La Bella Principessa.

Publié par eblanchot le 3 Janvier, 2013 - 20:53
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  "Et que voulait savoir le monde au sujet de La Bella Principessa? Combien il valait? Où il était gardé? S'il serait vendu? Combien de fois m'a-t-on demandé : << allez-vous devenir riche?>>

je comprenais la fascination du grand public pour le potentiel financier de la découverte, mais je savais aussi que j'étais le détenteur d'une oeuvre qui n'avait pas de prix, voilà pourquoi j'aurais voulu répondre : << Il vaut tout... et rien. >>

Naturellement, tout le monde voulait mettre un prix sur La Bella Principessa. De mon côté, je ne pouvais m'empêcher de penser - et ce n'était pas la première fois - combien le processus qui consiste à évaluer une oeuvre d'art est fantaisiste. On peut se demander comment un portait qui vaut 19000 dollars un jour en atteint 100 millions le lendemain, la seule différence étant l'attribution. En fait, l'art n'a pas de valeur intrinsèque. Il ne peut pas être consommé, en cas de famine, ni se vendre facilement lors d'une dépression économique. Sa valeur est toujours provisoire, il appartient à un marché capricieux.

Je n'ai jamais acquis d'oeuvres pour leur valeur financière. D'après moi les gens qui achètent de l'art pour spéculer se trompent, l'intérêt du collectionneur, c'est l'amour. On n'a pas besoin de l'art, mais il faut l'aimer afin qu'il remplisse son rôle fondamental : être esthétique, donner un sentiment d'élévation spirituelle, inspirer, et même être décoratif.

Moi-même, j'ai toujours l'impression d'être en lutte avec l'idéologie du marché, pour qui prix élevé signifie grande importance ou beauté. dans le cas de La Bella Principessa, j'ai suivi ce processus en direct. Quand le dessin était encore attribué à un artiste du XIXe siècle, on l'estimait << charmant >> . Quand il fut plus tard découvert que le dessin était d'un italien du XVe siècle, on le trouva << assez beau >>. Maintenant qu'on lui a apposé l'attribution Léonard de Vinci, le dessin est qualifié d' << exquis... extraordinaire... remarquable >>, et bien d'autres supérlatifs encore.

Le détenteur peut voir la beauté, mais la perspective d'une manne financière améliore sans doute sa vision. Van Gogh n'a jamais vendu une toile de son vivant, et beaucoup de grands artistes estimés aujourd'hui à des millions vivaient à peine de leurs gains."

 

Peter SILVERMAN, Catherine WHITNEY

La Princesse Perdue de léonard de Vinci. P. 139/140. editions Télémaque.

 

Meilleurs voeux.