Vous avez dit dictature (1)

Publié par dpastor le 31 Octobre, 2010 - 18:14
Version imprimable

Dans n'importe quelle dictature, lorsque le dogme est dénoncé, l'auteur du sacrilège est impitoyablement traqué, pourchassé, interpellé, jugé et condamné (souvent à mort).

 

Pas dans la dictature capitaliste. Mais existe-t-il une dictature capitaliste ?

 

Dans la Rome Antique, le Dictateur était désigné parmi les anciens consuls pour une durée de six mois, en cas de forts troubles à l'ordre public. Il recevait les pleins pouvoirs (l'Impérium) c'est à dire ceux des autres Magistrats sauf des Tribuns de la Plèbe.  Il devait abandonner sa charge ensuite. Certains s'y sont refusés. Le dictateur Sylla par exemple est resté deux ans aux "affaires" (de –81 à –79 avant J.C) et a tenté d’affaiblir les Tribuns de la Plèbe.

 

Généralement, la dictature est le fait pour un seul homme de posséder tous les pouvoirs et d'en user de manière discrétionnaire. Une personne ou un groupe de personnes peut former une dictature.

 

Lénine parlait de dictature du prolétariat, c'est à dire d'un régime transitoire entre le Capitalisme et une société sans classe durant lequel le prolétariat dirige l'Etat. Cette idée de transition  rappelle un peu le droit romain. Evidemment, il faut avoir toute confiance en ceux qui assureront la transition. Etre certain qu'ils ne seront pas tentés de poursuivre l'expérience d'un pouvoir sans mesure une fois les problèmes résolus...

 

C'est toujours une histoire de personnes. Les hommes sont dictateurs, pas les dogmes. La dictature est le fait du dictateur. Il possède une puissance apte à renverser un régime plus modéré et à instaurer un règne qui se manifestera par la force.

 

Par la contrainte sur les citoyens et leurs actes, il n'aura de cesse de reformer leur pensée à sa convenance en usant de toutes sortes de moyens rhétoriques, comme les oxymores. Il intoxique les psychismes et donc la pensée collective. Car il est un fait extraordinaire : le mot  structure la pensée et non l’inverse.

 

Pour parer à toute contestation, le dictateur aura à cœur d'instaurer le Totalitarisme. Ici le libre arbitre est totalement banni. Le citoyen est infantilisé par un régime distribuant récompenses ou coups de bâtons selon son bon vouloir, selon ce qui lui a plu ou déplu. La pensée unique y règne en maître incontesté. Enfin, le dictateur, aura confisqué le pouvoir à tous les étages de l'Etat. 

 

Il est pourtant une dictature plus insidieuse encore. Elle est dénoncée par la Boétie dans « le Discours sur la Servitude Volontaire ». C'est un texte merveilleux qui, de plus, se lit facilement. Il est en accès libre sur Internet.

 

Que disait Monsieur de la Boétie ? En substance, un dictateur seul, même accompagné de plusieurs centaines de séides ne peut soumettre un peuple. Il lui faut également le consentement de ses « sujets ». Ce consentement se trouve dans la conscience même de l'homme. Il est d'accord pour être soumis et il le choisit généralement de plein gré. Surtout s'il vit une période de trouble ou un désordre psychique.

 

Le peuple applaudit lorsque le dictateur, à grand renfort de rodomontades, vient lui promettre qu'il mettra fin aux émeutes dans les banlieues ou ailleurs. Que tous les moyens de la technologie moderne vont être mis en place et utilisés pour faire rentrer dans l'ordre les fauteurs de trouble ! Qu'ils seront impitoyablement poursuivis devant les tribunaux et jetés en prison ! D'ailleurs, il y a eu des centaines d'interpellations et de traductions devant les juridictions compétentes clament en chœurs le despote et ses sectateurs.

 

 

L'action du dictateur se justifie toujours par l'existence d'une confusion réelle ou supposée. L'idée du besoin d'un remède est donc, avec plus ou moins de subtilité, instillée dans l'esprit d'un peuple qui a perdu tout sens critique.

 

Pourtant, rien ne se passe réellement. Les voyous restent les voyous. Les agressions continuent. Si les promesses étaient pleinement tenues, le peuple n'aurait plus besoin du dictateur et le renverrait d'où il vient. Peut-être même finirait-il lui aussi en prison ! On voit donc qu’un pouvoir dictatorial a besoin au minimum d’une menace pour vivre et prospérer. Si besoin, il en invente une.

 

Néanmoins, les relations entre dictature et soumission sont complexes et procèdent d'un équilibre qu'il est nécessaire de réajuster constamment. Le dictateur doit pouvoir agir comme bon lui semble et il s'emploie à le démontrer sans faillir. Il pressure, il punit, se goinfre, exige toujours plus. Et il obtient ce qu’il demande.

 

Pourtant, il demeure toujours à la merci d'un « Non ! Ca suffit » de la part du dominé. Quoi qu’il en lui en coûte, il reste toujours la possibilité au peuple de faire cesser ce qu'il considère comme injuste. Nous le voyons bien, chacun d'entre nous porte une part de soumission à laquelle il est prêt à céder. A plus forte raison si la dictature s'incarne dans une personne estimée comme providentielle, une sorte de « deus ex machina ». Les dictateurs eux-mêmes sont soumis à la tyrannie de leur ego surdimensionné. Staline et son culte de la personnalité en sont un bon exemple. Il n’était cependant pas un homme au courage bien trempé.

 

Toute la question est donc : comment pérenniser un système dictatorial afin d’en profiter pleinement ? L’Histoire et les expériences que nous en tirons offrent l’occasion de comprendre comment procède un dictateur pour durer.

 

Les institutions romaines avaient prévu un certain nombre de gardes fous pour permettre à un dictateur de redevenir ce qu’il était, avant que ne lui soit confié l’Impérium. Il a donc fallu trouver d’autres leviers. L’ascendance divine s’est révélée d’une redoutable efficacité. Jules César, qui n’a jamais été empereur, affirmait descendre de la déesse Vénus. Les empereurs romains invoquaient tous une divinité qui apporterait gloire et grandeur à Rome. Ils assuraient aussi, par le biais du divin, la lignée impériale. Cela n’a pas mal fonctionné durant presque 500 années.

 

Plus tard, les divers rois et reines européens, avec la complicité d’un clergé omniprésent et tout puissant faisaient valoir leur ascendance divine pour se maintenir sur le trône que Dieu leur avait donné. A tel point que ces rois ne mouraient pas. Il ne fallait même pas imaginer le décès d’un monarque à peine d’avoir à subir un cruel châtiment.       

 

A une époque plus contemporaine, alors que Dieu, relégué par les Lumières et l’explosion des sciences prenait quelque repos, les dictateurs ne pouvaient plus se référer au dogme religieux pour maintenir leur pouvoir.

 

Il fallait d’autres outils, d’autres méthodes. Le culte de la personnalité est une grande constante chez les dictateurs. Pourtant, il ne peut à lui seul suffire à se maintenir le temps de piller un Etat et de jouir de la soumission du peuple. De son temps, la religion était efficace, mais guère subtile elle avait fait long feu. Surtout sur les échafauds de la Terreur.

.../...

Retrouvez la suite de ce texte dans : Vous avez dit dictature (2)