Subsister, Exister, Consister.
Par ce triptyque, nous qualifions la vie humaine. Dans chaque société, il semble exister un grand partage des activités humaines selon qu’elles sont soumises aux subsistances ou vouées aux existences, partage qui fait écho à celui entre l’otium (plans d’existence) et le negotium (plans de subsistance). Au couple traditionnel de la subsistance et de l’existence, nous ajoutons un troisième terme, celui de consistance (ce qui tient avec).
- La subsistance, c’est l’ordre immuable des besoins et de leur satisfaction impérative, c’est l’impératif de la survivance. Lorsque la vie humaine est réduite à la pure nécessité subsister, elle est rabattue sur ses besoins et perd le sentiment d’exister. De tels besoins sont aujourd’hui artificiellement produits par le marketing
- L’existence – le fait pour l’homme d’ex-sistere : d’être projeté hors de soi, de se constituer au dehors et à venir – est ce qui constitue celui qui existe dans et par la relation qu’il entretient à ses objets non pas en tnat qu’il en a besoin, mais en tant qu’il les désire. Ce désir est celui d’une singularité – et toute existence est singulière.
- La consistance désigne le processus par lequel l’existence humaine est mue et trans-formée par ses objets, où elle projette ce qui la dépasse, et qui n’existant pas cependant consiste – ainsi de l’objet de son désir, qui est par définition infini cependant que l’infini n’existe pas : n’existe que ce qui est calculable dans l’espace et dans le temps, c’est à dire ce qui est fini. De telles infinités sont les objets de l’idéalisation sous toutes ses formes : objets d’amour (mon amour), objets de justice (la justice à laquelle nul ne peut renoncer au prétexte qu’elle n’existe nulle part), objets de vérité (les idéalités mathématiques).
En tant qu’elle est capable de se projeter sur de tels plans de consistance, l’existence, qui est ce qu’Aristote appelle une âme noétique, est mue par le cours de son individuation psychique telle qu’elle est toujours aussi une individuation collective : la consistance est ce qui projette et cristallise le psychique dans le social. La consistance tend à faire converger toutes les consistances dans une seule visée, et c’est ainsi que s’y produit ce que Simondon appelle le transindividuel, c’est à dire la signification partagée par les individus psychiques se transindividuant dans une individuation collective.
L’être-au-milieu qu’est l’homme a ceci de singulier qu’une existence qui n’aurait pas de supports mnémotechniques ne pourrait pas constituer sa consistance : ce milieu est organologique, c’est à dire aussi pharmacologique – c’est par ses organes épiphylogénétiques et ses hypomnémata que la vie de besoin devient capable d’idéaliser.
Subsister, exister, consister
Depuis longtemps, dans ma petite tête "follette", je faisais une distinction entre "être" (correspondant à ce que vous appeler "subsistance") et "exister" (où je mélangeais ce que vous appelez "existence" et "consistance").
Avant d'aborder votre vocabulaire, je voudrais faire au moins deux remarques.
La première concerne une sorte de contradiction dans votre discours.
Dans une des conférences visibles dans les archives de votre site (je ne me rappelle malheureusement pas laquelle), j'ai entendu Mr Stiegler dire une phrase avec laquelle je suis assez d'accord...
il disait (en "substance", si je peux utiliser ce mot dans ce contexte) que "l'humain ne pouvait se définir que par le verbe", ou "relevait du verbe".
Si j'avais bien compris, il ne parlait pas du "Verbe/Langage", mais dans le langage de ce que nous appelons couramment le (ou les) verbe(s)...
Comme les notions de subsistance, existence et consistance me semble liées à l'humain (ou à sa construction)...
La seconde remarque concerne une absence.
L'absence, aussi bien dans votre vocabulaire que dans le mien, d'une "notion" qu'on pourrait si ce n'est décrire en tout cas évoquer par le verbe "vivre" ou ou le mot "vie"...
Ce "vivre", cette "vie", en dehors du fait qu'ils reproduisent la dichotomie perceptive évoquée dans la remarque précédente entre un verbe de l'ordre du sujet et un substantif de l'ordre de l'objet, doivent, à mon avis, entrer en ligne de compte pour au moins deux raisons.
La première est leur caractère usuel, très répandu... "c'est la vie", "je veux vivre", "c'est ma vie"...
Alors je ne dis pas qu'il faut "intégrer" ces termes pour faire comme tout le monde, par conformisme...
je pense qu'il faut les "redéfinir" les "interroger" pour éviter ce qu'ils nous font à l'heure actuelle, pour combattre ce à quoi une certaine pensée "dominante" les a (et nous a) réduits en les intrumentalisant.
(Exemple : l'expression "c'est la vie", définit en pratique la vie comme "subsistance"... et même pire, comme "étant-donné objectif"... "vérité immuable, indiscutable"... alors que... vous verrez un peu plus loin)
La seconde raison est également une raison pratique mais un peu différente car elle concerne la pratique, le développement de votre pensée...
à mon humble avis, dans le domaine des consistances, vous ne pourrez pas éviter la question de "vivre" et son corollaire négatif...
(il y avait des choses à dire à ce sujet dans le débat-conférence qui a eu lieu à Tours... au passage, dommage qu'on ne puisse pas commenter tous les enregistrements audio ou vidéos sur le site).
Alors, pour revenir à vos définitions (et en même temps justifier la seconde partie de mon préambule), je suis d'accord avec la différenciation entre subsistance et existence à un (important) détail près...
Vous écrivez "Exister, c'est se transformer"...
Je suis tout à fait d'accord...
mais je pense que c'est également vrai pour la subsistance, "Subsister, c'est se transformer"...
Je crois que "Vivre, c'est se transformer"...
que la seule chose qui soit "immuable" dans la vie, c'est la transformation...
En ce qui concerne la différenciation entre "existence" et "consistance" (différence que je ne faisais pas car dans mon expérience ces deux "notions" ne faisaient qu'une), je pense que vous avez raison de la faire...
"Consister, c'est se transformer transformant..."
Subsister, exister et consister, c'est ça vivre...
Un vie se passant d'un de ces éléments...
"Ce n'est pas la vie".
Et résister alors ?
Et résister alors ?
« Une critique est ce qui
« Une critique est ce qui analyse ce à quoi il s’agit de résister, s’il faut résister, et ce qu’il faut intérioriser s’il faut l’adopter. »
La technique et le temps 3