Début janvier, on apprenait que le milliardaire allemand Adolf Merckle s’était jeté sous un train. Il avait perdu le contrôle de son entreprise après une spéculation ratée sur les actions Volkswagen. A l’opposé de l’hebdomadaire libéral, Die Zeit, qui place l’évènement dans la catégorie des accidents industriels faisant partie du système, l’hebdomadaire der Spiegel, lui, place le suicide du milliardaire allemand Merckle dans la suite des scandales qui ont secoué l’Allemagne, scandales dans lesquels les dirigeants des fleurons de l’Industrie allemande ont symbolisé la corruption, les pots de vin (Siemens), la promotion des paradis fiscaux et du détournement d’impôts( La Poste) les souteneurs de la prostitution (Volkswagen) la paranoïa sécuritaire (LIDL, Deustch Telekom, La deutsche Bahn). Dans ces cas, mais plus encore dans celui de Merckle, il est difficile de faire complètement abstraction de la morale du moins de l’écart entre le discours et les pratiques. Après tout, la famille propriétaire affichait son piétisme. L’entreprise avait son pasteur attitré.
L’hebdomadaire
der Spiegel dans son édition du 4.5.2009 est revenu, dans un entretien avec son fils âgé de 42 ans, sur la question du
Pourquoi ? évoquée par Bernard Stiegler lors d’une récente conférence. On notera aussi que l’entretien se fait l’écho de l’idéologie qui se répand en Allemagne consistant à croire qu’il suffirait pour « sortir de la crise » d’un « retour à une éthique protestante du travail ».
Extraits
(…)
Philipp Daniel Merckle :
Mon père était malade depuis quelques temps.
Spiegel :
De quoi souffrait-il ?
Philipp Daniel Merckle :
Le cœur. Cela doit se comprendre aussi au sens figuré. En mon père et autour de lui, ça s’était refroidi. Rien que de penser qu’il s’est jeté sous un train, lui qui toute sa vie avait accordé une telle importance à la discrétion et a toujours tout fait pour éviter toute circonstance d’une honte publique. Il aurait pu quitter la vie plus discrètement ….
Spiegel :
Mais il a choisi la plus voyante…
Philipp Daniel Merckle :
Tout cela ne collait plus ensemble. Il avait perdu toute considération envers lui-même.
Spiegel :
Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ?
Philipp Daniel Merckle :
A la Saint Etienne. Mes parents nous ont rendu visite. J’ai constaté avec tristesse qu’il ne parvenait plus à se comprendre lui-même ni à comprendre les circonstances qui l’entouraient.
(…)
Spiegel :
Le suicide aurait fait moins de bruit si votre père n’avait pas été un des hommes les plus riches de la République. Son empire représentait un chiffre d’affaires de plus de 30 milliards d’euros (…) Qu’un entrepreneur aussi discret quitte la vie de manière aussi affreuse. Que voulait-il exprimer ?
Philipp Daniel Merckle :
Que veut-on expliquer ou reprocher au monde et à sa famille quand on se couche devant un train pour attendre la mort ? Il a tout de même pris en considération le choc qui serait infligé au conducteur de la locomotive. Il y a des gens qui pensent qu’il voulait se juger, s’exécuter lui-même. Pour moi, cette mort est un message de confirmation. Je crois en outre que la société devrait en tirer des leçons ?
Spiegel :
Lesquelles ?
Philipp Daniel Merckle :
Que nous devons en tant qu’entrepreneurs retrouver une identité vécue, retrouver des valeurs telles que la confiance, la crédibilité, l’action responsable et les principes de l’honnête commerçant comme par exemple mon grand-père les a encore connus. Et un sens sain de la mesure.
Spiegel :
Le lendemain de sa mort, votre famille a publié un communiqué attribuant la responsabilité du drame à la crise financière. Cette crise aurait « brisé » votre père.
Philipp Daniel Merckle :
Il n’était pas le petit rouage passif qui aurait été broyé par la grosse machine. La crise économique n’est pas responsable de sa fin. Elle n’a fait qu’accélérer le déclin de l’empire. Elle a été déclencheur et non cause de son suicide. De telles crises extérieures ne sont pas déterminantes. Mon grand-père a connu la seconde guerre mondiale. Il a du recommencer dans les ruines de l’Allemagne avec une seule machine. Non ce qui a été fatal pour mon père a été de perdre sa boussole interne. .
Spiegel :
Il n’a pas été seulement victime ?
Philipp Daniel Merckle :
J’ai un point de vue différent de celui de ma famille La crise économique a mis à nu les failles de mon père dues à une imbrication d’entreprises devenue incontrôlable.
Spiegel :
Dans laquelle probablement lui seul pouvait voir clair….
Philipp Daniel Merckle :
Peut-être. Il est vrai que la cartellisation était un principe. Mais, à la fin, il avait lui aussi perdu la vue d’ensemble.
Spiegel :
Les gens bien intentionnés disaient de votre père qu’il était très en avance sur son temps. Il recherchait les rendements financiers alors que l’Allemagne d’après guerre rêvait encore paisiblement. Il achetait de préférence des entreprises qu’il jugeait sous-évaluées et les finançaient à crédit, il spéculait et agissait comme une « sauterelle » à une époque où les investisseurs financiers étaient encore largement inconnus chez nous.
Philipp Daniel Merckle :
Les questions de fond ont par contre été trop rarement abordées en interne : quels sont les objectifs avec toutes ces entreprises ? Quelles sont nos valeurs, quels sont nos buts en dehors du profit ? C’est ainsi que mon père s’est lui-même perdu de vue…
Spiegel :
…jusqu’à l’effondrement de son empire surendetté. A la fin de l’année dernière, les banques ont commencé à en prendre le contrôle. Votre père a dilapidé plusieurs centaines de millions d’euros dans des spéculations.
Philipp Daniel Merckle :
La construction de l’entreprise
Ratiopharm, l’idée d’une affaire avec les génériques étaient en elles-mêmes déjà l’œuvre d’une vie. Je n’ai jamais compris pourquoi il s’est cru obligé avec
Heidelberg Cement [1] d’ajouter un nouvel élément à l’édifice dont l’enche-vêtrement complexe de dettes s’est révélée fatale dans la crise.
Spiegel :
Recherchait-il les affaires pour les affaires ? Une sorte d’art pour l’art économique ?
Philipp Daniel Merckle :
Je me suis souvent demandé à qui il cherchait à prouver quelque chose à ne pas s’arrêter d’acheter une entreprise sans but perceptible. Quant un entrepreneur et ses entreprises perdent de vue leur substance, leur identité, ils perdent tous les deux leur sens.
(…)
[1] Entreprise de matériau de construction. 60.000 salariés Chiffre d’affaires 14,2 milliards d’euros
Bonjour, Ceci est une réponse
Bonjour,
Ceci est une réponse à votre précédent post sur les conversations d'Attali et ses fausses conclusions énergétiques (comme on n'a pas la possibilité de répondre à cet ancien post directement…).
Je devine d'abord que vous avez lu «Le portable, gadget de destruction massive» du collectif grenoblois Pièces et main d'œuvre, à cause de l'allusion à la guerre pour le coltan et aux énormes quantités d'eau requises pour la fabrication des produits des nouvelles technologies. La Silicon Vallée française a d'ailleurs été choisie pour l'eau de la vallée du Grésivaudan qui pouvait approvisionner les usines à puces pour les téléphones portables.
Mais surtout, à propos d'Attali, il livre une conversation tout aussi «cool» et désinvolte sur les implants RFID dans une Conversations d'avenir sur la chaîne Public Sénat. Il développe avec plaisir dirait-on (et une certaine angoisse quand il parle du luxe de se débrancher de ces futurs implants ?) ses «visions d'avenir… (chaîne Public Sénat).
http://www.wideo.fr/video/iLyROoafJzat.html
Louise