La réticulation du monde. Simondon penseur des réseaux. Par L. Duhem. Mercredi 30 mai, 18h, séminaire "des territoires"

Publié par amalcor le 27 Mai, 2012 - 20:23
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De : http://www.desterritoires.com/
 


séminaire des territoires
École nationale supérieure des beaux-arts de Paris
Amphithéâtre des Loges
14 rue Bonaparte, Paris 75006

 

Mercredi 30 mai 2012 à 18 heures

La réticulation du monde
Gilbert Simondon penseur des réseaux

Par Ludovic Duhem

L'avènement de l'Internet et plus généralement l'interconnexion des grands ensembles industriels des technologies de l'information et de la communication est une nouvelle phase de la sensibilité humaine. Plus qu'un simple changement dans l'histoire des techniques, il s'agit en effet d'une nouvelle manière de sentir et de faire sentir ce qu'est la relation de l'homme au monde. Pour comprendre ce que sentir et faire sentir signifient dans cette nouvelle phase de la sensibilité, il semble que la notion de "réseau" soit une notion cardinale, voire qu'elle représente le paradigme essentiel à toute compréhension complète du monde. En ce sens, le monde dans lequel nous vivons serait donc un réseau, et plus précisément un réseau de réseaux. Autrement dit, ce que l'on appelle depuis la fin du XXe siècle la "mondialisation" serait moins une internationalisation des échanges (économiques, politiques, artistiques) qu'une réticulation du monde. Or, pour penser une telle réticulation du monde, il serait réducteur et dangereux de la limiter à un franchissement des limites spatiales et temporelles des biens et des personnes, des informations et des images, et donc de la réduire à l'internationalisation des échanges pensés sous le modèle économique ; au contraire, penser la réticulation du monde signifie penser que le monde est toujours une réticulation et qu'il y a donc toujours un réseau pour former un "monde" dans l'histoire de la sensibilité humaine et que ce réseau et toujours un réseau de réseaux, une réticulation du monde lui-même.

La pensée de Gilbert Simondon (1924 - 1989) est à ce titre essentielle et certainement décisive pour notre temps. En élaborant contre toute la tradition substantialiste une philosophie de la genèse ou "individuation" des êtres physiques, biologiques et psychosociaux pour laquelle la relation est ontologiquement et épistémologiquement première (L'individuation à la lumière des notions de forme et d'information (1958), 2005), contre toute la tradition utilitariste une philosophie de l'évolution des techniques qui vise à rétablir l'unité de la culture par la réhabilitation des objets techniques conçus comme "médiation" entre le monde naturel et le monde humain et réticulation des "points-clés" de l'espace et du temps (Du mode d'existence des objets techniques, 1958), contre toute la tradition représentative une philosophie de l'imagination qui s'attache à suivre une vie des images prises dans un cycle qui va de la relation de l'organisme au milieu jusqu'à l'acte d'invention (Imagination et invention (1965), 2008), Simondon fournit des notions et des méthodes pour penser de manière originale et féconde comment s'opère et se structure la réticulation du monde. Cette présentation sera donc à la fois une introduction à la pensée de Simondon via la notion de réseau et une ouverture vers une esthétique réticulaire qui cherche à rencontrer le concret comme une constellation dynamique et ouverte de relations.
 


Ludovic Duhem, né en 1978, est philosophe, chercheur associé à l'Université de Lille3. Il enseigne la philosophie et l'esthétique à l'École Supérieure d'Art et de Design d'Orléans (ESAD) et à l'école de création numérique e-artsup de Lille. Dans le prolongement de la philosophie de Simondon, sur lequel il a écrit sa thèse, Ludovic Duhem cherche à développer une "techno-esthétique" du sensible et de l'art. Il est l'auteur de nombreux articles sur les problématiques fondamentales de l'esthétique (épistémologie de l'esthétique, genèse et sens des images, art et milieu technique, théorie du paysage) ainsi que sur des pratiques artistiques émergentes (art et réseaux sociaux numériques, esthétique du cyborg). En 2013 paraîtra un ouvrage monographique sur Simondon et le problème de l'esthétique.

Depuis 2009, RADO réunit 9 jeunes artistes aux pratiques diverses, de la photographie à la sculpture, en passant par la vidéo et le dessin. Tous partagent un intérêt pour les formes et les conditions d’une pratique collective de l’art, parallèlement à l’activité qui structure leurs recherches personnelles. www.groupe-rado.org

Le groupe est actuellement en résidence à Tulle, à l’invitation de l’association Peuple et culture Corrèze. Adrien Malcor, membre de RADO, ouvrira la séance en présentant ce projet, qui se veut une enquête artistique sur les réseaux techniques forcément singuliers d'un territoire (http://correze.groupe-rado.org/post/9705248862/premieres-hypotheses)

Lien utile: Archives des Entretiens sur la mécanologie de Gilbert Simondon avec Jean Le Moyne (1968), à voir sur le site de l'atelier Simondon de l'ENS: http://atelier-simondon.ens.fr/entretiens-sur-la-mecanologie/