Is Google ...?

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Le CIPM et Ars Industrialis vous invitent à la conférence  :

Is Google ...? (Nouveauté dans l'art de la lecture),

Alain Giffard

Centre de la Vieille Charité - 2, rue de la Charité - Marseille

25 septembre 2009 à 19h00

Le CIPM et Ars Industrialis vous invitent à la conférence  :

Is Google ...? (Nouveauté dans l'art de la lecture),

Alain Giffard

Centre de la Vieille Charité - 2, rue de la Charité - Marseille

25 septembre 2009 à 19h00

Présentation :

 

 

Robots

Le grand robot de lecture scanne et crawle, scanne et crawle et indexe l’immensité du texte numérique. Les serveurs où l’inlassable glossateur stocke ses données dégagent une telle chaleur qu’on les place
au bord des fleuves pour refroidir à moindres frais.


L’homme ne voit pas travailler la machine à lire. La machine à lire n’est pas un média. Le robot de lecture ne communique pas directement avec l’homme. Il lui adresse ses textes de lecture, innombrables, furtifs et défectueux, produits à l’image des textes de l’homme.



Lectures industrielles : définition

1.a) l’activité du robot de lecture, ses actes de lecture: scanner, crawler, indexer. b) les produits dérivés de cette activité, les textes de lecture en langage humain.

2.a) l’association des lectures humaines et des lectures machiniques. b) la commercialisation des lectures humaines définies comme «hits».


3.a) l’espace des lectures industrielles est le face-à-face des industries de lecture et des publics de lecteurs. b) l’industrie de la lecture entreprend la commercialisation de toutes les lectures, sous le slogan de l’ «accès à toute l’information». c) l’industrie de la lecture entreprend aussi la commercialisation des lecteurs.



Mélétè, meditatio

Mélétè veut dire: soin, souci, sollicitude; et aussi: action de s’occuper de, pratiques, exercices, exercice de préparation oratoire. Epiméléia veut dire: soin, surveillance, gouvernement, administration. Epiméléia héauthou veut dire: soin, souci de soi.


Le souci de soi se constitue à travers des pratiques. Michel Foucault cite les «arts de soi - même», la «pratique de soi», les «techiques de soi», parmi lesquelles «l’écriture de soi». Pierre Hadot parle d’exercices spirituels préparant à un art de vivre, un style de vie. Le soin repose sur l’exercice; il consiste d’abord en une pratique.


Parmi ces exercices figure la lecture.

Meditatio (medeor, meditator) veut dire: réflexion, méditation, préparation, apprentissage, pratique habituelle. Meditatio traduit mélétè.


La tradition qui voit d’abord dans la lecture une technique de soi associe les deux exercices, le premier,
la lecture, préparant le deuxième, la méditation.


Sénèque soumet la lecture au souci de soi. Augustin construit la figure du lecteur méditatif, qui établit sa réflexion sur une certaine manière de lire.


D’après Brian Stock, le Moyen Age a vu apparaître deux formes de lecture ascétique, c’est-à-dire de lecture considérée comme un exercice spirituel: la lectio divina, associée à une méditation sur ou à partir du texte, et la lectio spiritualis, méditation sur l’état subjectif du lecteur.



Mémoire, anamnèse, lecture

Les Grecs distinguaient mnèsis et anamnèsis, les Latins memoria et reminiscientia.

Hugues de Saint Victor a théorisé la place de la mémoire, précisément dans la visée d’associer la lecture et la méditation.


L’anamnèse, que ce soit dans les «arts de mémoire», ou dans le «livre de mémoire», est technique et exercice. Cette technique et cet exercice permettent au lecteur, non seulement de disposer au moment voulu du souvenir des textes lus, mais aussi au lecteur de se situer comme sujet dans son propre palais de mémoire.



Commentaires

Sénèque, Lettre 84 à Lucilius

Hugues de Saint Victor, Didascalicon

Marcel Proust, Sur la lecture.


Question

A un point donné de la lecture, l’oeil s’écarte du texte, de la phrase, du mot, de la lettre, et, aussi bien, du livre, de la page, de la ligne; il fuit le blanc de la page et se fixe ailleurs; en retour, muettement ou par des annotations, les «fruits de la méditation» sont réinjectés dans la lecture qui reprend. Ce tour-et-retour est-il facilité, soutenu, ou, au contraire, compliqué, découragé par le dispositif de lecture? Voilà la question par excellence de la lecture comme technique de soi. C’est cette question qu’il faut adresser à la lecture numérique.


Is Google...?

Les actes de lecture des robots et des hommes, les gloses des uns et des autres se mêlent inextricablement. Je crains que l’oubli de la lecture comme technique de soi - c’est-à-dire l’oubli de l’association de «lectio» et «meditatio», de la lecture et de la réflexion - soit l’effet, la contre-partie, ou peut-être la condition des lectures industrielles.


L’art vrai de la lecture numérique reste à inventer.

http://www.cipmarseille.com