Que faire ? de Jean-Luc Nancy, aux éditions Galilée : re-penser ce que nous faisons

Publié par tron le 5 Septembre, 2016 - 13:06
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Que faire ? de Jean-Luc Nancy, est publié aux éditions Galilée : si la tâche de la question est de re-penser ce que nous faisons, et je cite Hanna Arendt[1], ce livre est bien plus qu’une étude renouvelée des relations entre theoria et praxis. Cette réflexion interroge le sens. C’est une proposition politique, avec une conception élevée et digne de ce que ce terme veut dire.

 

Lire la présentation des éditions Galilée :

Les récents attentats de Paris et ceux qui les ont suivis de près en Afrique, venant après tant d’autres, depuis si longtemps et dans un contexte international particulièrement instable, portent à l’incandescence deux séries de questions : d’une part on se demande comment agir…Suite :  http://www.editions-galilee.fr/f/index.php?sp=liv&livre_id=3455

 

Lire ma chronique publiée dans CCP (Cahier Critique de Poésie), édité par le cipM (centre international de poésie Marseille) :

« Que faire ? » et « Quelle politique ? » se présente comme la double question de ce livre, et se déploie comme une redéfinition du sens de « faire », à travers ses conceptions et son histoire, de la transitivité ou non du verbe, de son effectivité, jusqu’à l’idée que faire c’est être, ou exister… Suite : http://cahiercritiquedepoesie.fr/ccp-32-4/jean-luc-nancy-que-faire

 

« Tout le faire s’est englouti dans le flux du « produire », se désole Nancy, et dont Arendt regrettait la « réification sans pensée ». Pourrait-on re-lier être à faire ? Ce serait là la mesure de l’existence. Son infinitisation. Et Nancy, comme Bernard Stiegler, se réfère à l’exception et la règle selon Nietzsche, pour une vie non-inhumaine et un monde non immonde.

 

A la cause de cette publication constituée de plusieurs articles, il y a : les attentats ; les technologies et leur économie. A l’occurrence du titre, il y a celui original de Lénine. A l’interrogation, il y a : comment faire ? Démunis que nous sommes face à l’histoire, à ce qui (nous) arrive, inconnu, encore impensé. Et qui est à panser (Bernard Stiegler, séminaire Transvaluer Niezsche).

 

Que faire ? Question urgente, nécessitant néanmoins de différer d’y répondre. Où surgit le concept de différance de Jacques Derrida, ramifiant les cheminements de pensée de Jean-Luc Nancy et Bernard Stiegler.

 

Tenter de penser et panser est déjà faire. Et rien ne dispense de faire.

 

« Je vous en supplie, faites quelque chose. Apprenez un pas, une danse, quelque chose qui vous justifie, qui vous donne le droit d’être habillé de votre peau, de votre poil… », implorait, après Auschwitz, Charlotte Delbo dans « Une connaissance inutile » (1970).

 

 

 

Que faire ? est aussi la question d’un paragraphe de La société automatique 1, de Bernard Stiegler (éditions Fayard, 2015), considérant l’irrationalité de la rationalisation par l’automatisation intégrale. Et ce comme facteur de désintégration sociale totale. Les résultats, catastrophiques, en seraient : la fin de l’expérience, la fin de la sensation, la fin de la possibilité de penser, la fin même de l’action.

 

La fin du politique.

 

Désintégration à laquelle il propose comme enjeu de la lutte, l’invention en tant que bifurcation, et un « art de l’hypercontrôle », développé dans le paragraphe suivant intitulé « L ‘invention supplémentaire ».

Et à laquelle je saisis que le processus de désautomatisation en est une hyperautomatisation, dépassant les automatismes, c’est-à-dire par delà ces derniers : et par là, une réactivation de la raison, et de ses fonctions.

 

Raison qui est aussi une ou la fonction du ou de la politique.

 

 

Colette Tron    To be continued…

 

 

 

 




[1]
"Ce que nous avons devant nous, c'est la perspective d'une société de travailleurs sans travail, c'est-à-dire privés de la seule activité qui leur reste. On ne peut rien imaginer de pire.

A ces préoccupations, à ces inquiétudes, je ne propose pas de répondre. Des réponses on en donne tous les jours, elles relèvent de la politique pratique, soumise à l'accord du plus grand nombre ; elles ne se trouvent jamais dans des considérations théoriques ou dans l'opinion d'une personne : il ne s'agit pas de problème à solution unique. Ce que je propose, c'est de reconsidérer la condition humaine du point de vue de nos expériences les plus récentes. Il s'agit là évidemment de réflexion, et l'irréflexion me parait une des principales caractéristiques de notre temps.

Ce que je propose est donc très simple : rien de plus que de penser ce que nous faisons."

 

Hanna Arendt, Condition de l'homme moderne (1958)