Faut-il craindre la fin de l'écriture manuscrite ? par Jean-Luc Vellay

Publié par abonneau le 8 Juillet, 2014 - 23:27
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Faut-il craindre la fin de l'écriture manuscrite ?

Pour compléter l'article précédent au regard des expérimentations scientifiques qui s'appuient sur l'imagerie, je viens citer ci-dessous un article paru dans la revue La Recherche , qui développe des arguments pour affirmer que l'expérience motrice détermine la mémorisation et facilite la symbolisation; j'ai souhaité le compléter par la lecture de la thèse - qu'il avait supervisée - de Marieke Longcamp,  désormais membre de son équipe.

 

«Le geste de l'écriture joue un grand rôle dans la mémorisation des caractères »

Jean-Luc Velay

 

Changer aussi radicalement la pratique des enfants pourrait avoir des conséquences importantes, notamment sur l'apprentissage de la lecture. Le débat n'est pas nouveau. En Amérique du Nord, on s'est depuis longtemps demandé s'il y avait un intérêt à apprendre deux écritures, cursive et script, et même si apprendre à écrire en cursive - ce qui est le cas en France n'était pas pénalisant pour l'apprentissage de la lecture, car cette écriture est plus éloignée des caractères d'imprimerie. En fait, de nombreuses études montrent que les résultats des enfants en lecture et écriture ne sont pas différents, qu'ils apprennent la cursive ou le script.

 

En revanche, le passage à l'apprentissage au clavier suscite de nombreuses questions. En effet, apprendre à écrire à la main consiste à acquérir une représentation visuelle et sensorimotrice spécifique à chaque lettre. Au clavier, on n'apprend pas à former les lettres, mais à localiser un lieu dans l'espace du clavier. Le mouvement appris dépend de la touche à atteindre mais pas de la forme de la lettre. La représentation sensorimotrice créée par le mouvement dactylographique est donc différente de celle créée par l'écriture manuscrite.

 

Or, le mouvement d'écriture joue un grand rôle dans la représentation et la mémorisation des caractères. Le geste consistant à reproduire une forme identique à celle de la lettre s'imprime dans les zones sensorimotrices du cerveau.

 

Avec Marieke Longcamp, maître de conférences au laboratoire, nous avons montré en 2003 dans une étude en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) que lorsque des adultes regardent des caractères alphabétiques ils réactivent des zones cérébrales impliquées dans l'écriture manuscrite de ces caractères.

Autrement dit, quand ils regardent une lettre, en plus de la mémoire visuelle, ils utilisent la mémoire motrice.

 

Simulation pendant la lecture.

Les mouvements de l'écriture sont « simulés» mentalement pendant la lecture. Cette mise enjeu d'une mémoire sensorimotrice motrice viendrait assister la reconnaissance visuelle.

Pour le vérifier, nous avons, dans une autre étude, fait apprendre des caractères nouveaux à 76 enfants et à 24 adultes ; nous leur avons ensuite demandé de les reconnaître parmi d'autres caractères.

Résultat :
les caractères appris à la main sont mieux et plus durablement reconnus que ceux appris au clavier.
En outre, quand les adultes effectuent cette tâche de  reconnaissance visuelle en IRMf on observe une réactivation des aires sensorimotrices pour les caractères appris à la main, mais pas
pour ceux appris au clavier.

Chez l'enfant comme chez l'adulte, les caractères appris
à la main sont mieux reconnus que ceux appris au clavier

L'identification des lettres est une étape fondamentale de la lecture : si un lecteur est plus lent ou moins efficient dans ce processus élémentaire, il se peut que sa lecture soit moins fluide.
Néanmoins, extrapoler à partir de résultats acquis en  reconnaissance de lettres isolées, qui est loin de la vraie lecture, et affirmer qu'un enfant qui apprendrait à écrire uniquement au clavier aurait des difficultés de lecture serait très spéculatif.

Pour le savoir, il faudrait disposer d'enfants qui n'apprennent
pas à écrire à la main pendant plusieurs années puis mesurer leur compétence en lecture: ce sera semble-t-il possible dans quelques
années aux États-Unis.

 

D'autres conséquences ont été envisagées, en particulier en ce qui concerne l'appauvrissement du contenu sémantique et syntaxique des textes produits au clavier. Enfin, il est possible que l'apprentissage intensif de l'écriture manuscrite, qui est très latéralisée, influence la latéralisation hémisphérique des enfants d'une façon qu'on ne retrouverait pas aussi fortement avec l'écriture dactylographique qui est bimanuelle.

 

Étudions donc précisément les changements cognitifs et cérébraux
induits par la disparition de l'apprentissage de l'écriture
manuscrite avant de modifier profondément et sans doute de façon irréversible des pratiques éducatives aussi fondamentales.

 

84- La Recherche JUIN 2014- N°488

 

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http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/17/20/23/PDF/These_M_Longcamp.pdf

 

Marieke LONGCAMP – Thèse pour obtenir le grade de Docteur de l’Université de la Méditerranée

Discipline : Sciences de la Vie            Spécialité : Neurosciences

Soutenue publiquement le 19 décembre 2003

La Théorie Motrice de la Perception de la Parole (TMPP)

 

La TMPP postule l’intervention d’une information de nature motrice dans la perception du langage parlé. Elle a beaucoup influencé les réflexions sur les interactions perceptivo-motrices.[1]

 

I.C. Interactions perceptivo-motrices et représentations spatiales

Ontogenèse : le dialogue sensorimoteur

Parce que nos organes sensoriels sont portés par notre corps, chacun de nos mouvements va provoquer une modification du flux d’entrée sensorielle. Au cours de l’ontogenèse, ce phénomène sera utilisé pour mettre en correspondance systématique un/des percept(s) avec un/des mouvement(s) et ainsi permettre la mise en place des représentations spatiales (Paillard, 1971; Paillard, 1999).[1]

 

Figure 2. Dispositif expérimental, dans l’expérience de Held et Hein (1963)

Le chaton actif (à droite), attelé à une des branches du manège, entraînait dans ses déplacements le chaton passif, porté dans une nacelle.

L’information visuelle reçue était donc la même pour les deux chatons, mais dans un cas elle variait en fonction de mouvements effectivement réalisés dans l’environnement visuel, tandis que dans l’autre elle était acquise sans mouvement (voir figure 2). Par la suite, alors que le chaton actif avait des réactions visuo-guidées bien coordonnées, le second chaton se comportait dans son environnement comme s’il était aveugle.


Poincaré (1905) écrivait :

« Quand on dit d'autre part que nous “localisons” tel objet en tel point de l'espace, qu'est-ce que cela veut dire ?

Cela signifie simplement que nous nous représentons les mouvements qu'il faut faire pour atteindre cet objet. »[3]

 

La différenciation entre espaces proche et lointain se ferait en partie sur la base de processus moteurs implicites : l’espace proche se caractérise par le fait qu’il est potentiellement accessible, saisissable par le mouvement d’un segment corporel donné, tandis que l’espace lointain est hors de portée.[4]

 

Tous les objets ne sont par représentés de la même manière par le cerveau. En effet, lors de lésions cérébrales, il arrive que les patients deviennent incapables de reconnaître visuellement certaines catégories d’objets.[5]

 

Warrington et McCarthy affinèrent donc leur interprétation : les représentations cérébrales permettant la catégorisation des objets et des concepts se mettraient en place sur la base d’une pondération de l’information provenant des différents canaux sensoriels et moteurs sollicités au cours de l’apprentissage. Chez la patiente décrite, plus qu’une perte de la représentation des objets manipulables, c’était une perte des informations motrices associées qui était explicative des symptômes et de leur spécificité.[6]

 

Un cas particulier d’objets : les formes graphiques

Les lettres font partie de l’espace des objets, et c’est en tous cas ainsi qu’elles seront considérées dans l’ensemble de ce travail.

Toutefois, elles constituent une classe d’objets tout à fait à part. En tout premier lieu, elles se distinguent des autres objets présents dans l’environnement par leur caractère linguistique, en tant qu’unités constituantes des mots.

Ensuite, au niveau de leur conformation visuelle, elles se présentent généralement uniquement sous une forme bidimensionnelle, plane, et leur orientation est un facteur déterminant pour les discriminer les unes des autres : un « d » n’est pas un « p » ou un « b ».

Enfin, le mouvement d’écriture, mouvement qui va permettre de les former, est lui aussi un mouvement très particulier.

Il est donc important, avant d’envisager la possibilité d’interactions perceptivo-motrices dans la perception de l’écrit, de bien caractériser d’une part les traitements visuels que va subir une lettre pour être identifiée, et d’autre part, les processus moteurs qui vont permettre de l’écrire.[7]

 

Les étapes initiales de la reconnaissance des mots écrits

La majorité des auteurs s’accorde cependant pour penser que les mots connus sont représentés en mémoire sous la forme d’un « lexique mental. »[8]

les différents auteurs s’accordent généralement pour désigner la lettre comme l’unité de base du traitement (Adams, 1990, ch. 5 et 6 ; Massaro & Klitzke, 1977; Petit, 2002).[9]

 

II.B. Données sur les aspects moteurs de l’écriture[10]

De Ajuriaguerra (1979) résume parfaitement la singularité de l’écriture en soulignant qu’elle est « à la fois praxie et langage ».

En résumant les connaissances existantes, nous pourrons ainsi mieux cerner quels aspects de ce geste si particulier sont susceptibles d’être impliqués dans d’éventuelles interactions perceptivo-motrices.[11]

Du point de vue moteur, l’écriture comporte à la fois des composantes topocinétiques, qui permettent la gestion des contraintes spatiales dues au déplacement de la main dans l’espace de la feuille, et des composantes morphocinétiques, qui sous-tendent la production de la forme des lettres.

C’est essentiellement l’aspect morphocinétique qui nous importera, puisque c’est cette composante du geste qui est directement reliée à la forme des lettres (bien que la nature exacte de cette relation reste à préciser). Elle implique l’existence d’une représentation motrice des mouvements graphiques.[12]

Les programmes moteurs sont codés à un niveau abstrait, c’est à dire qu’ils sont spécifiés indépendamment des groupes musculaires impliqués.[13]

La comparaison des paramètres spatiaux, temporels ainsi que les caractéristiques de force appliquée vont dans le sens d’une plus grande invariance au niveau spatial, indiquant que les représentations motrices de haut niveau sous-tendant l’écriture seraient de nature spatiale (Teulings & Schomaker, 1993).[14]

 

Une autre manière d’écrire : la dactylographie[15]

III.A. Simulation du mouvement et perception de traces manuscrites

Ces résultats indiquent que les sujets extraient des informations de mouvement à partir de la trace graphique manuscrite en simulant leur propre mouvement.

Nous serions capables de reconnaître des traces graphiques manuscrites parce que nous sommes aussi capables de produire de telles traces. Cette interprétation est aussi en rapport avec la théorie de la simulation (Blakemore & Decety, 2001; Gallese & Goldman, 1998), le système miroir étant la base physiologique postulée sous-tendant l’appariement entre l’observation et l’exécution d’actions.[16]

 

Souvent, quand un lecteur chinois ou japonais se trouve face à un caractère peu fréquent, il trace spontanément dans l'air les traits dans l'ordre approprié (« Ku-sho »), comme moyen mnémotechnique pour en retrouver le sens. Ainsi, l'information relative à l'ordre d'écriture des traits serait codée en mémoire sous forme d’un schème moteur qui ferait partie de la représentation centrale de l’idéogramme.[17]

 

III.C. Effets de l’apprentissage simultané de l’écriture et de la forme visuelle des lettres

Si l’on fait l’hypothèse de l’occurrence d’interactions perceptivo-motrices dans le cas particulier de l’écrit, cela implique une réflexion sur les conditions de la mise en place des représentations centrales des lettres, au cours de l’apprentissage premier de la lecture et de l’écriture.[18]

 

PARTIE EXPÉRIMENTALE

 

L’IRMf constitue une mesure indirecte de l’activité neuronale, ce qui reste l’une de ses plus importantes limitations. Pourquoi est-ce une limitation ? D’abord parce que la réponse hémodynamique met quelques secondes pour arriver à son pic, et environ 20 secondes pour revenir à son niveau initial à partir du moment où la stimulation s’arrête. Ceci limite considérablement la résolution temporelle de l’IRMf. Ensuite parce que la relation exacte entre le signal BOLD et l’activité neuronale n’est pas encore tout à fait déterminée.[19]

Malgré ces limitations dont il faut avoir conscience dans l’interprétation des données, l’IRMf permet de localiser des changements d’activité neurale avec une précision de l’ordre du millimètre.

L’hypothèse qui sous-tend la normalisation est que, en mettant tous les cerveaux dans la même « boite », on va aboutir à faire se superposer les mêmes zones fonctionnelles chez tous les sujets. Pourtant, la variabilité anatomique inter-individuelle est telle que des régions fonctionnellement homologues chez deux sujets donnés ne seront pas forcément localisées au même endroit du cerveau normalisé. A l’inverse, des activations qui sembleront localisées au même endroit du cerveau normalisé ne correspondront pas forcément à des régions fonctionnellement identiques… Ces problèmes, contournés en partie par le lissage spatial des données, conduisent néanmoins à une perte de précision dans la localisation des activations (Brett et al., 2002b).[20]

En haut, vue tridimensionnelle reconstruite à partir de l’anatomie d’un sujet montrant en rouge la région communément activée en perception et en écriture.(logiciel BrainVisa,

http://www.madic.org/download/index.php#brainvisa)

En bas, graphiques représentant les valeurs statistiques (t) obtenues sur le signal moyen dans cette région en fonction du type de stimulus (lettres ou pseudolettres, comparées au stimulus de contrôle). La ligne rouge représente la valeur de t à atteindre pour dépasser le seuil de 0.001 (t = 4.14).

On voit que

lorsque les sujets observent simplement les stimuli, l’activation pour les pseudolettres n’est pas significative.

Ellele devient largement lorsque les sujets écrivent.[21]

Ceci confirme le rôle de la région prémotrice observée en perception dans les mouvements graphiques, que ce soit pour l’écriture de stimuli surappris comme les lettres, ou pour la programmation de la séquence de mouvements nécessaire à reproduire des formes graphiques nouvelles.[22]

 

Ces résultats constituent une évidence forte d’interactions perceptivo-motrices au cours de la perception visuelle de lettres isolées. Étant donnée leur nouveauté, il nous a paru fondamental de les confirmer, en particulier pour écarter définitivement l’hypothèse « phonologique ».

Les représentations motrices de l’écriture sont stockées dans l’hémisphère commandant la main qui écrit, et surtout qui apprend à écrire, et ceci indépendamment des fonctions linguistiques (Siebner et al., 2001; Rijntjes et al., 1999; Herron et al., 1979). Chez les droitiers, elles sont latéralisées à gauche, et chez les gauchers, à droite.

Si nous avions trouvé une activation bilatérale ou à gauche, l’hypothèse linguistique aurait dû être privilégiée.[23]

 

Synthèse[24]

Si, chez les sujets japonais, la reconnaissance visuelle d’idéogrammes est si dépendante de l’écriture, ce n’est pas simplement parce que ces derniers sont complexes.

C’est aussi parce que les mouvements nécessaires à les former sont appris de manière très rigoureuse et répétitive, marquant sans doute fortement leur représentation en mémoire (Naka, 1998).

 

Rappelons que nous nous intéressions à des processus spatiaux, non à des processus linguistiques. Il ne s’agissait pas pour les enfants d’apprendre à lire, mais simplement à reconnaître les lettres.[25]

Les enfants âgés ayant appris à la main reconnaissaient mieux les lettres. Cet avantage s’expliquait toutefois par le fait qu’ils produisaient moins d’erreurs en miroir que les enfants ayant appris au clavier.[26]

Contrairement à toutes les autres études citées, nous avons échelonné l’apprentissage sur trois semaines. Ce fait est important car nous avons ainsi réellement favorisé la création et la mémorisation de programmes moteurs, en plus de l’apprentissage visuel, dans le cas de l’écriture manuscrite.

Si l’on admet que la motricité utilisée pour écrire les caractères au clavier n’était pas informative, et que dans cette situation, les sujets ne se basaient que sur la trace en mémoire de la forme visuelle globale, on peut faire l’hypothèse que cette trace visuelle seule était probablement moins stable que lorsqu’elle était associée à la trace motrice créée par l’acte d’écriture.[27]

 

 

IV. Synthèse

 

 

V. Apprentissage, par des sujets adultes, de formes graphiques inconnues par écriture manuscrite et dactylographie

 
 

L’association police-modalité d’apprentissage a été contre-balancée pour les 6 sujets, de manière à ce qu’une police donnée ne soit pas systématiquement apprise dans la même modalité chez tous les sujets. Par conséquent, la police « tamoul » a été apprise à la main par 2 sujets, la police « bengali » par 2 autres, la police « vakil » par 2 autres et de même pour l’apprentissage par le clavier.[28]

On voit qu’alors que les scores pour les caractères appris à la main sont proches de zéro (pas d’oubli), les scores sont négatifs pour les caractères appris au clavier.[29]

 

3. Discussion

Ces premiers résultats confirment largement ceux obtenus avec de jeunes enfants.

Ce qui est frappant, c’est que l’effet du délai apparaît de la même manière chez des enfants ou des adultes malgré des conditions expérimentales, un matériel et des tests différents. Il conduit à un oubli plus rapide de l’orientation des caractères qui n’ont pas été tracés à la main.[30]

Lorsque le mouvement est pertinent pour discriminer l’objet parmi d’autres physiquement ressemblants, et est systématiquement associé à sa configuration visuelle pendant l’apprentissage, il sera partie intégrante de sa représentation.[31]

 

IV. Evocation automatique, imagerie mentale et exécution réelle des mouvements

 

VI. Autres symboles : les chiffres et les notes de musique

Si vous demandez son âge à un petit enfant, il répondra sans doute « J’ai comme ça ! », en même temps qu’il vous montrera fièrement les doigts de sa main qui correspondent. A des âges si précoces, la notion même de chiffre est confondue avec le nombre de doigts de la main.

Il a par exemple été montré grâce à la TMS que l’entraînement intensif à un instrument modifie la représentation corticale des

muscles impliqués (Pascual-Leone, 2003). En parallèle, des phénomènes plastiques modèlent chez les musiciens les circuits cérébraux qui traitent les sons (Rauschecker, 2003). Encore une fois pourtant, il est surprenant de remarquer que le traitement de la musique est considéré soit du point de vue perceptif, soit du point de vue moteur, mais que très peu d’auteurs ont tenté de tisser des liens entre les deux aspects, malgré l’association évidente entre le geste et le son produit au cours de l’apprentissage.[32]

Les lettres, les chiffres et les notes sont des codes symboliques omniprésents dans notre vie quotidienne. Ils constituent les unités de base sur lesquelles sont fondés trois domaines de la cognition humaine, qui mettent en jeu des traitements extrêmement complexes : le langage écrit, l’arithmétique et la musique. Ce qui est fascinant, c’est que ces trois codes sont naturellement acquis à travers des mouvements, mouvements de natures bien distinctes cependant. (…)On peut d’ailleurs remarquer que la question des nouvelles technologies entraînant une modification du rôle de la motricité dans les apprentissages se pose aussi pour l’arithmétique et la musique (calculatrices, logiciels de dessin, musique électronique…)[33]

 

CONCLUSION :

Notre manière d’écrire influence-t-elle notre manière de lire ?

 

L’ensemble des résultats présentés suggère que les mouvements d’écriture participent à la mémorisation, à la représentation, et à la reconnaissance visuelle des caractères. Nous ne pouvons affirmer toutefois que cela aurait un impact sur la lecture à proprement parler, quand il s’agit de percevoir et reconnaître des mots et non plus des lettres isolées.

Si l’écriture manuscrite enrichit la représentation des caractères et facilite leur reconnaissance chez la majorité des enfants, elle pourrait produire l’effet inverse chez ceux qui, pour des raisons diverses, ont des difficultés à effectuer les mouvements fins et précis qu’elle impose. Dans ce cas, l’usage du clavier, beaucoup plus simple au plan moteur, associé au côté ludique de l’ordinateur, pourrait constituer « un tremplin » pour le passage à l’écriture manuscrite.

En nous affranchissant du concret, en libérant notre mémoire, les nouvelles technologies nous amènent sans doute vers de nouveaux modes de pensée que nous devrons inventer. Seront-ils moins bons, meilleurs ? Seul le temps nous le dira.[34]

 

 




[1]
page 21

[2]p.23

[3]p. 25

[4]p. 27

[5]p. 28

[6]p. 29-30

[7]p. 33

[8]p. 35

[9] p. 37

[10] p. 44

[11] p. 45

[12] p. 46

[13] p. 48

[14] p. 49

[15] p. 58

[16] p. 61 « Ce que j’écris, c’est vous qui l’écrivez ». cf. B. Stiegler « Ce que je dis, c’est vous qui le dites ».

[17] p. 63

[18] p. 67

[19] p. 76

[20] p. 83

[21] p. 92

[22] p. 97

[23] p. 100-101

[24] p. 111

[25] p. 113

[26] p. 128

[27] p. 131

[28] p. 138

[29] p. 142

[30] p. 143

[31] p. 149

[32] p. 158-159

[33] p. 160

[34] p. 161