association internationale pour une politique industrielle des technologies de l'esprit
SI TU T’IMAGINES, MARSEILLE…
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Marseille est mariée avec la mer, depuis l’origine.La mer l’ouvre naturellement à ce qui n'existe pas ou pas encore, et qui peut susciter des craintes, mais aussi et surtout des rêves, des espoirs, des projets. Pourtant Marseille manque d'imaginaire. Or, peut-être plus qu’une autre ville, elle en a besoin: par sa situation géographique en bord de Méditerranée, et son histoire (fondée par les Phocéens, ces Grecs venus d’Asie Mineure), Marseille exige du souffle, de la jeunesse, des images renouvelées, fortes. Or aucune réponse n'est vraiment apportée à ce besoin d’imaginaire.
Il s’agit d’imaginer Marseille, une autre Marseille, à réinventer afin de la hisser à la hauteur de ce qui fait sa beauté particulière. Comment le faire si on ne s’appuie pas sur les habitants de celle qui est restée, à la différence d’autres grandes villes de France, une ville populaire ?
Car les habitants d’une ville devraient pouvoir dire ce que serait une belle et une bonne ville. Ce ne devrait pas être le domaine réservé des experts, ingénieurs, architectes, urbanistes, politiques, financiers, etc. Les compétences particulières sont indispensables mais cela ne doit pas amener à considérer les habitants comme de simples consommateurs de ville, consultés sommairement, en réalité mis à l’écart de toute réflexion et de toute délibération. Aucune ville ne se réduit à un « environnement », à un simple décor.
Il s'agit de rendre visible la multiplicité des figures / visages, corps, objets, lieux/ qui la traversent, et de faire en sorte que chacun partage avec les autres son expérience de la ville, ce quelque chose de singulier qui fait que nous décidons de rester là et pas ailleurs. Partager, ce n’est pas additionner ce que nous avons de semblable, à quoi bon ! C’est confronter nos regard singuliers, nos mémoires souvent enfouies et nos attentes nécessairement différentes. Seule une telle démarche peut permettre de redéfinir une ville.
Dans les cercles de pouvoir domine souvent l’idée que la culture est un adjuvant plaisant au système consumériste, la culture est alors conçue comme une consommation un peu différente, un peu plus « in » et branchée que les autres. Les habitants sont ainsi invités à consommer une « ville » prédigérée, transformée en scène de spectacles tape-à-l’œil, où il suffirait de se reconnaître comme semblables pour « participer ». La ville devient ainsi un produit et il ne faut pas s’étonner que les clichés les plus usés reprennent alors du poil de la bête.
Une ville ce n'est pas, en tout cas pas seulement, un espace de gestion et de consommation, c'est un esprit qui s'invente tous les jours. Pour que la ville reste vivante, un souffle est nécessaire. Ce souffle ne peut naître que du partage des imaginaires entre les individus, entre les groupes. Sans cela la ville se réduit à des flux d’images à consommer, à des clichés, elle se ratatine et risque de se diviser en tribus méfiantes, potentiellement hostiles.
COMMENT FAIRE ?
Les gens ont des choses à dire, c’est à partir de ce qui reste vivant dans leurs mémoires qu’ on peut imaginer du nouveau. Ils sont capables de rêver leur villeparce que son histoire est faite de leurs histoires et leur mémoire en garde une trace qui n’est jamais ordinaire. Ils peuvent dire la beauté qu’ils y trouvent, le plaisir qu'ils ont à y vivre au présent, raconter leurs bonheurs, l’extra-ordinaire qui fait que la vie mérite d’être vécue. Ils peuvent dire aussi ce qui enlaidit Marseille, ce qui la pollue, ce qui fait désespérer de cette ville parfois.
Si une ville pour exister au vrai sens du terme doit travailler à tisser son propre imaginaire, il faut constituer ce que je propose d’appeler des mini-laboratoires de l’imaginaire au sein desquels des artistes relèvent le défi d’aller au-devant des gens, de les solliciter et de créer, à partir de leurs propositions, idées, rêves …, une autre ville, meilleure, plus attirante.