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A la lecture des extraits du discours du pape François tenus devant le Parlement européen, et retenus dans Le Monde du 27 novembre 20014, « mon sang n’a fait qu’un tour », comme dit Madame Michu.
Parlant comme il le fait, le pape semble prendre sous son bonnet toutes les avancées républicaines et démocratiques auxquelles l’Eglise s’est systématiquement opposée au fil des siècles. L’Europe, celle des droits de l’homme et de la personne, les pouvoirs religieux ont tout fait pour l’empêcher de naître. Comme le dit sans vergogne le curé, dans le film de Ken Loach Jimmy’s hall, il veut bien parler à tout homme à condition qu’il soit à genoux et non debout.
Le discours du pape semble inspiré par l’humanisme républicain ; il est très beau, très juste souvent dans l’analyse faite de notre époque et des comportements humains ; mais il dérape en deux points, laissant apparaître la vieille domination du pouvoir religieux privant l’homme de sa liberté et de sa dignité. Ce pouvoir s’exerce toujours par procuration en utilisant la figure de Dieu détenteur de toute-puissance. A mon sens, déposer la transcendance dans les mains de Dieu, comme il le fait en ces termes « cette « boussole » inscrite dans nos cœurs et que Dieu a imprimé dans l’univers créé », revient à en priver l’humain. Même chose plus loin : «…où le ciel indique l’ouverture à la transcendance, à Dieu… ».
Laïques, républicains et démocrates, nous n’avons pas besoin de la transcendance telle qu’elle est conçue par le pape. Il existe une transcendance à hauteur d’homme et de femme ; elle est, dès que la personne parvient à s’élever au mieux de ses potentialités évoluées en dépassant son égoïsme et son omnipotence par souci de justice et de respect. Et lorsque le pape ajoute : « c’est l’oubli de Dieu, et non pas sa glorification, qui engendre la violence », il importe de rappeler le sens du mot glorifier et quelques-uns de ses synonymes : louanger, adorer, auréoler, bénir, célébrer, déifier, diviniser, etc.Si je me mets dans une telle posture d’admiration face à une entité nommée dieu, je me soumets à une figure idéalisée, et je favorise ce faisant les rapports dominant-dominé et non ceux de mutualité, de justice et de respect qui déjouent la violence.
En tant que laïque, je peux m’incliner devant le mystère de la création ; mettre à la place de ce mystère un dieu à vénérer, m’assujettie potentiellement, me met à genoux, pas debout. Alors quand le pape dit vouloir l’homme libre de cette façon-là, je ne veux pas de cette fausse liberté-là qu’il veut bien m’accorder.
interpretation
Bonjour,
comme toujours, et en répondant en tout humilité car je n'ai sans doute pas la connaissance de la plupart des participants ici, tout dépend de l'interprétation que l'on fait de Dieu.
En vous lisant je ressens une interprétation très "humaine" voire contemporaine de Dieu, dans lequel le rapport à l'Autre implique que le "prescripteur" doit rendre des comptes, notamment quand on l'associe à une autorité ou histoire religieuse (ou politique) qui nous laisse globalement un sentiment amère.
C'est un peu faire l'amalgame entre l'Eglise et la religion ?
"« cette « boussole » inscrite dans nos cœurs et que Dieu a imprimé dans l’univers créé », revient à en priver l’humain" :
en quoi ce serait une interprétation plus valable que celle qui expliquerai que l'expression :"c'est Dieu qui inscrit" représenterai un garde fou, une notion de limite, de vigilance... d'attention au fait qu'on ne doit pas se prendre pour des Dieux quand on a ou on aura le sentiment d'être tout puissant avec notre savoir ?
« c’est l’oubli de Dieu, et non pas sa glorification, qui engendre la violence »
pour moi ici on peut voir deux interprétations de Dieu ou plutôt son ambivalence christique le "verbe s'est fait chair" : c'est à dire lorsqu'on oublie l'essence premiere de Dieu ici bas : le lien, le language (Jean Luc Godard nous le rappel dans son dernier film "A-dieu au langage") au profit de l'image seule et de l'idôlatrie
.C'est toujours la même problématique: après tout on peut tout simplement retrouver la notion du pharmakon à travers Dieu dans cette phrase ? ou l'idéalisme séparé du processus
A partir du moment où le contexte social "incapacite" les personnes en favorisant la valorisation de ce qui "est" plutot de ce qui "consiste" et agir sur leur environnement, ces personnes ont tendance à se replier sur elles memes, trouver exclusivement la "vérité" dans une possession matérielle ou immaterielle, dans le "je" ou le "nous" radical, en oubliant que la vérité se trouve avant tout A TRAVERS l'Autre , la différence, son environnement...
Pour aller plus loin, le fondamentalisme du "qui" qui absorbe le "quoi" (secte religieuse, despotisme...) et du "quoi" qui absorbe le "qui" (scientisme, laicisme...) n'est il pas la meme forme de volonté de purification, de suppression du défaut sans limite de "sacrifices" définie , sans éthique définie ?
On peut certes se passer de religion (catholique ou autre) , mais pendant ce temps, ce que promeut la politique Européènne aujourd'hui par passivité ou manque de contre pouvoir, c'est un trans-humanisme qui lui, ne définit en aucune manière ses limites: le "quoi" qui peut absorber le "qui" est une "religion" que meme le discours du pape pourrait favoriser (malgre lui), par mésinterprétation de la plupart de ses auditeurs bercés de sentiments plus que réflexions méthodologiques.
Quand on pointe la lune aujourd'hui beaucoup regarde le doigt même si ce qu'il devrait théoriquement incarner n'a plus vraiment de pouvoir, n'existe plus vraiment. Mais de toute facon comme personne n'en parle... on relègue ce sujet dans la case "théorie".
Le pape , par le verbe ici en tout cas, laisse le choix d'interprétation ; le trans humanisme et la liberté que propose le liberalisme et le consumerisme d'aujourd'hui, j'en suis moins sûre. Le dogme de l Eglise tout comme le dogme capitaliste se sont imposés à la fois à travers l'idéologie et la technique (mais pas dans la meme proportion) . Cette opposition me parait donc stérile.
Je ne veut pas défendre le pape plus que ca, de tout facon pour moi l'Eglise n'a plus grand chose à voir avec ce qu'elle représente, elle est autant instrumentalisée que certains parties politiques, et aujourd'hui elle est utilisée comme les autres obédiences à faire advenir une nouvelle religion
(ca n'engage que moi mais si l'autorité religieuse que vous connaissez historiquement vous ennuie, rassurez vous, elle n'aura plus et n'a deja plus rien à voir avec ce qu'elle était)
Il me semble que la religion tout comme la politique n'est pas le problème, que tout comme la science, elle peut être instrumentalisée ou tout simplement interprétée comme son autorité l'a décidée, à partir du moment où l'on se contente d'adhérer à l'idéologie sans avoir d' exigence de méthodes, sans la mettre en rapport avec des processus, un suivi etc.. : ca reste de l'idéalisme. Et comme de toute facon si peu de personnes (moi le premier) ne s'interessent dans l'histoire et le temps, aux influences des idéologies , au pourquoi de TOUTES les modifications conceptuels, rituels, politiques qui émergent (Concile ou constitution etc...) ....
De la justice à travers l'exactitude du terme d'"égalité" ? ca ne m'interesse pas personnellement. Y tendre (vers l'egalite), pourquoi pas (meme si c'est l'equite et la justice de je chéri personnellement), mais la brandir comme une immanence que l'on peut atteindre alors qu'elle n'existe pas, sans y rattacher des droits précis quand on en parle, sans recontextualiser ses droits, personnellement ca m'ecoeure : on attend ses droits dans un egalitarisme "insatiable" (pour reprendre un terme de Tocqueville) , plus ils sont individuels et secondaires, plus ils sont convoites... dont celui du droit à la différence sans politique de la différence, qui ne s'exprimera donc que dans l'opposition et le clientelisme, gage d'une fraternité parcellisée communautaire et gage du diviser pour mieux régner.
La liberté d'expression et individuelle? si c'est finalement pour se retrouver isolé dans sa solitude ou dans une "fraternité" de sentiments mimétiques plus que d'échanges et de reflexions, de définir son identité par rapport à ce qui nous oppose, cette liberté là n'a pas de lecon à donner au dogme qui préche l'amour et ne reconnait pas véritablement celui qui concerne des personnes du même sexe ( meme si personnellement je peux comprendre que ce dogme ne veuille pas le reconnaître PAR le mariage mais c'est un autre sujet).
Et en ce qui concerne l'intolérence du genre en décalage avec le sexe, pourquoi n'y a t il que quelques infimes universitaires qui prétendent que ce phénomène est arrivé en même temps que le capitalisme et que l'on va entendre a des heures perdues sur France Culture ? C'est comme l'histoire du vote des femmes qui n'aurait jamais existé avec le 20 eme siècle...
Petit aparté: dans les ecritures religieuses on nous parle plutot de ce que l'on doit faire, dans les droits de l'homme on nous dit plutot ce que l'on est...
Je ne sais pas de quel coté les excès peuvent etre les pires dans l'absolue, mais personnellement je prèfère me définir dans l'"être en acte" plutot que l'"etre en puissance" à qui ont dit ce qu'il est: la liberté qu'on y trouve me semble plus séduisante et moins dépendante de l'"individu" quel qu'il soit.
La "Republique" ou "démocratie" qui s'exprime aujourd'hui semblent également avoir été séduites par la culpabilité inquisitrice ("moyen ageuse" comme elle dit) de la religion: elles attendent certainement le moment opportun pour enfin nous réunir comme l'a fait la religion avant elle, dans un interet qui nous DEPASSE (enfin...) et qui servirait le bien commun. Le tout est de savoir si ce bien ne sera pas dépourvu d'âme.
je suis tout a fait d'accord
je suis tout a fait d'accord avec vous