Le blog de jballay

Le mythe de l'intelligence collective

RESUME : Notre époque, qui ne se paye pas de mots, a inventé la notion d’« intelligence collective » pour glorifier ses exploits technologiques et autres "success stories". Mon propos ici est de voir de plus près ce qui, éventuellement, pourrait être escamoté dans ce mythe. Comment se fait-il que, malgré cette impressionnante série d’exploits créatifs, l’homme contemporain fasse preuve en même temps de tels aveuglements (collectifs) ? A priori, il ne faut pas s’étonner de cet apparent paradoxe, si l’on se souvient que, à l’échelle individuelle, un homme (ou une femme) réputé intelligent peut tout aussi bien être aveugle à ses propres démons intérieurs. Raison de plus pour s’intéresser de plus près à cette « intelligence collective ».

L'homme réduit à une fonction d'échange marchand

RESUME

Lorsque les hommes croiront pouvoir se passer de la pensée, de l’amitié, de la justice, de la beauté et de toute forme de communion symbolique, ils pourront sans fin se perpétrer à l’état de simples fonctions d’échange marchand, en proie à une infinité de désirs, connectés les uns aux autres dans une immense fourmilière travailleuse et digestive – et cela, jusqu’à épuisement des ressources terrestres.

La valeur a été, depuis l’Antiquité jusqu’à la Renaissance, un contenu spirituel, philosophique, intellectuel. Elle concernait les fondements du monde et de l’humain. Elle désignait la qualité symbolique qui relie l’homme à la « création ». Puis, avec l’essor du capitalisme et de l'utilitarisme, la valeur est devenue le symbole d’un travail et le signe d’une utilité : le produit du travail était réputé offrir des solutions de mieux en mieux adaptées aux besoins fondamentaux de l’être humain.

Enfin, progressivement, la valeur d’usage a été escamotée par le prix d’échange de la marchandise sur le marché à un instant donné, autrement dit un contenu largement arbitraire, volatile, sans signification. Se résigner à accepter le prix comme seul horizon des décisions humaines n’est pas un simple aveuglement, cela ressemble plus à un suicide collectif.

La dictature de la mesure

RESUME

Le totem des temps modernes, ce n’est pas un symbole ou une divinité. C’est le Produit Intérieur Brut. Ce savoir, agrégé de façon abstraite dans la comptabilité et la statistique, tord le cou au réel et le transforme en une immense machine, laquelle est désormais utilisée partout et tout le temps. La comptabilité repose sur trois postulats fondamentaux: 1° on peut délimiter dans l'espace le champ des objets et transactions de n'importe quelle entité socio-économique; 2° on peut effectuer un découpage du temps en périodes identiques; 3° tous les faits et objets de la réalité sont quantifiables.

Objections: 1° Le découpage du temps constitue en soi un système idéologique, qui permet de rationaliser la servitude de l’homme contemporain. Cet habillage mathématique du temps, qu’instaure le calendrier comptable, est un instrument de pouvoir qui permet à la fois d’organiser rigoureusement le travail et d’arborer l’apparence de l’objectivité. 2° En fait, toutes les choses que l’on a mesurées en premier étaient simplement les plus faciles à mesurer, c’est-à-dire les réalités matérielles tangibles que l’on rencontre en abondance dans l’agriculture et l’industrie. Mais progressivement, plus on a voulu mesurer de choses, plus on a augmenté le nombre de choses qu'on mesure mal. C'est ce que j'appelle le "théorème de la divergence comptable".

La dictature de la mesure repose ainsi sur une fiction collective dont le principal mérite est d’être partagée par une communauté d’acteurs qui ne l’acceptent qu’en fonction de leur intérêt . On constate chaque jour davantage à quel point cette rationalité calculatrice profite à une minorité de plus en plus restreinte de privilégiés, tout en détruisant les ressources et en générant des crises de plus en plus dévastatrices.