Économie (politique)

 

Originellement et étymologiquement, l’oikonomia est le gouvernement (nomos) de la maison familiale (oikos) pour son bien commun – un mode de production et d’administration domestique qu’Aristote oppose à l’acquisition du gain, celle-ci étant devenue par un renversement de l’histoire ce qu’aujourd’hui on appelle l’économie.

 

Le divorce de l’homo oeconomicus et de l’homo sociologicus a conduit à la destruction de ce dernier, c’est à dire à la destruction de son milieu d’individuation. L’idée que l’économie est une sphère autonome et l’idée corrélative que le social est hétéronome (soumis à l’économie) sont historiquement récentes et doivent être surmontées. The Great Transformation (1944) annoncée par Polanyi n’a pas eu lieu. Nous vivons toujours dans une économie de marché, gouvernée par les prix et par eux seuls, où tout se mesure, a un prix, non seulement les biens, ce qu’on appelle communément les marchandises, mais aussi le travail, la terre, la monnaie.

 

La faiblesse congénitale de la société du XIXe siècle ne vient pas de ce qu’elle était industrielle, mais de ce qu’elle était une société de marché[1].

 

Il n’est pas besoin de se cacher derrière le mot « crise », pour feindre que le marché n’est pas de part en part politique : le marché a des mains (prothétisées), et elles sont visibles. L’économie est l’affaire de la politique, une économie ne tient que si elle est politique. S’il faut lutter contre la séparation du politique et de l’économique, c’est que l’économie politique n’est précisément pas un espace à côté d’autres espaces (comme on peut mettre une sphère parlementaire à côté d’une sphère financière, ou une sphère publique à côté d’une sphère privée), c’est au contraire ce qui réagence les espaces.

 




[1]
Karl Polanyi La Grande Transformation, Gallimard, 1983, p. 339.