TRAVAIL, EMPLOI ET AUTOMATISATION

Débats au Théâtre Gérard Philipe

31 janvier 2015, de 14h à 18h30

Saint-Denis

avec nos invités :

Paul Jorion, anthropologue

Dominique Méda, sociologue

Samuel Churin, comédien

Evelyne Serverin, juriste

ARGUMENTAIRE

Depuis deux ans environ, de nombreuses études ont fait apparaître une probable mutation du processus d’automatisation. Marx en 1857, Keynes en 1930, Wiener et Friedmann en 1950, Elgozy en 1967 et bien d’autres, dont en particulier André Gorz, anticipèrent l’avènement d’une automatisation accomplie, c’est à dire ne nécessitant plus l’emploi d’êtres humains, et tentèrent d’en concevoir les conséquences possibles et souhaitables.

 

Nous avons repris ce débat en diverses occasions au cours des deux années passées, notamment durant les « Entretiens du nouveau monde industriel » au mois de décembre 2013, à travers la séance « Savoir et industrie » le 1er mars 2014, ainsi qu’à l’Ecole Centrale de Marseille en avril 2014, au cours du festival d’Avignon le 10 juillet 2014, et le 25 novembre dernier avec Politis (http://www.politis.fr/Travail-et-temps-libre-Tous,29284.html).

 

Nous soutenons que cette évolution est une mutation très profonde de l’appareil industriel planétaire, qui requiert une modalité radicalement nouvelle de redistribution des gains de productivité, et qui ouvre l’ère d’un déclin aggravé de l’emploi, mais non du travail – bien au contraire. Reprenant le titre d’un ouvrage de Dominique Méda et Patricia Vendramin, Réinventer le travail, PUF, nous pensons que cette ère du dépérissement de l’emploi doit être aussi et avant tout celle de la réinvention du travail.

 

Nous affirmons que tout comme le logiciel libre a fourni une matrice révolutionnaire en matière d’organisation du travail industriel, basée sur le partage du savoir, et non sur sa destruction par la prolétarisation, le régime des intermittents du spectacle est une matrice qui doit servir de modèle pour une organisation de la redistribution à travers un revenu contributif – ce qui n’est pas un revenu minimum d’existence, lequel répond selon nous à d’autres questions.

 

Un tel point de vue, qui s’est enrichi des travaux d’Antonella Corsani et Maurizio Lazzarato (Antonella Corsani, Maurizio Lazzarato, Intermittents et précaires, Amsterdam), n’emporte pas spontanément l’adhésion : il pose évidemment mille questions – outre qu’il peut être instrumentalisé par les nombreux projets et entreprises de liquidation du droit du travail, et du droit social qui se fonde sur lui, servant ainsi de prétexte à une destruction de droits fondamentaux aujourd’hui fondés sur le salariat.

 

Nous en sommes tout à fait conscients. Mais nous pensons que la seule façon de lutter contre une telle perspective, c’est de constituer une force de proposition puissante et déterminée qui s’impose dans le débat public et auprès des partenaires sociaux par la clarté, la sincérité et la rationalité de ses analyses et engagements.

 

Bernard Stiegler