association internationale pour une politique industrielle des technologies de l'esprit
- Séance Où va le salariat ?
avec Paul Bouffartigue
16 janvier – 9 h 30 L'Escale, 2 rue de la bibliothèque, 13001 Marseille
On part du constat suivant : le salariat est en crise profonde, à la fois « par le haut » et par « le bas », sans que son avenir ne soit écrit. Le salariat peut être défini comme un ensemble d’institutions encadrant une relation a-symétrique. C’est une relation de subordination au travers de laquelle une personne met à disposition d’un employeur, dans des bornes spatio-temporelles délimitées ses capacités contre rémunération, l’employeur décidant des finalités et des modalités de l’organisation du travail. L’histoire du salariat est à la fois : - l’histoire du débordement de ce modèle, sous l’effet à la fois de l’extension des droits collectifs des travailleurs, et des dynamiques techno-économiques qui ont incité le capital à déléguer une part croissance d’autonomie ; - L’histoire de contre-tendances à la re-marchandisation de la relation d’emploi, notamment sous l’effet de sa précarisation ; On verra comment s’est constitué le compromis keyneso-fordien et la manière dont le mouvement syndical et ouvrier s’est en grande partie coulé dans ce moule en auto-limitant son horizon émancipateur, et comment se sont multipliés depuis l’entrée en crise du système capitaliste, en lien ou en décalage avec sa tradition, d’autres mouvements visant à l’auto-organisation.
Paul Bouffartigue est sociologue au CNRS (Laboratoire d’Economie et de Sociologie du Travail, Aix en Provence). Il conduit ses travaux à propos du temps de travail et des temps sociaux, des nouvelles formes de subordination salariale, de la précarisation de l’emploi et de l’action collective. Il est membre du comité de rédaction des revues Faire savoirs et Temporalités.
Bibliographie succincte de l’intervenant
Bouffartigue Paul, (ss la dir. De) Le retour des classes sociales : inégalités, dominations, conflits, 2ème éd., Paris : La Dispute, 2015. Bouffartigue Paul Temps de travail et temps de vie : les nouveaux visages de la disponibilité temporelle, Paris : PUF, 2012. Bouffartigue Paul et Pendariès Jean-René (2010) « La perception des liens travail-santé : le rôle des normes de genre et de profession », Revue française de sociologie, 51 (2), p. 247-280. Pôle Régional Santé Travail (2014) Les Risques Psychosociaux, Video/mp4, LEST-UMR 7317. https://hal.archives-ouvertes.fr/medihal-01092652. Béroud Sophie et Bouffartigue Paul Quand le travail se précarise : quelles résistances collectives, Paris : La Dispute, 2009.
Video de la séance à venir
- Etape de travail 2015/2016
Un atelier comme une coopérative de savoirs
Le groupe de travail réuni en région PACA comprend des personnes diverses - ayant des activités dans des domaines variés (culture, arts, sciences, recherche, urbanisme, économie, éducation, action sociale, action politique…), avec des références et des modalités de faire parfois hétérogènes - qui s’assemblent via l’association Ars industrialis dans la perspective de travailler ensemble, et de générer du commun et des communs, à défaut d’universaux.
Cette assemblée, ou ce rassemblement, se manifeste et se constitue selon les principes de relation entre individuel et collectif et tel que cela s’envisage selon les concepts d’Ars industrialis, notamment par la transindividuation, terme que l’on trouve défini dans le vocabulaire : http://arsindustrialis.org/vocabulaire-transindividuation.
Extrait de la définition :
« La transindividuation est la trans-formation des je par le nous et du nous par le je, elle est corrélativement la trans-formation du milieu techno-symbolique à l’intérieur duquel seulement les je peuvent se rencontrer comme un nous. Le social en général est produit par transindividuation, c’est-à-dire par la participation à des milieux associés où se forment des significations qui se jouent entre ou à travers les êtres qu’elles constituent. »
Cette transindividuation se produit à long terme et constitue un horizon social, au moins communautaire, ou intercommunautaire, lorsqu’il s’agit de micro-groupements. Les individus s’enrichissent inter-individuellement et enrichissent le groupe, ou collectif, de leur savoir singulier. Singulier différant de particulier, il peut exister au singulier pluriel (malgré l’apparence d’oxymore).
Ainsi se réunit ce groupe de travail en vue de (se) constituer (en) une « coopérative de savoir(s) », que Bernard Stiegler a inventé et souhaite réaliser, pour la vie de l’esprit, et qui s’entend comme une (re)capacitation collective : la coopération de divers savoir(s), des savoirs singuliers, précis, attentionnés, de chacun, un savoir produit par chacun et qui appartient à tous, ou plutôt qui s’échange et circule entre tous, tel un savoir vivant (Antonio Negri dans Inventer le commun des hommes).
C’est une forme d’intelligence collective, chère à Pierre Lévy.
Cette coopération des savoirs est une coopération entre les cerveaux (B Stiegler), une coopération des esprits, afin de s’éclairer les uns les autres, et de discerner, ce qui signifie savoir choisir, et savoir agir. Ce savoir penser est un savoir vivre.
On pourrait s’interroger sur l’opportunité de préciser le processus de coopération sur le plan cognitif. Si l’on accepte de distinguer connaissance et savoir comme étant, pour la première, ce qui appartient au sujet dans son rapport au monde (le sujet connaissant), et pour le second, la validation sociale sacralisant la connaissance en savoir commun (vaste spectre du savoir médical jusqu’à la recette éprouvée de cuisine), on pourrait alors statuer que les sujets mettent en débat leurs connaissances (tout en s’appuyant parfois sur des savoirs établis) dans un processus complexe d’élaboration de sens qui peut s’incarner au final par l’accord sur un sens commun (que l’on pourra dénommer savoir, et en l’occurrence la validation sociale est celle du groupe AI, en liaison avec les travaux actuels sur le sujet).
La coopérative de savoirs est une expérimentation. Sa formalisation est à inventer. Sa gouvernance à partager.
Dans ce cadre, et au travers de cet atelier, cette coopération a commencé à s’organiser autour de la tentative de définir un vocabulaire en commun, dans notre diversité et nos singularités, nos différences de sens et notre sens commun. Tout en prenant des « chemins aux sentiers qui bifurquent » (JL Borges), et en considérant la bifurcation comme un possible de l’avenir (JL Borges, B Stiegler). Conduisant vers de nouvelles réticulations.
Les termes choisis ici sont en lien avec les questions que pose l’économie de la contribution, dont cet atelier poursuit la recherche théorique et pratique (et les travaux menés dans l'atelier coordonné par Arnauld de Lepine : http://arsindustrialis.org/groupe-de-travail-sur-l-economie-de-la-contri...), sous le titre « Qu’est-ce qu’on fabrique (ensemble) ? » (titre proposé par Franck Cormerais, membre du Conseil d’Administration d’Ars industrialis).
L’attachement à la méthode du vocabulaire poursuit également le travail conceptuel et son explicitation entrepris par Ars industrialis : http://arsindustrialis.org/vocabulaire (remerciements à Victor Petit et Caroline Stiegler)
Il s’agit des termes suivants :
- Commun(s)
- Singularité
- Valeur
Les premiers travaux se sont concentrés sur le terme de Commun(s), cela dans l’idée d’en actualiser le sens en regard d’expériences concrètes et de problématiques théoriques, et dans la continuité du débat d’Ars industrialis du 30 janvier 2016 au TGP à St Denis « Communs, contribution et puissance publique » : http://arsindustrialis.org/communs-contribution-nouvelle-puissance-publique
Travail en cours, quelques uns des premiers éléments de cette recherche vers une définition stable sont indiqués ci-dessous par mots-clés et références bibliographiques. Une carte heuristique, technologie collaborative en ligne, a été créée à l’usage du groupe, avec le logiciel libre Framindmap, agrégeant les apports de chacun et développant les axes de la réflexion, tout en ayant un rôle de documentation du processus.
Mots-clés :
Historique du terme et histoire politique
Le commun comme nouvelle catégorie (ni privé ni public)
Commun et droit (nécessité de juridiction)
Commun(s), communauté, organisations, production
Economie des communs
Commoners
Bien(s) commun(s)
Enclosure
Partage
Règle et régulation
Propriété et commun(s), communaux
Capital et commun(s)
Ressource, gouvernance, mode d’accès (B. Coriat)
Technologies et communs
Temps communs, idiorythmie
Espace commun
Modes de vie
Communs urbains
Contrat social, contrat moral
Confiance
Démocratie
Institutions du ou des commun(s)
Culture du commun
Organologie du commun (B. Stiegler)
Bibliographie :
Benjamin Coriat, collectif, Le retour des communs, la crise de l’idéologie propriétaire, Les liens qui libèrent, 2015
Michel Bauwens, Sauver le monde, Les liens qui libèrent, 2015
Elinor Ostrom, Governing the commons. The evolution of institutions for collective action, Cambridge University Press, 1990
Pascal-Nicolas le Strat, Le travail du commun, éditions du commun, 2015
Antonio Negri, Inventer le commun des hommes, Bayard, 2010
Roland Barthes, Comment vivre ensemble ?, Seuil/Imec, 2002
Autres :
Chapitre Le droit du commun, le travail et le savoir, dans La société automatique, B. Stiegler, Fayard, 2015
Etude Managing the commons in the knowledge economy, Carlo Vercellone et collectif : http://dcentproject.eu/wp-content/uploads/2015/07/D3.2-complete-ENG-v2.pdf
Colloque Connaissances et communs (C. Paraponaris et Agecso), juin 2016, Paris : http://arsindustrialis.org/une-journée-pour-interroger-les-communs-de-l...
Magazine En commun, Plaine Commune : http://www.plainecommune.fr/encommun/
Blog Le commun de P-N Le Strat : http://www.le-commun.fr/
Ecole des communs, concepts clés : http://wiki.remixthecommons.org/index.php/Concepts_clés
Villes en biens communs : http://villes.bienscommuns.org/
Synthèse par C. Tron et C. Paraponaris pour le groupe Ars industrialis Marseille/ Aix