Bêtise

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Bêtise/Intelligence.
 
 

 

La bêtise n’est pas l’ignorance : elle est ce qui nous rend honteux d’être homme. Ce qui semble nouveau n’est ni la bêtise, ni le thème de la bêtise, mais la bêtise systémique en tant qu’elle est le fruit d’un psychopouvoir (concrétisé comme télécratie), qui a pour effet majeur de détruire des milieux propices au développement de l’esprit et du désir.
 

 

Pour lutter contre la bêtise systémique contemporaine, il faut commencer par se libérer de cette grosse bêtise métaphysique qui consiste à croire que la technique est un moyen au service d’une fin qui ne serait pas technique elle-même.
 

 

L’intelligence n’est pas la connaissance ou la science – et chacun sait qu’il est possible de produire de la bêtise sous caution scientifique. L’intelligence est ce qui nous élève au-dessus de notre propre bêtise, et telle qu’elle est toujours à reconquérir : l’intelligence à une tendance inéluctable à retomber en bêtises. C’est pourquoi Valéry peut écrire après la premier guerre mondiale : « Tant d’horreurs n’auraient pas été possibles sans tant de vertus ».
 

 

L’intelligence est agencement de rétentions et protentions à travers l’attention. La formation de l’attention  est la formation d’un désir d’intelligence, désir d’inter-legere. L’intelligence est ce par quoi peut advenir un milieu qui donne à la « raison » son sens premier de raison de vivre.
 

 

L’intelligence et la bêtise sont technologiquement administrées, et c’est pourquoi il convient au minimum de prêter attention aux dispositifs techniques dans lesquels l’individu vit. Ceci demande déjà de comprendre que ce qui est bête ou intelligent, ce n’est pas tant tel individu ou tel milieu que la relation qui les lie l’un à l’autre.
 

 

Externalité de l’intelligence et intelligence collective. La philosophie contemporaine semble s’accorder sur le caractère originellement artificiel et externe de l’intelligence humaine. Une philosophie externaliste conséquente affirme qu’il n’y a pas d’intériorisation possible sans extériorisation préalable. Nous abordons là un point compliqué, mais pour faire simple, disons qu’il faut tenter de penser ce que signifie véritablement une « co-naissance », soit la co-émergence de l’individu et de son milieu. L’externalité de l’intelligence est une autre manière de dire que l’intelligence individuelle n’existe pas, en ce sens que le psychique est toujours supporté par des conditions socio-techniques, qui sont le milieu dans lequel toute intelligence se déploie.

De la bêtise de définir la bêtise

Je n'ai encore jamais lu une définition de la bêtise qui ne soit pas bête.
Je ne dis pas cela pour dénigrer cette définition en particulier, les plus "grands" esprits s'y sont cassés les dents depuis bien des générations...
L'intelligence a souvent tendance à vouloir définir "sa" bêtise... qui est généralement sa propre anti-thèse... (là encore, ce n'est pas tout à fait le cas de celle que vous proposez)
Ce type de définition peut être commode, utile...
mais n'en est pas moins faux dans la mesure où la bêtise est probablement beaucoup plus protéiforme que l'intelligence...
je veux dire par là que dans une situation donnée il peut y avoir plusieurs manières d'être intelligent, mais des multitudes et des multitudes de manières d'être bête...
L'intelligence a du mal à concevoir la multiplicité des bêtises...
et quand elle le fait, elle s'y abime souvent...
Pourquoi y a-t-il beaucoup plus de formes de bêtises que de formes d'intelligences ?
Par facilité.
L'intelligence demande souvent un effort de compréhension dont la bêtise nous dispense.
Mais pourrait-on dire pour autant que ce qui demande un effort de compréhension est de l'intelligence et que ce qui n'en demande pas est de la bêtise ?
Malheureusement pour la définition de l'une ou de l'autre, ce n'est pas le cas.
Un texte demandant un gros effort de compréhension peut développer un fort coefficient de bêtise...
On pourrait penser que l'intelligence s'oriente vers la construction alors que la bêtise est plutôt de l'ordre de la destruction...
Mais là encore, il est tout aussi difficile de considérer que les gens qui ont conçu et réalisé la bombe atomique n'étaient pas intelligents que de considérer que ceux qui veulent la détruire sont bêtes.
Mais en ce qui concerne votre définition en particulier, je dirais que dans le premier paragraphe, vous donnez, à mon avis, une définition morale de la bêtise (la honte est une question de morale)...
Dans le second paragraphe, un certain "agencement de rétentions et de protentions produisant de l’attention" dans ma personne me fait vous signaler qu'à mon avis, il manque un petit quelque chose dans la phrase : "L’intelligence est d’abord le produit la bêtise qui nous force à penser, à lutter contre elle."
(Petite erreur d'inattention, donc de...
et comme je l'ai signalé plus haut, je me demande parfois si ce n'est pas l'inverse).
Par ailleurs, je pense que l'intelligence individuelle existe... dépendant du contexte, certes, mais bel et bien individuelle.
Dans le troisième paragraphe, je suis d'accord avec votre critique d'une "bêtise systémique" (mais mon état "désublimé" fait que j'ai du mal à m'intéresser à la lutte contre celle-ci).
D'accord également avec le quatrième, l'attention est une chose extrêmement importante.
Dans l'exemple final, même si je suis d'accord pour penser qu'il faut désintoxiquer les humains (dont les enfants) de la télé, je pense néanmoins que vous avez un peu joué sur le mot intelligence.