mecroissance et libido

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MECROISSANCE ET LIBIDO

A propos de l’économie libidinale capitaliste et des problèmes
 théoriques qu’elle soulève


Olivier Douville, Dany-Robert Dufour et Bernard Stiegler
Théâtre National de La Colline - 12 avril 2008

Le point de départ du travail que tente de mener Ars Industrialis consiste à poser que le capitalisme est une forme historique de l’économie libidinale, et que l’économie libidinale capitaliste tend à devenir une a-économie, et même une anti-économie : s’il est vrai qu’économiser signifie prendre soin, l’économie libidinale capitaliste tend à ne plus prendre aucun soin de ses objets. Devenue essentiellement spéculative, c'est-à-dire aussi bien pulsionnelle, elle tend à détruire ses objets.

Cela signifie que, de ce qui constituait les objets de son désir, elle a fini par faire des objets de ses pulsions, et que ces pulsions se sont déliées de tout désir : que tout désir s’est absenté de cette vie pulsionnelle capitaliste. L’investisseur devenu spéculateur est ainsi celui qui ne prend plus soin de son objet, qui n’y investit rien de son désir – car, tout au contraire, il tend à détruire l’objet de ce qui est donc devenu sa spéculation.  Spéculer sur un objet, c’est ne prendre aucun soin de cet objet – et c’est en cela contribuer à sa destruction.

Partant de ce sombre constat qui décrit ce que nous appelons désormais la mécroissance, notre thèse secondaire est que le désir est ce qui doit être relancé (plutôt que la consommation), et que cette relance passe par ce que nous appelons les technologies de l’esprit – c'est-à-dire de la sublimation.

Et dans notre dernière séance, nous avons commencé l’exploration de ce qui devrait selon nous constituer un nouveau modèle industriel sur la base de ces technologies de la sublimation : un modèle industriel défini par une économie de la contribution.

Reste que de telles perspectives ne sont pas sans ouvrir ou relancer des débats sur les concepts fondamentaux de la pensée freudienne, par exemple :

  • Qu’en est-il du rapport entre désir et pulsion ?
  • Qu’en est-il du rapport entre désir et sublimation ?
  • Qu’en est-il du désir chez Freud – c'est-à-dire de ce qu’après Lacan nous appelons désir, et de ce que Freud appelle libido ?
  • Qu’en est-il du caractère intrinsèquement pervers de la libido ? 
  • Le surmoi est-il destructible ou indestructible ?
  • L’inconscient lui-même peut-il être liquidé ?
  • Le désir n’est-il pas intrinsèquement fragile, et ne doit-il pas être entretenu et protégé ?

C’est pour nous approcher de telles questions et de bien d’autres qu’elles appellent que nous avons invité Olivier Douville et Dany-Robert Dufour pour débattre de la question suivante :

QUE POUVONS-NOUS ET DEVONS-NOUS PENSER
DE L’HISTORICITE DE L’INCONSCIENT
ET DES FONCTIONS AFFERENTES DE L’APPAREIL PSYCHIQUE
A L’EPOQUE DE L’ECONOMIE LIBIDINALE CAPITALISTE DEVENUE PULSIONNELLE
ET ANTI-ECONOMIQUE ?

A l’horizon d’un tel débat se pose évidemment la question de la grande difficulté de ne pas régresser, lorsque l’on procède à la critique de l’économie libidinale capitaliste, de toute évidence indispensable, par rapport aux acquis critiques de la pensée freudienne et de la psychanalyse – et en particulier comme pouvoir de critiquer le fonctionnement toujours tendanciellement régressif (et répressif) du surmoi.

Il va sans dire que de telles questions affectent la pensée du XXème siècle dans son ensemble, et notamment celle qui s’est élaborée en France, après la deuxième guerre mondiale, dans un rapport essentiel aux œuvres de Freud et de Lacan.

Ecouter les interventions en MP3 :

Introduction de Bernard Stiegler MP3 / Intervention de Dany-Robert Dufour MP3 / Intervention d'Olivier Douville MP3 / Débats avec la salle MP3