association internationale pour une politique industrielle des technologies de l'esprit
Automatisation et créativité
Si la créativité est un thème en vogue c’est en partie parce qu’elle anime quelques professions et certains espaces de l’univers économique. En définitive en proportion bien moindre que ce que laissent supposer la majorité des manifestes prônant ses vertus.
A l’inverse l’automatisation est reléguée à l’histoire de l’industrie. Elle appartiendrait au 20ème siècle et serait l’apanage de la seule industrie. Infiniment peu d’analystes utilisent le terme d’automatisation pour les actes de consommation, l’économie d’Internet et une partie de la libido.
Dans ses chroniques, Olivier Ertzscheid (2013) note pourtant : « l’algorithmie est partout, ambiante, diffuse, dans chaque choix, chaque requête déposée sur un moteur, chaque demande d’ami sur un réseau social, chaque décision, dans l’intervalle d’une microseconde. La calculabilité du monde rendue possible par le projet, habilement marketé, de nous convaincre d’être à la fois le produit, l’interface et la monnaie d’échange. En perspective, un crash, non plus boursier mais sociétal devient probable » (p. 49).
Automatisation et créativité sont intimement complémentaires. Passons rapidement sur la créativité essentielle des ingénieurs et informaticiens dans la mise au point de dispositifs de plus en plus vastes de fonctionnement automatique via capteurs, robots, algorithmes et plateformes. La créativité est essentielle pour automatiser.
Concentrons-nous plus particulièrement sur l’automatisation galopante qui a été initiée avec les plateformes mondiales 24/7 (24 heures sur 24 et 7 jours sur 7) de commerce qui court-circuitent les réflexes premiers des individus (Stiegler, 2015) dans leurs actes de consommation au sens large afin d’installer des processus continus de production-distribution. Ces processus deviennent aujourd’hui automatiques comme hier, dans l’industrie se sont développés des processus industriels continus (Naville, 1961).
Aujourd’hui en France, avec l’automatisation numérique, 3 millions de postes seraient supprimés de manière générale et 42% des métiers présenteraient une probabilité d’automatisation forte (Rapport Mettling, 2015, Rapport Smith et Anderson, 2014).
Si ces projections sont justes des processus de décision, de conception et de distribution seraient fortement automatisés. A qui serait alors réservée la créativité ?
Penser ces phénomènes ne relève pas de l’analyse spontanée. Il s’agit de penser la technique comme l’y invitait notre philosophe français si perçant et trop peu connu Gilbert Simondon.
Pour notre philosophe des techniques Gilbert Simondon (1858) : « la plus forte cause d’aliénation dans le monde contemporain réside dans cette méconnaissance de la machine, qui n’est pas une aliénation causée par la machine, mais par la non-connaissance de sa nature et de son essence ».
A propos des robots il écrivait : « nous voudrions montrer que le robot n’existe pas, qu’il n’est pas une machine, pas plus qu’une statue n’est un être vivant, mais seulement un produit de l’imagination et de la fabrication fictive, de l’art d’illusion ».
Le reste de l’analyse est à découvrir dans cette première vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=FeuS-E2fu80
Références bibliographiques
Ertzscheid, O (2017) L’appétit des géants. Pouvoir des algorithmes, ambition des plateformes. C&F Editions, Caen.
Naville, P. (Ed.), 1961. L’automation et le travail humain. Rapport d’enquête, CNRS.
Naville, P. (1963) Vers l’Automatisme Social ? Gallimard, Paris.
Simondon, G. (1989) Du mode d’existence des objets techniques. Editions Aubier, Paris. Première édition 1958.
Simondon, G. (1989) L’individuation psychique et collective. Editions Aubier, Paris. Première édition 1964.
Stiegler, B (2015) La société automatique. L’avenir du travail. Fayard, Paris.
Stiegler, B (2014) Digital Studies, organologie des savoirs et technologies de la connaissance. Editions Fyp, Paris.