Désir

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Désir/Pulsion.

Le désir ne s’oppose pas seulement à la sidération, il s’oppose à la pulsion – ou plus exactement il est ce qui trans-forme la pulsion : ce qui la sublime.
 
La sublimation est le processus constitutif par lequel l'humanité, comme trans-formation des pulsions en désirs, anime l’hominisation comme tendance à l’élévation individuelle qu’Aristote dit noétique (intellectuelle et spirituelle).
 
Les bêtes, pas plus que les dieux, n’ont de désir : elles ont des instincts. Lorsque les instincts sont trans-formables en désir, ce ne sont plus des instincts, mais des pulsions, qui peuvent cependant toujours régresser au stade de ce que l’on nomme la bêtise.
 
Le désir, à commencer par celui de vivre, est ce dont on doit prendre soin, il est la matière première de nos existences et de leurs politiques, il est ce qui fait de nous des êtres non-inhumains. La destruction du désir – par la déliaison des pulsions – conduit à la destruction du désir de vivre lui-même : le genre humain est la seule espèce zoologique capable de suicide (individuel ou collectif). Là est le véritable enjeu de ce qu’analysait Freud dans Malaise dans la civilisation (1929).
 
Si le capitalisme ne fonctionne qu’en produisant de la motivation, il engendre pourtant de nos jours la destruction du désir, celui du consommateur, celui du travailleur. Si le capitalisme industriel est devenu bête, c’est qu’il nourrit nos pulsions en même temps qu’il achève nos désirs. Le capitalisme financier et les médias de masse nuisent à l’investissement, car ils ne s'inscrivent plus dans le désir et le long terme mais dans la pulsion et le court terme. La question centrale de l’économie politique n’est pas celle de la relance de la consommation, mais celle de la relance du désir, tragiquement et suicidairement en panne.
 
La pulsion et le désir s’opposent comme le fini et l’infini. La pulsion, systémiquement installée par le consumérisme, repose sur la possession d’un objet voué à être consommé, c’est à dire consumé, c’est à dire détruit. A l’inverse le désir, aussi bien dans son sujet que dans son objet, est toujours le désir d’une singularité infinie ou inachevée (non-finie). En ce sens, l’infinité du désir est ce qui distingue par exemple la justice du droit, et la promesse du programme.