Les “bouteilles à la mer”

Publié par tgrange le 5 Avril, 2010 - 23:52
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 De nature curieuse, rêveuse, naïve et angoissée, imaginons les "néo-prolos" se promenant et existant sur notre terre, nous dirons d’eux qu’ils sont gentils et par moments un peu bêtes, leurs réflexions vont de droite et de gauche et de haut en bas toujours accompagnés de mille sujets leur embrumant l'esprit. Les "néo-prolos" sont très maladroits quand il s'agit de mouvoir leurs pensées, structurer la pensée est souvent pour eux difficile, mais jamais jusqu'à aujourd’hui ils n'ont voulu désespérer de leur "difficile" humanisme comme de l’humanité.
Les "néo-prolos" recherchent la raison du "nous" et du monde, cherchant la bonne lecture des choses ils sont sombre quant à l’avenir de la terre, des enfants, des suricates, des marguerites ; en clair : "ils exagèrent". Les "néo-prolos" se font face et font face avec un semblant de dignité à leur prédétermination, en grande partie autodidacte dans leurs savoir-faire et héritier pour leur savoir-vivre ils aspirent à avoir du savoir-savoir et travaillent à cela. Souvent hélas les opinions qu'ils défendent paraisses obsolètes ou inadéquates aux regards de leurs semblables mais les "néo-prolos" possèdent leur trésor car ils savent encore convoquer l'intuition au sujet de certaines choses, par cela ils sont convaincus que ce temps demande une volonté, une intention, une détermination psycho-sociale particulière, un sens doit-ce trouver puis une direction doit être suivie afin de sortir de cette ambiance quotidienne de concurrences et d'adaptations barbares.
Ce qui paraît fondateur de l'esprit des "néo-prolos" peut s'expliquer par la genèse de leur curiosité, elle provient peut-être d'un positionnement par rapport au ciel, à l'homme, à la mort, au dieu, à l'univers ..., d'un questionnement, mais aussi de la certitude d'être "l'être en relation", d'être comme le "théâtre et agent d'une relation" avec le monde ; les baguettes magiques, les pierres taillées et les grottes décorées, des humains autour d’un feu racontant des histoires aux enfants, le soleil…, tout cela les "néo-prolos" l’aiment, les "néo-prolos" aiment de belles histoires, en quelque sorte ils aiment et ils désirent encore, l'état créateur des "néo-prolos" semble-t-il, est qu'ils se jugent toujours comme imparfait et non fini en leur être, incomplets, en conversion.
Mais depuis quelques années, les "néo-prolos" se connectent à Internet comme tout le monde, enfin, comme ceux ayant d'abord les moyens financiers de ci abonner. Après trois semaines d’installation de la liaison "ADSL" puis devenus de cette façon clients de beaucoup d’énervements, ils s'installent maintenant sur leur canapé et surfent. Au début, c'est marrant, bien qu'ils ne saisissent pas trop le sens, l’usage et la fonction d’Internet, ensuite, après que soient passé l'effet marketing ainsi que la phase d'auto-apprentissage, les "néo-prolos" s'avèrent bien embarrassés : la messagerie, le compte bancaire en ligne, les achats en ligne, les blogs, toutes ces attitudes sollicitées ne les attirent pas trop et ils en font péniblement le tour, ou plutôt le détour. Alors par jeux et par ennuis, comme des papillons, les "néo-prolos" virevoltent de site en site sans buts révélés, suivant l'occasion ils s’informent de nouveau et avec prudence sur les choses auxquelles ils se jugent érudit. Ils constatent de cette façon l'avalanche des enregistrements écrits, audio, vidéo proposés et leurs facilités d'accès et notent une analogie lointaine avec leur culture littéraire à la différence que dans ce cas les actes sur Internet peuvent être bien plus amples et imprévus qu'une simple lecture. Comme fait l'effet d'un verre de grenadine sur la table de la cuisine un jour d'été une nouvelle intention, des nouveaux intérêts de s’informer sur les "ce, ça, ceci et cela" naît en eux comme à dessein d'atteindre une histoire, une genèse des choses, Internet semble assouvir leur soudain besoin de connaissance tout comme de déclencher son désir. De fils en aiguilles, les "néo-prolos" se trouvent embarqués dans une exploration sans fin, ils picorent l’information puis la sélectionnent suivant leurs propres critères, ils choisissent la chose comme ils la pensent et rejettent celle qui les dégoûte, les "néo-prolos" choisissent des choses à leur taille. Alors à leur grande surprise, des termes, des représentations qu’ils avaient eux-mêmes tentées d'imagée s’actualisent à l’écran, se révèlent : d’autres humains l’ont aussi fait en mieux ! Avoir accès à des informations signées par de grands penseurs et autres gens sans y être invités, avec gratuité, facilement, sans qu'aucune sorte de sélection ne les range de côté, sans qu'aucune autorisation ne soit nécessaire pour la consultation de ces archives enchante les "néo-prolos", jamais de leur point de vue ils n’auraient cru envisageable une telle profondeur en la pensée humaine.
Une question les tourmente, pas de soucis, les "néo-prolos" se relient au réseau Internet, s'authentifient, saisissent la question et appuient sur le bouton "Rechercher" puis le charme opère. Dans ce "fouillis-organisé" de textes, d'images et de sons, comme des bouteilles à la mer un nouveau milieu les entoure, des mémoires enfouies se révèlent, leur pensée baigne presque dans un milieu naturel, le fil de leur pensée peut être mis en analogie avec les opérations de la recherche, avec le mouvement disponible, en accord avec le moment, avec l'énergie ainsi que l'espace détenu par les "néo-prolos". Sans aucunes incompatibilités bloquantes, l'échelle des possibilités corporelles des "néo-prolos" sont effacées, seul paraît exister un milieu associé psychique pur où la source du bonheur et du bien-être sont les sensations et les perceptions convoquées par une "virtualité" déclenchant l'information lisible. Cette rapidité, cette facilité et surtout cet imprévu de la recherche et de la lecture ressuscitent chez les "néo-prolos" leur curiosité d’enfant, de cette façon ils apprennent avec étonnement l’instabilité du savoir comme la nécessité de cette instabilité, le tout songent-ils, est peut-être d’apprendre à choisir autant qu'à dé-choisir.
Mais les "néo-prolos" ne possèdent pas l’ensemble des outils essentiels à toute compréhension et doutent de leurs propres facultés de compréhension et de lecture. Comme ils n'ont pas d'autres choix, les "néo-prolos" prennent le système qu'est l’Internet comme modèle en ayant l'anticipation et la souplesse de ci plier, de se changer. Ils essaient de créer des analogies leurs permettant de cibler sur la donnée possédant pour eux-mêmes la bonne intensité, de cette façon ils découvrent une topologie convergente en leur structure interne du moment avec l'information à intégrer et la manière de l'organiser, de la mémoriser. Là, une nouvelle structure façonnée des moments, des sujets saisissants prend forme, cette image semble compatible comme organisatrice pour eux-mêmes, elle semble se refermer, s’équilibrer puis les équilibrer eux-mêmes. Ainsi, ils doivent reformuler, élaguer des pans entiers de leur connaissance explicite et implicite, sollicitant en conséquence le sacrifice d’eux-mêmes et la découverte d'un potentiel capable de les désadapter pour les adapter.
Jamais les "néo-prolos" ne se sont réellement instruits en échange d'aussi peu d'énergie comme de temps mis en jeux. Ils sont comblés, leurs désirs sont eux aussi en mesure d'être partagés par d’autres, enfin ils sont capables d'oser à être. Les "néo-prolos" s’incèrent quelque part, cela crée un extérieur et un intérieur, ils avaient tant besoin de frontière, de finitude, de validation, de rapidité.
Internet est bien un milieu associé fait de mémoires humaines, un ensemble, un foyer, c’est un outil avec/et un instrument merveilleux qu’il ne faut en aucun cas laisser dans une "main invisible".