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Le scandale.
L’emballement médiatique mêlant indistinctement les affaires qui rattrapent M. Sarkozy et les interventions de certains membres du gouvernement me portent à faire quelques commentaires.
Discriminer le plus important de ce qui l’est moins s’impose en premier lieu pour éclairer les enjeux. L’essentiel à mon sens, comme l’a pointé dans vos colonnes Eric Alt (dans le Monde du 14 mars) et comme l’a dit aussi Robert Hue dimanche midi à la fin du journal de France Culture, est que la Ministre de la justice n’entrave plus les enquêtes et que conjointement il soit mis fin aux pratiques d’intervention des hommes politiques aux commandes désireux de servir leurs intérêts privés ou partisans. Que la justice soit enfin plus libre et forte grâce à une séparation scrupuleuse des pouvoirs politiques et judiciaires, quelle bonne nouvelle ! Des moyens plus grands sont laissés à la justice pour que des citadelles d’impunités préservant nantis et notables en tous genres ne restent pas imprenables et les abuseurs sanctionnés par la loi ; quel bonheur pour notre démocratie souffreteuse ayant bien besoin d’être ranimée !
Que pour marquer cette essentielle et salutaire séparation des pouvoirs certains ministres en ont trop fait déclarant « ne rien savoir », ce n’est pas bien grave. Face à l’imperfection humaine et à la bouteille de la vie toujours à moitié remplie, regardons les choses sous l’angle de la bouteille à moitié pleine. Si la justice peut maintenant punir les conduites illégales de tous les citoyens de façon égale, reconnaissons que le gouvernement qui permet cette avancée fait du bon travail dans le sens des valeurs d’égalité et de respect.
Autre clarification qui me semble nécessaire : il importe de déjouer les manipulations de certains et l’aveuglement de certains autres pour voir où est vraiment le scandale. Sont-ce les infractions commises par les détenteurs de pouvoirs politiques qui sont un scandale, ou est-ce la mise au jour de ces affaires louches qui est scandaleuse, comme tentent de nous le faire gober ces abuseurs épinglés en se posant en victime du camp adverse et de la justice ?
Autre réflexion pour conclure. Il importe certes de dénoncer et de condamner les fraudes, les trafics d’influence, l’esprit de corruption et les abus en tous genres qui contaminent notre République ; mais à une condition. A condition ne pas agir et penser soi-même de façon primaire, et donc de ne pas fonctionner au bouc émissaire. « Tous pourris sauf moi» ; « l’oligarchie et les politiques sont les seuls coupables, et de surcroît des incapables ! » Comme si n’importe qui pourrait ferait mieux, alors que c’est toute une époque stagnant dans l’infantile et l’irresponsabilité qui est à incriminer. Trop de commentateurs se contentent de taper dans le tas, méprisant, dénigrant de tout côtés, sans discriminer ce qui est important. C’est là me semble-t-il un comportement destructeur de racaille qui jouit du shoot d’adrénaline que procure la violence, comportement aussi qui n’avance à rien si ce n’est à alimenter la pétaudière de malveillance et de violence ambiante. Pire, cette posture de domination fort narcissique vient encore alimenter le règne du pouvoir et du fric. Il n’y a pas la classe des corrompus et celle des intègres et des purs ; les bons et les méchants. En matière de comportement éthique personne ne se tient du bon côté une fois pour toute. Tout un chacun en posture de privilégié est tenté d’en profiter ; il s’agit de s’en empêcher. « Un homme ça s’empêche » avait dit le père d’Albert Camus. Chacun avec le petit bout de pouvoir qu’il détient (en famille, au travail, etc.), s’il ne surveille pas peut abuser, se comporter de façon dominatrice, méprisante, humiliante, cynique, dans un opportunisme sans foi ni loi si ce n’est celle de son petit ego roi.