investissement durable

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L’affaire Forgeart qui a tant frappé les esprits est un exemple, parmi beaucoup d’autres moins visibles, de l’état de délabrement dans lequel est tombé « l’esprit du capitalisme ». L’entreprise Airbus, fleuron de l’industrie européenne, est au bord d’être ruinée par l’incurie qui résulte de la financiarisation imposant ses critères d’investissements non-durables aux entreprises industrielles. On a parlé de « patron voyou », mais le comportement de Noël Forgeart, aujourd’hui poursuivi en justice, est tout à fait conforme aux modes de fonctionnement imposés par la financiarisation du capitalisme dans le monde entier.

 

Ce fonctionnement, auquel sont aujourd’hui soumises la plupart des grandes entreprises  industrielles – quand elles ne sont pas dépecées par les LBO – , est désastreux, et il n’est pas « durable » : il détruit l’industrie, et avec elle, le monde dans lequel nous vivons. Dans un tel contexte, les politiques de développement durable apparaissent de plus en plus constituer des alibis pour dissimuler la situation d’incurie créée par la financiarisation, et pour ne rien y changer. La financiarisation, c’est en effet ce qui, à la différence du capitalisme industriel, consiste par principe à ne s’engager que dans des investissements non-durables.

 

Or, la transformation de la vie par le développement technologique, et en particulier par ce que l’on appelle les « technologies transformationnelles », nécessite plus que jamais que les puissances publiques et privées prennent soin du présent et de l’avenir – et par la mise en place de dispositifs d’investissements durables et strictement réglementés.

 

La question de l’environnement dans lequel nous vivons et dans lequel nous-mêmes et les générations futures vivront est en effet celle de l’investissement sous toutes ses formes, individuel, public et privé. Il faut repenser ces formes pour mettre en œuvre une politique au service de développements à long terme dans un contexte où les microtechnologies numériques, les biotechnologies et les nanotechnologies que l’on appelle désormais transformationnelles, sont appelées à bouleverser les modes de vie et leurs bases physiques, biologiques et sociales à un point jusque alors inconcevable.

 

Le silence des candidats à la présidence de la République sur ces questions est consternant – et en les abordant, nous entendons contribuer à faire émerger un débat autour de ce qui devrait devenir une politique européenne des investissements durables, sur un continent qui est encore le plus riche du monde, formant le plus vaste marché du monde, et attirant les investisseurs de tous les autres continents.

Au cours de cette séance, et dans le sillage des questions liées à l’investissement durable, nous rendrons également publique une étrange affaire au cours de laquelle Claude Perdriel, PDG du Nouvel Observateur, a décidé d’interrompre la parution d’un numéro spécial qu’il avait commandé à plus d’une vingtaine de contributeurs, et pour lequel il a décidé, alors que ce numéro était entièrement composé, et allait partir sous presse, d’annuler la parution. Ce numéro avait pour titre Les paradoxes du capitalisme. Il a été dit aux auteurs qu’il ne respectait pas « la charte social-démocrate » du Nouvel Observateur.
Cette décision de non-parution est un acte de censure que nous entendons faire connaître, et contre lequel nous souhaitons mobiliser l’opinion publique, car il consiste précisément à rendre impossible le débat autour de l’incurie du capitalisme financier et de la possibilité de mettre en place une politique européenne d’investissements industriels durables.

De plus et surtout, il procède du même cynisme et de la même vulgarité, mais dans la presse écrite, que ce qu’exprimait récemment Patrick Le Lay à propos de la télévision. Claude Perdriel écrivait en effet dans Stratégies, le 12 décembre 2004 (cité par Eric Hazan dans LQR. La propagande du quotidien, éditions Raisons d’Agir, février 2006) :

"Si je crois à la qualité de l’information d’un journal, je crois et j’accepte plus facilement les pages de publicité que je lis. De plus, comme les articles sont plutôt longs chez nous, le temps d’exposition à la page de publicité est plus grand."

 

Afin d’ouvrir une discussion avec les membres d’Ars Industrialis sur le sens de tels propos et plus généralement de cette affaire de censure, et ce, en présence de certains des auteurs  du numéro censuré, nous avons invité Eric Hazan à venir nous parler de son livre, LQR. La propagande du quotidien.

Cette invitation nous a parue est d’autant opportune que depuis le mois d’octobre, dans le séminaire que nous tenons au Collège International de Philosophie, Trouver de nouvelles  armes. Pour une polémologie de l’esprit, nous traitons de la question du devenir des idiomes dans le contexte des technologies de l’esprit et des hypomnémata de l’âge industriel. Or, ce cycle a commencé par une référence au livre de Victor Klemperer, LTI, la langue du troisième Reich, qui est aussi la  référence initiale d’Eric Hazan.
Chacun sait qu’aujourd’hui, le système de la presse, qui fut la condition de la démocratie moderne, est entré en mutation très profonde. Notre débat du 16 décembre amorcera une réflexion sur cette mutation, et il se poursuivra en janvier par une séance qui, dans le contexte de l’actuelle campagne électorale, portera sur la question de la démocratie participative.

 

Enregistrements des interventions :

 

 

- Investissement durable :

16 decembre 2006 - Bernard Stiegler - Mp3

16 decembre 2006 - Jean Luc Gréau - Mp3

16 decembre 2006 - Questions de la salle : Mp3