association internationale pour une politique industrielle des technologies de l'esprit
Les premières leçons du feuilleton didactique sur le cheval de Troie de la police sont édifiantes. Les politiques ont perdu le contrôle des technologies de contrôle.
Reprenant vertement les propos lénifiants du ministre de l’intérieur [CSU = Parti chrétien démocrate bavarois] défendant contre l’évidence le cheval de Troie [logiciel espion introduit dans les ordinateurs par la police] mis en œuvre par la gouvernement, l’éditorialiste et co-éditeur de la Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), quotidien libéral, référence des milieux d’affaires, écrit dans l’édition du 18 octobre 2011 :
Nous assistons à la perte de contrôle de la politique sur les systèmes technologiques complexes en temps réel. C’est une leçon de chose. Friedrich [i.e. le ministre de l’intérieur} ne peut pas reconnaître que la complexité des systèmes numériques fait prendre à l’Etat la même douche froide qu’aux marchés financiers. « Nous faisons confiance aux ordinateurs » avait déclaré Alan Greenspan au cours de sa mémorable audition devant le Sénat américain après la faillite de Lehman Brothers.
Intéressante comparaison. Qu’est-ce qui permet d’en arriver à une telle conclusion ?
Rappelons que le cheval de Troie découvert et démonté par les hackers du Chaos Computer Club d’Allemagne dont l’élaboration avait été confié à une société à l’historique pas très net (une histoire de pots de vins) était conçu de telle sorte qu’une fois introduit dans un ordinateur il pouvait télécharger des fonctionnalités non autorisées et contourner ainsi les limitations fixées par la Cour Constitutionnelle tel que faire des copies d’écran ou actionner une webcam. Le logiciel était piètrement sécurisé et pouvait être utilisé par d’autres. Enfin et peut-être surtout, les autorités “compétentes” étaient incapable de savoir quelles technologies elles avaient entre leurs mains. Elles n’en avaient d’ailleurs pas le code source. Et notre éditorialiste ajoute :
Le ministre de l’intérieur s’illusionne du contrôle qu’il prétend avoir sur les systèmes informatiques, et c’est cette illusion qui est la plus effrayante. Les politiques de l’ère numérique doivent enfin reconnaître que la perte de contrôle sera la règle de l’action politique et communicationnelle aussi longtemps que la compréhension des logiciels restera quasi magique et qresteront coincées au 20ème siècle.
La chute de l’éditorial venant d’un journal comme la FAZ vaut le détour :
Nous vivons dans une époque dans laquelle les politiques doivent énoncer des contrevérités pour ne pas influencer les marchés financiers dont les attentes ne sont elles-mêmes que le reflet d’algorithmes informatiques d’une très grande complexité. Nous assistons à quelque chose d’analogue dans le domaine des libertés individuelles.
Bernard Umbrecht