Médecine et soin à l’époque de la pharmacie industrielle

Enregistrements des interventions de Bernard Stiegler et Philippe Barrier lors des débats à la Colline du 14 mai 2011

 

Si Michel Foucault forgea les premiers traits typiques de sa démarche par une étude de la médecine moderne – démarche qui aura beaucoup inspiré les réflexions d’Ars industrialis en particulier par ses dernières œuvres consacrées au souci de soi et aux techniques de soi – , il ne s’intéressa guère à la pharmacie et à son industrialisation.

Ars Industrialis a fait du caractère “pharmacologique” de la technique en général – de son caractère toujours à la fois curatif et empoisonnant – un élément axiomatique de ses thèses, reprenant en cela un débat ouvert par Platon et réactivé par notamment Derrida (et plus récemment évoqué par Nicholas Carr dans Is internet making us stupid ?).

Lors d’une précédente séance consacrée à la relation de soin, après avoir soutenu il y a deux ans qu’ “économiser signifie prendre soin” (dans un séminaire animéau Collège Intenrational de Philosophies), et après avoir posé en conséquence que la question dite du care constitue en cela un enjeu d’économie politique (et non seulement d’éthique), nous avons posé que la question de notre être soigneux (être soigneux que nous ne sommes que pour autant que nous prenons effectivement soin de notre monde) est constituée par cette situation intrinsèquement pharmaco-logique – c’est à dire telle qu’elle met toujours l’être soigneux face à la duplicité de sa situation.

Cependant, la pharmacologie désigne dans la langue commune la science moderne de la pharmacopée, la pharmacie étant un commerce, et la production pharmaceutique étant devenue une filière de l’industrie chimique. Cette industrialisation de la production des médicaments et des remèdes n’est évidemment estée sans effet sur les pratiques médicales et les pathologies elles-mêmes.

Nous consacrerons notre séance du 14 mai prochain à examiner certaines conséquences de cette industrialisation sur les pratiques de santé – et sur ce que ces conséquences nous apprennent sur notre situation pharmacologoie plus générale au début du XXIè siècle – en accueillant Philippe Barrier, professeur de philosophie, qui a récemment publié La blessure et la force aux Presses Universitaires de France, et Rony Braumann, qui a écrit la post-face de Médiator. Combien de morts ?

 

 

En vue de la préparation de ce débat nous vous recommandons  les lectures suivantes : 

le n°36 de la revue EcoRev de Mars 2011 : "La crise sanitaire , 4ème crise écologique" ,  avec en particulier la reprise d'un texte d'André Gorz tiré de son livre Ecologie et politique, Galilée, 1975 : "Pour une santé démédicalisée" ainsi qu'un article de l'association Formindep (Pour  une formation médicale indépendante, qui luette contre les conflits d'intérêts)  : "L'emprise de l'industrie pharmaceutique"

les recherches de Marc André Gagnon, Professeur à la School of Public Policy and Administration, Carlton University (Canada)   sur les droits de propriété industrielles , en analysant en particulier l'évolution de l'industrie pharmaceutique :

voir le site : http://www.ieim.uqam.ca/spip.php?auteur32

article à paraître dans la revue canadienne Société , éditions Nota Bene : "les droits de propriété intellectuelle sont-ils un écueil pour la modernité industrielle? Le cas  des brevets  dans l'industrie pharmaceutique".

 

 

 

Je n'ai pas lu le livre dont

Je n'ai pas lu le livre dont vous parlez mais la pharmacie industrielle est très évocatrice pour moi d'une quotidienneté que je réprouve au plus haut point. Sans vouloir généraliser à outrance, il est sans doute des composés nécessaires parfois, mais pour le reste, ce n'est que pure cochonnerie , que dis-je, je suis trop gentille , pur poison. La pharmacopée tourne en circuit fermé, elle auto-alimente son propre mouvement sans fin...elle génére elle-même des méfaits qui demanderont d'être soulagés par d'autres molécules, un peu comme des petites poupées russes qui s'emboîtent l'une dans l'autre. C'est une industrie qui empoisonne en toute légalité et qui rackette en toute aussi bonne légalité, c'est du Kafka plein pot et ça tue en ayant l'éthique-tte de la respectabilité !

D'une analyse qui ... transcende :)

Ce soir je reviens d'une "plaidoirie" que j'ai faite chez mes parents concernant le traitement médiatique et politique de la question de la vitesse au volant et du comportement des automobilistes.


Je leur disais notamment que je ne comprenais pas pourquoi on voudrait pratiquement nous faire croire que conduire en suivant les normes actuelles, cela "allaient de soi" et ne demandait pas plus qu'une attention particulière.
Alors qu'il me semble presque évident, pour ceux qui prennent le volant  de manière tres occasionnel comme ceux le prennent dans un contexte professionnel de manière intensive, qu'à défaut d'une remise en question personnel approfondie, une veritable formation d'impose.

Je ne parle pas simplement bien sûr de la formation de base du code et de la conduite qui me parait insuffisante, ou meme de celle qu'on nous propose pour les recuperations de points.
Je parle d'une formation mettant en oeuvre une véritable implication de l'individu, pas beaucoup plus longue ou couteuse que celles existantes (formation premiere ou stage de recuperation);
individu qui ne serait pas réduit à un simple bouc emissaire rongé par la culpabilité (et favorisant souvent le repli sur soi), comme il a tendance a l'etre dans les debats superficiels, binaires et dissociants que l'on nous propose quotidiennement.


J'expliquais aussi qu'il devenait impératif  d'inclure une connaissance de soi dans cette formation, même succinte;
que les conducteurs de véhicules devaient se comporter evidemment comme des individus responsables mais qu'étant egalement des individus avec leurs emotions et soumis à des contraintes d'environnements , on se devait de remettre en perspective ce que cela implique:
que la route demande une adaptation de l'etat d'esprit et du rapport au temps, car frequemment différents de ceux induit par la vie sociale ou professionelle et par conséquent, un choix personnel s'impose.
Je leur disais qu'on devrait mettre en place des jeux de roles ou une plus simplement une video dans laquelle chaque personne peut s'identifier (par exemple montrer sous forme de deux courts metrages, un personnage qui aura tendance a gerer DANS sa voiture les effets secondaires d'une succession de frustrations ou de concentrations soutenues précedant la conduite, et dans le second metrage, cette meme personne qui aura appris à les gerer hors du temps de conduite)
 Je pense que c'est primordial parcque sans sentiment de reconnaissance globale de la personne, de sa situation, sans rapport a l'affect, la personne ne va pas autant mémoriser, s'engager, prendre soin de soi et des autres sur la route surtout a long terme.
 
Lorsque je suis revenu chez moi, j'ai repris ce captivant débat sur la medecine et le soin, j'en etais à la seconde partie que je ne n'avais pas encore commencé avec Mr Philippe Barillet  et je n'ai pas pu m'empecher d'etre amusé et fasciné en decouvrant les similitudes par rapport à mon discours malgré la différence du sujet traité: la notion d' affect qui me paraissait également essentielle, la mise a l'ecart des "premiers concernes", la toxicité à long terme d'une organisation trop rationalisée et de plus en plus decontextualisée etc..
 
Merci a Philippe Barillet qui comme Bernard Stiegler, tout particulièrement pour ce débat, est aussi touchant et enrichissant dans le fond comme dans la forme.