Organologie

 

Ce terme est dérivé du grec « organon » : outil, appareil. L’« organologie générale » est une méthode d’analyse conjointe de l’histoire et du devenir des organes physiologiques, des organes artificiels et des organisations sociales. Elle décrit une relation transductive entre trois types d’ « organes » : physiologiques, techniques et sociaux. La relation est transductive dans la mesure où la variation d’un terme d’un type engage toujours la variation des termes des deux autres types. Un organe physiologique – y compris le cerveau – n’évolue pas indépendamment des organes techniques et sociaux. L’appareil psychique n’est pas réductible au cerveau, et suppose des organes techniques, des artefacts supports de symbolisation et dont la langue est un cas.

 

La transformation organologique constante connaît de nos jours un bouleversement inédit que nous appelons – en référence à un concept de Bertrand Gille [1] – l’hyper-désajustement. Celui-ci résulte non seulement de l’accélération de l’évolution technologique, mais du modèle néolibéral qui, depuis la « révolution conservatrice », consiste à remplacer les organisations et institutions sociales par des services eux-mêmes technologiques, et totalement soumis à un système économique devenu exclusivement spéculatif. Il y a hyper-désajustement lorsque les organa artificiels formant le système technique court-circuitent à la fois le niveau des organes et appareils psychosomatiques (organes génitaux et cérébraux compris) et le niveau des organismes sociaux. C’est ce qui conduit à ce que nous appelons une prolétarisation généralisée.

 




[1]
Bertrand Gille montre qu’à partir de la révolution industrielle, la dynamique du système technique s’accroît et accélère sa transformation en sorte que la principale fonction des pouvoirs publics devient la régulation du désajustement entre système technique et systèmes sociaux qui en résulte.