaît encastrée dans une relation circulaire entre don et contre-don (donner-recevoir-rendre), l’économie de la contribution fait surgir la figure alternative du contributeur qui articule participation choisie à l’activité, création de valeur sociétale et intérêt au désintéressement. A la régulation par les prix, par la décision publique et par le principe de réciprocité, l’économie de la contribution substitue une régulation par l’interaction, quantitative et qualitative, des participations à l’intérieur d’une activité. Cependant, l’économie de la contribution n’exclue pas les autres manières de produire et d’échanger, mais se conjugue avec elles, accepte les règles du jeu de l’échange monétaire, se préoccupe des choix d’investissement et particulièrement de ceux qui conduisent à la production de biens publics, et fait du don une modalité possible de la participation.

Elle doit tenir compte de :

 

1)Du modèle productif, qui doit composer avec la finitude des ressources naturelles et le caractère cumulatif des ressources liées à l’activité cognitive.

 

2)Du rapport entre la fonction de contribution et la refonte des solidarités, au-delà du solidarisme assurantiel de l’Etat providence.

 

3)De l’exigence d’établir un nouvel ordre de grandeur, ou plutôt de nouvelles mesures.

 

4)De la territorialisation de la fonction de contribution qui implique une redéfinition des effets d’agglomération et une réévaluation des politiques publiques.

 

Les orientations micro-économiques de la fonction de contribution permettent d’enrichir l’analyse économique, en mettant en relief les liens avec l’innovation, la création d’activités nouvelles et les externalités

 

D’essence hyperconsumériste, le concept d’économie créative, appuyé sur les travaux de John Howkins, doit être dépassé par celui (plus proche de ce qui a été appelé le « capitalisme cognitif »[1]) de sociétés de contribution et de territoires contributifs fondés sur les technologies culturelles collaboratives. Si Internet rend possible l’économie dite contributive – typique du logiciel libre –, c’est parce qu’il est un milieu technique tel que les destinataires sont mis en principe en position de destinateurs : il est dialogique. Mais le succès très rapide d’Internet ne sera véritablement un succès économique (au double sens du terme) que s’il fait l’objet d’une politique industrielle publique, au-delà des dynamiques spectaculaires issues des nouvelles entreprises industrielles apparues dans ce milieu contributif, que dominent actuellement moteurs de recherche et réseaux sociaux.

 




[1]
Cf. Christian Azaïs, Antonella Corsani, Patrick Dieuaide, eds.,  Vers un capitalisme cognitif. Entre mutations du travail et territoires, préface de Bernard Paulré, postface de Christan Palloix, L’Harmattan, 2001. Voir en particulier dans cet ouvrage Pascal Jollivet, « Les NTIC et l’affirmation du travail coopératif réticulaire », pp. 45-63. Cf. aussi Le capitalisme cognitif. La nouvelle grande transformation, Yann Moullier Boutang, Amsterdam, 2007.