Bifurcation de la blockchain ? Phénoménologie de la disruption ? ou le paradoxe de l'entendement qui réclame la raison.

Publié par abonneau le 3 Juillet, 2016 - 23:35
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SOMMAIRE

 

1- Résumons les faits lien

a) Le point de vue de Slock.it, Ethereum et de la communauté de la DAO lien

b) Le point de vue des parlementaires et de spécialistes lien

c) AirBnB or not AirBnB ? version calife à la place du … et opportunité lien

d) Les effets lien

e) Alors, que s'est-il passé ? lien

f) Une solution technique ? lien

2- La conjoncture et les États lien

a) Dans le rapport de conjoncture présenté “Fintech 2020 : reprendre l’initiativelien

b) La position du gouvernement français lien

c) La position du Royaume-Uni lien

d) La position de l'opérateur boursier Euronext lien

e) Le Honduras utilise la technologie blockchain pour son cadastre lien

f) L'Estonie lien

g) L'ONU : la confiance vectorisée lien

h) Le Delaware lien

3- LES MODES DE GOUVERNANCE – LE DROIT lien

a) Le point de vue des développeurs lien

b) Point de vue juridique lien

c) La question du devenir du droit (public et privé) se pose de façon imminente lien

d) De fait, réapparaissent les questions de la gouvernance préalable lien

e) Les visées stratégiques lien

4- LE PARADOXE DE L'ENTENDEMENT lien

a) Les questions à propos de l'algorithmie lien

b) L'homme est exclu du processus lien

c) L'homme est exclu … dès lors que les développeurs ont réalisé le code… lien

d) Ensuite se pose la question de l'anonymat lien

e) La déterritorialisation du système, disruption sociétale lien

f) Le concept de maîtrise totale et la réalité de l'art lien

CONCLUSION lien

Annexe lien

Je viens tenter de partager aujourd'hui – le fait mérite d'être relevé – un événement qui mériterait une pause dans l'accélérationnisme 1 en cours : alors que le solstice invite généralement à l'assoupissement estival des rancœurs populaires, favorisant l'instauration de divers paradigmes sociétaux durant cet état cyclique de semi-conscience “enfin” soumise, la question se pose violemment d'interpréter le cataclysme du 17 juin 2016 : s'agit-il d'une phénoménologie de la disruption en cours (témoignant d'une lutte à mort entre organismes rivaux sur le dos ou les épaules de toutes et tous) ou ce geste peut-il engendrer, malgré ou au-delà de lui, une bifurcation salutaire dans la disruption espérée par d'autres, et qui pourrait apporter un soupçon de néguentropie 2.

Je tenterai à partir de cet événement d'élargir le propos aux contextes industriels, sanitaires et de sécurité, sociétaux et individuels, mais aussi d'y introduire le concept de confiance, afin de contribuer à informer sur cette technologie de rupture et d'alimenter un débat tant urgent qu'incontournable sociétalement à l'approche des présidentielles 3.

https://blockchainfrance.net/decouvrir-la-blockchain/c-est-quoi-la-blockchain/

1- Résumons les faits haut

 

a) Le point de vue de Slock.it, Ethereum et de la communauté de la DAO lien

« Le 16 mai 2016 restera probablement comme une date importante dans le développement de la blockchain. En dépassant les 120 millions de dollars levés en près de quatre semaines, « The DAO » 4 est devenue ce jour-là la plus grande campagne de crowdfunding de tous les temps. Le projet avait été lancé par une communauté organisée notamment autour de la start-up blockchain Slock.it. » peut-on lire sur le site du think tank https://blockchainfrance.net/tag/dao/ en date du 12 mai.

Cet écrit presque prophétique annonçait le baptême de la toute nouvelle blockchain par une communauté d'inconditionnels de l'algorithmie : « Pour financer son projet, un spécialiste français d’Ethereum [Stephan Tual] a créé un outil de collecte de fonds sur la blockchain qui a dépassé ses attentes. » 5

Le travail préparatoire a été conséquent ; la protention collective est disruptive et politique :

« Je participe au projet Ethereum depuis le début, il y a deux ans et demi. Je me suis rapidement demandé quelle était la "killer app" d'Ethereum et de la blockchain et j'en suis arrivé à la conclusion qu'il s'agit de l'Internet des Objets. L'idée m'est donc venue de créer un réseau dédié aux objets connectés sur la blockchain pour réaliser des économies d'échelle. »

« Cela pourrait créer une nouvelle économie avec un système complètement décentralisé. »

Le principe est de financer par une DAO (soutien participatif d'une “Decentralized Autonomous Organization) des projets liés à la blockchain et l'IoT (Internet of Things) « Les internautes achètent des tokens qui leur donnent des droits de vote au sein de la DAO » en y ayant un intéressement légal : « La DAO ne prend pas de part au capital de la société qu'elle finance. Mais les revenus issus des projets financés seront partagés proportionnellement à l'investissement d'origine sous forme d'Ether aux membres de la DAO. » 6

« La fonction de The DAO est triple : évaluer des projets qui lui sont soumis ; décider collectivement avec les détenteurs de jetons de la DAO de financer ou non ces projets ; distribuer les risques et récompenses qui y sont relatifs. The DAO se place à la croisée du crowdfunding, du fond d’investissement et de la fondation. » 7

• L'automatisme doit remplacer la confiance en l'algorithmisant :

« « Le but de “ The DAO ” est d’être une expérience avant tout. C’est […] une application concrète de la situation de “ trustlessness ”, cet environnement où la confiance n’est pas nécessaire, créée par la blockchain » explique Stephan Tual. The DAO fonctionne avec la blockchain Ethereum. » 8

Le concept est égalitaire (énoncé comme horizontal) et espère la transindividuation… lucrative :

« Mais nous voulions le faire financer par ceux qui s'y intéressent, tout en les récompensant pour leur soutien... Nous avons donc eu l'idée de créer une DAO, une organisation totalement décentralisée sur la blockchain et avec laquelle personne n'aurait plus d'avantages que d'autres. »

• Il repose sur un code éthique : « Values : We, as a DAO, ascribe to the following values : Transparency, Democracy, Decentralization, Voluntary participation, Non-exclusion, Privacy and the right to anonymity, Non-aggression. »9

Le projet est présenté aux parlementaires : « Ce ne serait pas légal aujourd'hui qu'une DAO entre potentiellement au capital d'une start-up. J'en ai d'ailleurs parlé dans un groupe de travail à l'Assemblée nationale. Il ne faut absolument pas rater le coche de la blockchainisation et encourager dès maintenant le développement de projets en France. » 10 dit Stephan Tual

 

b) Le point de vue des parlementaires et de spécialistes lien

« Il est fort probable que le protocole blockchain, et plus globalement les technologies de consensus décentralisés, provoquent, dans les mois et les années qui viennent, un véritable bouleversement de l’Internet. Il trouve une multitude d’applications dès lors qu’il s’agit d’enregistrer et de certifier une transaction, un échange ou une identification. Deux qualités de ce protocole lui confèrent son caractère exponentiel : d’une part il est extrêmement générique et neutre ; d’autre part il est perçu comme parfaitement scalable, c’est à dire fondée sur des bases de coûts principalement fixes permettant une montée en charge et une croissance des volumes d’activités rapide et économiquement viable. L’argument principal du protocole blockchain est de réduire de manière significative les coûts de transactions entre agents économiques en leur permettant de s’affranchir des tiers de confiance. 

Si la promesse de la blockchain se réalise, c’est à dire d’être le “TCP/IP de la confiance”, alors le “phénomène blockchain”va bousculer des pans entiers de l’économie mondiale, comme l’on fait l’Internet et le web au cours de 40 et 20 dernières années.» 11

La blockchain a fait l'objet d'un Colloque à l'Assemblée Nationale le 24 mars dernier, 12 dont voici de rapides extraits :

• Un outil révolutionnaire, incontournable donc à encadrer

« • Henri D’Agrain, Directeur Général du Centre des Hautes Etudes du Cyberespace (l'animateur du débat) a insisté sur le caractère révolutionnaire de la blockchain et sur la nécessité de créer un cadre législatif en France pour éviter la fuite des entrepreneurs vers l’étranger. […] Le phénomène blockchain vient donc entre autres de l’espoir de changer le rapport à la confiance, désormais porté par des algorithmes. […]

Jacques Favier (association le Cercle du Coin) a souligné que l’outil remet profondément en cause le droit de propriété de l’Etat sur la monnaie, élément constitutif de l’humanité, qui a pour l’instant cours légal et forcé.

Maître Thibault Verbiest, qui a coécrit un ouvrage à paraître dédié à la régulation de la blockchain, signale qu’en Droit, la confiance n’existe pas et qu’elle est au mieux une tautologie !13 La confiance via la blockchain doit alors reposer sur une sécurité juridique à mettre en place. Il a également abordé l’épineux problème de la valeur juridique d’une signature électronique lorsque l’on ne peut en identifier les parties.

• Des parlementaires prudents car peu “au fait” de la blockchain :

En conclusion [deset 2° parties] , Laure de la Raudière, députée d’Eure-et-Loir, a déclaré que « l’arrivée de la blockchain annonce donc une modification en profondeur de l’économie, beaucoup trop rapide pour les politiques dont le rôle est d’assurer la transition pour le citoyen » et Luc Belot - député du Maine-et-Loire et rapporteur du projet de loi “République numérique” - que « les parlementaires sont pour l’instant peu au fait de la blockchain ; le projet politique de Bitcoin est également disruptif. »

• La mise en garde de sécurité du Directeur de Recherche de l'INRIA (Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique) :

Au cours de la 3° partie, Daniel Augot, « souligne les incertitudes quant à la solidité ou pérennité de tout système cryptographique. »

Un tour d'horizon proposé par Primavera de Filipi, chercheuse à Harvard  :

 les Organisations Autonomes Décentralisées (DAO) existent déjà, tel le Bitcoin, tout comme les marchés prédictifs

– leurs règles sont définies par leur technologie sous-jacente

– leur force réside dans leur caractère infalsifiable

– leur faiblesse se trouve dans l’absence de responsabilité des différents participants au réseau

– le problème d’identification des individus rend donc la régulation de la technologie très difficile, mais il est impossible pour les Etats de stopper la blockchain.

 

c) AirBnB or not AirBnB ? version calife à la place du … et opportunité lien

Stephan Tual pose la DAO comme une alternative à la disruption de grands groupes comme AirBnB.« [La commission prélevée ] serait de l'ordre de 1% de la transaction, contre environ 20% pour AirBnB. Et Slock.it ne prendra même pas de commission. Nous voulons faire de l'ombre à AirBnB, donc miser gros en marketing» 14

D'après Wikipedia, si AirBnB, a réussi à capitaliser en 8 ans 25 M$ et réaliser un chiffre d'affaires de 900 M$, cela génère une opposition importante des États, notamment aux Etats-Unis, en Allemagne, en Espagne, au Québec et récemment en France, où l'Assemblée Nationale modifie le projet de loi pour une République numérique pour rendre pénalement responsable « toute personne louant son bien sur une plateforme telle qu'Airbnb sans avoir l'autorisation écrite de son propriétaire ». 15

 

d) Les effets lien

• grand succès immédiat : « Les financements se sont envolés à 150 millions de dollars en deux semaines, depuis 19 000 adresses Ethereum. Les internautes ont encore jusqu'au 28 mai pour y investir. » 16

• … et grande chute : « Mise à jour : le 17 juin 2016, The DAO a été victime d’une attaque de grande ampleur (un hacker a profité d’une faille dans le code) qui a conduit à l’arrêt de son développement. The DAO a donc été une (courte) expérimentation ayant mis en lumière les défis qui restent à résoudre pour que ce type d’organisation puisse prospérer » 17

 

e) Alors, que s'est-il passé ? lien

Le constat

« Ethereum est un nouveau type de plate-forme virtuelle informatique. Sa caractéristique la plus sensationnelle est sa capacité à créer des accords financiers qui peuvent être exécutés entièrement par le logiciel, sans l'intervention de tribunaux ni d'autres médiateurs humains. Elle a, à son tour, rendu possibles des organisations virtuelles qui n'existent que sur internet. L'une d'elles, appelée le DAO, a recueilli plus de 150 millions de dollars en monnaie virtuelle pour financer la poursuite des travaux à partir de technologies fondées sur Ethereum.» 18

« La plus visible DAO sur le réseau Ethereum, qui a levé des fonds à hauteur de 160 M$ en valeur de la crypto-monnaie éther, a vu ces fonds dispersés sur plusieurs comptes différents.

Ce qui complique les choses, c'est que les propriétaires de certains de ces comptes sont, à l'heure actuelle, inconnus. » 19

« A cause d'un bug sur The DAO - un logiciel lié à une blockchain - un individu a détourné, mi-juin, l'équivalent de 50 milliards de dollars. L'affaire rappelle que l'écriture d'un logiciel, quel que soit l'environnement, présente un risque d'erreur. La chaîne de blocs en elle-même reste sûre. » 20

Les causes

« Le bug n'était pas dans la chaîne de blocs Ethereum, ni même dans un autre élément d'infrastructure comme le compilateur Solidity. Il était uniquement dans un contrat (un programme stocké dans la chaîne.

Le voleur n'a pas réussi à récupérer les fonds soustraits à The DAO et il n'est pas sûr qu'il y arrive jamais. On est loin du casse du siècle. La transparence de la chaîne de blocs, qui crée bien des vulnérabilités, fournit également les moyens d'empêcher le voleur de jouir du fruit de son forfait.

L'attaque n'a rien à voir avec les problèmes de Mt. Gox 21, souvent cités par des journalistes paresseux (« crypto-monnaie? Citons Mt. Gox ! »). Il ne s'agit pas du piratage (ou de la malhonnêteté) d'un site centralisé particulier, mais d'une faille d'un contrat, un concept spécifique à Ethereum et qui n'a donc pas de vrai équivalent jusqu'à présent.

Mais cela ne veut pas dire que ce bug est juste un détail sans importance et qu'on peut passer. Il s'agit d'une crise grave, dont il faudra tirer les leçons. D'abord, sur l'aspect technique (mais je parle des questions financières, légales et de gouvernance par la suite).» 22

 

f) Une solution technique ? lien

• « Dans un message non authentifié 23, un individu se présentant comme l'attaquant prétend ainsi que, le code du contrat étant sa loi, par définition, toute opération faite avec le contrat The DAO est légale, y compris son vol. Il est bien sûr de mauvaise foi, mais on peut noter qu'il n'est pas possible de lui opposer une spécification précise de ce que le contrat était censé faire. »

 

Des précisions techniques de l'analyse informatique sont proposées par Stéphane Bortzmeyer :

« Autre leçon technique, un rappel que la complexité est l'ennemie de la sécurité. Le code de The DAO comprenait de nombreuses fonctions (comme celle permettant de retirer ses fonds, à l'origine de la bogue), ce qui augmentait la probabilité d'avoir une bogue. J'ai toujours expliqué que le terme de smart contract était dangereux car il encourageait les programmeurs à faire du code compliqué, alors qu'un bon contrat est au contraire trivial à lire et à analyser. Un programmeur de contrat ne devrait pas être admiré pour ses hacks astucieux mais au contraire pour sa capacité à faire du code ennuyeux et évident. (Je pensais à la validation d'un contrat par ses utilisateurs, mais ce raisonnement s'applique également à la sécurité.) » 24

Il déplie les arguments ainsi (extraits) :

« Les contrats (le terme marketing est smart contracts) sont des programmes informatiques : dans le cas le plus courant, ils sont écrits par un programmeur dans un langage « de haut niveau » puis compilé dans le langage machine d'Ethereum.

Le contrat, comme son nom l'indique, est censé faire quelque chose. Imaginons par exemple un serveur de clés PGP dans la chaîne de blocs : il est censé recevoir des clés, les stocker, et les restituer à la demande. Les gens qui stockent des clés paient (en ethers) pour cela. Il est légitime de se demander « est-ce que ce programme va bien faire ce qui est prévu, ou bien va-t-il soudainement détruire toutes les clés, et j'aurais alors dépensé mes ethers pour rien ? » C'est d'autant plus critique qu'il existe des contrats qui brassent des sommes d'argent importantes. Les utilisateurs se fient typiquement à la documentation publique de ce contrat, alors qu'on ne peut pas être sûr qu'elle corresponde au contrat réel (soit par suite d'une erreur, soit par suite d'une volonté délibérée) » 25

«  Si suffisamment de gens compétents le lisent, le contrat est vérifié, on peut lui faire confiance. Mais c'est très insuffisant. Déjà, analyser un code source complexe peut être difficile. Il est clair que la disponibilité du code source est un pré-requis : s'il n'est pas public, il ne faut jamais envoyer de l'argent à ce contrat.

Seulement, ça ne suffit pas : ce qui est stocké et exécuté sur la blockchain, c'est du langage machine d'Ethereum (à peu près du même niveau d'abstraction que le langage des processeurs matériels). Ça, c'est vraiment dur à valider. » 26

 

Ces fondamentaux – qui sembleraient naïvement devoir être des “a priori” évidents étaient déjà pointés par Primavera de Filipi.

Il poursuit avec une résignation funeste :

« Quittons ce détour technique et revenons à la question de fond, la vérification.»

Il évoque des “ contrats triviaux où des portes dérobées peuvent s'activer ” puis conclut :

« […] Si le binaire correspond, on est rassuré, s'il ne correspond pas, on n'est pas plus avancé. Et le problème devient plus compliqué avec le temps (certains contrats peuvent être éternels) : comment on retrouve le compilateur utilisé deux ans après ? Il faudrait que le code soit étiqueté avec la version du compilateur, ce qui n'est pas le cas, et qu'on dispose d'une copie de cet ancien compilateur.

Bref, il n'y a pas de solution parfaite aujourd'hui. Lorsque vous mettez de l'argent dans un contrat sérieux, vous avez forcément une incertitude. »

 

* * * * *

2- La conjoncture et les États haut

 

a) Dans le rapport de conjoncture présenté Fintech 2020 : reprendre l’initiative lien

« Intrinsèquement, la FinTech peut être définie comme l'ensemble des acteurs offrant des services financiers par le moyen des nouvelles technologies et du digital. Néanmoins, il n'existe pas une FinTech, mais des FinTechs, et ce, parce qu'elles couvrent plusieurs métiers.

Récemment, l'innovation technologique s'est étendue à tous les métiers de la banque et de la finance : financement participatif, agrégateurs de comptes bancaires, cagnottes en ligne, robot-conseillers, affacturage, plateformes de gestion de portefeuille, credit scoring (l'évaluation du risque de défaillance crédit via un score statistique grâce au Big data), etc. La rencontre de ces acteurs, FinTech et institutions financières, donnera naissance à d'importantes disruptions ; c'est aujourd'hui toute l'aura que le public accorde aux acteurs FinTech.» 27

b) La position du gouvernement français lien

(le ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique Emmanuel Macron)

« Le ministère dit être “conscient de l’importance du potentiel de disruption qu’ouvre l’utilisation de la blockchain”. Fort de ce constat, plusieurs possibilités de terrains d’expérimentations ont été étudiées, en particulier dans le secteur financier.

Mais ce secteur est aujourd’hui contraint par un certain nombre de règles, européennes et françaises, qui empêchent d’utiliser la blockchain « en situation réelle, c’est-à-dire avec des vrais clients, pas seulement en bêta test au sein d’une institution financière ».

Parmi ces freins à l’expérimentation sont ainsi évoqués l’actuelle obligation de passer par un dépositaire central pour les titres cotés, ou encore celle de passer par un teneur de compte conservateur (TCC) quand le titre est coté ou a fait l’objet d’une offre au public. »

« La loi Macron a ouvert la voie à une modification du régime juridique de ces bons [de caisse] pour encourager leur intermédiation par les plateformes de financement participatif. »

Toujours selon la lecture de Blockchain France :

« il s’agit pour le gouvernement d’avancer sur le terrain de la dématérialisation de cet outil de financement, et d’en faciliter la standardisation par l’émergence d’un registre commun qui en permettra le déploiement sur les plateformes de financement participatif. Avec en ligne de mire un financement plus souple des PME. » 28

Selon Le Figaro du 25 mars : « Le 29 mars, lors des Assises du financement participatif, Emmanuel Macron va annoncer l'adaptation de la législation encadrant le monde de la finance afin d'autoriser progressivement l'introduction de la technologie qui va faire frémir tous les banquiers et financiers de la planète: la blockchain. Prudemment, cela commencera par l'expérimentation d'une blockchain dédiée aux bons de caisse… »

La Loi sur la Confiance dans la République Numérique (LCEN) adoptée par la Commission Mixte Paritaire le 30 juin 2016 (avant que le texte ne passe une dernière fois devant chaque assemblée) ne mentionne pas le terme de “blockchain”, ce qui dénote, pour un texte pratiquement prêt à entrer en vigueur, son manque d'anticipation de la disruption que s'apprêtent à généraliser des puissances privées mais aussi publiques dans les prochains mois. 29

L'article L. 311-3-1 prévoit certes une transparence algorithmique entre l'Administration et le contribuable 30 et l'article L. 111-7 prévoit la possibilité de « mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service » pour laquelle l' « opérateur de plateforme en ligne […] est tenu de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente » .

Mais dans le cas de la blockchain, le principe même de l'anonymat des acteurs vient rendre obsolète cette législation avant même sa publication au Journal Officiel, dès lors que toute réclamation sur la « loyauté » est caduque systémiquement, étant figée par un automatisme. Le piratage décrit au chapitre 1 en est l'illustration pourtant notoire, qui de surcroît a précédé l'élaboration de la LCEN.

C'est pour éviter ces effets toxiques que Henri d'Agrain avait proposé trois mesures :

« • Donner une valeur juridique à une transaction, quelle qu’en soit la nature, sur une blockchain dès lors que le service de transaction permet d’identifier les parties de la transaction.

Créer un guichet juridique, comme il existe un guichet de financement à la BPI, permettant à un innovateur de présenter son projet.

Créer une autorité de régulation, sur le modèle de l’ARCEP, dont le mandat consisterait à créer les condition favorables à l’émergence d’une économie de la blockchain en France. » 31

c) La position du Royaume-Uni lien

https://www.digitalcatapultcentre.org.uk/digital-catapult-predicts-top-data-trends-for-2016/

« Bien qu’encore essentiellement expérimentale, la nature profondément décentralisée de la blockchain est porteuse de nombreux espoirs pour le développement et la commercialisation de nouvelles offres de services. Matt Hancock (ministre du Cabinet Office) et Ed Vaizey (secrétaire d’état en charge de la culture et de l’économie numérique) ont ainsi clairement établi un rapprochement avec l’Open Data en termes de potentiel disruptif pour les entreprises et les services publics.

Sir Mark Walport souligne les avantages de la blockchain en matière de transparence (n’importe quel usager a accès aux données), sécurité (un tel réseau est de fait beaucoup plus difficile à pirater puisque toute donnée validée est impossible à modifier) mais aussi d’amélioration des services proposés aux citoyens qui pourraient être davantage personnalisés et efficaces. La réduction des coûts que pourrait permettre cette technologie est également soulignée. » 32

d) La position de l'opérateur boursier Euronext lien

Le 22 juin, il annonce vouloir « mettre la technologie « blockchain » au service des PME par le biais d'une société créée en partenariat avec six institutions financières : BNP Paribas Securities Services, la Caisse des Dépôts, Euroclear, Euronext, S2iEM et Société Générale, avec le soutien de Paris Europlace, se donnent six mois pour créer cette société, avec son budget et ses équipes propres.

Elle s'appuierait sur la technologie « blockchain » pour faciliter les opérations post-marché dans le financement des petites et moyennes entreprises (PME).

Il s'agit de « simplifier la chaîne de traitement et de réduire les coûts et les risques de contre-partie », le délai de règlement-livraison (conclusion de la transaction, NDLR) pouvant par exemple passer de deux jours à zéro grâce à cette technologie, précise Anthony Attia, PDG d'Euronext Paris. La société pourrait s'ouvrir à d'autres partenaires internationaux. » 33

 

e) Le Honduras utilise la technologie blockchain pour son cadastre lien

« Le Honduras est l’un des pays pauvres qui est aux prises avec des fraudes liées aux transferts de titres de propriété. En effet, plus de la moitié de ses terres ne sont pas enregistrées officiellement dans la base de données du pays et celle-ci a déjà été la cible de plusieurs piratages informatiques.

Pour remédier à ce problème, le gouvernement du Honduras fait affaires avec Factom Inc, une start-up du Texas, pour développement d’un registre foncier sécuritaire et transparent qui est soutenu par la technologie du Bitcoin.

En enregistrant la propriété des terrains sur le Blockchain, le pays sera donc en mesure de garantir à 100% la propriété d’un terrain à un habitant et par le fait même sécuriser l’hypothèque qui y est agencée. » 34

f) L'Estonie lien

« Faire valoir devant le tribunal un contrat commercial noué sur la blockchain ne relève plus de la science-fiction. En octobre dernier, l'Estonie a annoncé un partenariat entre son programme "e-residency" - qui permet aux non-résidents d'acquérir une nationalité numérique et de devenir e-résident estonien - et Bitnation, plateforme collaborative ayant lancé une nation virtuelle basée sur la blockchain. Désormais, les internautes peuvent utiliser les services de notariat (baptisés "Public Notary") de Bitnation pour signer des contrats de mariage, des certificats de naissance ou des contrats commerciaux en s'authentifiant grâce à leur identité d'e-résident.

"Les services de la blockchain n'ont une vraie valeur que si l'identité des auteurs qui ont inscrit quelque chose sur les maillons est authentifiée » 35

g) L'ONU : la confiance vectorisée lien

La question de la « loyauté » évoquée plus haut dans la LCEN française n'est pas sans rapport avec la réflexion de l'Organisation des Nations Unies qui se préoccupe, dans une visée prospective sociétale, de la qualité de la « confiance » lors de la relation commerciale :

« Normalement, la confiance interpersonnelle est construite par le biais de contacts personnels, et en l'absence d'une telle relation, elle peut être faible. Si toutefois la nécessité est supprimée de construire des relations personnelles étroites avant de faire confiance à quelqu'un, il peut être possible de prolonger une forme même impersonnelle de confiance envers ceux que l'on ne connaît pas.

Dans de nombreuses sociétés modernes cela arrive déjà largement, du fait de l'usage de systèmes centralisés d'autorité et de contrats légaux formels qui éliminent le besoin des individus de se connaître les uns les autres personnellement avant de s'engager dans des relations. Vous ne pouvez pas connaître le commerçant, ou la qualité de ses produits, mais vous avez une sorte de confiance distante en les lois de protection des consommateurs.

Une médiation de confiance en les institutions se trouve être le garant de la relation autrement sans confiance entre vous et le commerçant. » 36

h) Le Delaware lien

« Bien que l’état du Delaware soit physiquement le second état le plus petit des Etats-Unis, il est la destination favorite des entreprises qui sont plus nombreuses que ses habitants (environ un million de sociétés pour 900 000 habitants).

Connu pour proposer une fiscalité particulièrement avantageuse, des lois claires et protégeant les intérêts des sociétés, une jurisprudence dense, le Delaware tient à garder un temps d’avance dans tous ces domaines. D’où l’exploration des nouvelles technologies, encouragées au plus haut niveau de l’état.

Les champs d’application proposés pour le déploiement de la technologie blockchain regroupent l’ensemble des actes notariés des entreprises, en particulier les pactes d’actionnaires relatifs aux multiples levées de fonds des start-ups en croissance. »37

 

* * * * *

 

3- LES MODES DE GOUVERNANCE – LE DROIT haut

 

a) Le point de vue des développeurs lien

Stéphane Bortzmeyer l'évoque sans détour cette question :

« Il y a également bien des leçons à tirer de la crise de The DAO en terme de gouvernance de la chaîne de blocs. Normalement, les contrats « intelligents » étaient censés se gouverner tout seuls. Le code est la loi, il est exécuté fidèlement par la la machinerie Ethereum, et il n'y a donc pas de place pour l'interprétation ou l'action humaine.

Face à la crise et au vol d'ethers, que fallait-il faire ?

En schématisant, il y avait deux positions :

• les principiels voulaient qu'on laisse les choses se produire. The DAO avait une bogue, ils perdent leur argent. Selon eux, toute autre solution aurait mis en cause ce qui était justement l'un des principaux arguments en faveur des contrats, leur côté automatique, insensibles aux passions et aux manipulations humaines.

•Les réalistes, de l'autre côté, considéraient qu'on ne pouvait pas rester sans rien faire et voir le voleur emporter l'argent. Ils prônent un fork, c'est-à-dire une scission délibérée de la chaîne : une nouvelle version des logiciels est produite, appliquant des règles différentes (par exemple empêchant les transferts depuis le compte du voleur). »

avant de rappeler que « Cette crise pose donc évidemment la question de ce mode de gouvernance “le code [des contrats] est la seule règle”.» et que l'avocat « Thibault Verbiest a ainsi estimé que ce n'était pas souhaitable et qu'il fallait une régulation étatique des chaînes de blocs.» 38

et de conclure :

« Si The DAO ne survivra probablement pas à cette crise, l'idée de contrat, les autres contrats et Ethereum lui-même sont bien vivants et continueront, une fois la crise actuelle digérée. Les contrats sont une innovation et, comme toute innovation, les débuts sont un peu chaotiques. »

 

b) Point de vue juridique lien

il semble que la législation soit encore à élaborer :

Trois scénarios sont imaginables si des États devaient perdre le contrôle de leur monnaie (ce qui impliquerait une dérégulation de leur fiscalité et donc de la redistribution sociétale) :

• un refus global du système, mais des occurrences spécifiques pourraient renaître rapidement et le contourner

• un état de fragilité compensé par une adaptation technique (mais avec la difficulté de générer la réactivité face à une R&D privée la plupart du temps)

• une adaptation progressive, pour autant que l'État investisse de façon continue dans une technologie qui tend à impacter sa souveraineté monétaire ; or, la réduction des budgets tend à produire l'effet inverse. Faute de cette anticipation technique financée, le risque est que des lobbies privés s'approprient les outils et dérégulent toute gouvernance.

L'exemple ci-après en témoigne :

« Le processeur de paiement Coinbase vient d’annoncer la signature d’un partenariat à sens unique avec PayPal. Les utilisateurs américains de Coinbase pourront désormais recevoir des paiements avec PayPal quand ils vendent des bitcoins. En revanche PayPal n’a toujours pas adopté Bitcoin. 39 »

 

c) La question du devenir du droit (public et privé) se pose de façon imminente lien

(rappel) : Si “ Les contrats (le terme marketing est smart contracts) sont des programmes informatiques  ”, qu'advient-il des professions juridiques et du droit en son sens ontologique, c'est-à-dire du droit à une interprétation contradictoire, diachronique ? Qui aura intérêt à les établir ? Et à les figer dans une forme spécifique ? Quels seraient les droits déontologiques à une défense reconnue universellement ?

Les négociations autour du TAFTA n'en seraient-elles pas une illustration préfigurative par un contrat, certes non automatisé, mais de même non soumis à un tribunal public, qui agirait à huis clos et sans possibilité d'appel ?

La question de la fixité des contrats, inscrits dans le code, cause des soucis évidents à ses concepteurs eux-mêmes :

« On a demandé par exemple à Vitalik [Buterin, le fondateur d’Ethereum] d’aller lui-même revoir nos smart contracts, pour ne pas entrer dans l’histoire comme la société qui lèverait 30m$ et qui les aurait perdu dans la foulée. Si une application aussi emblématique pour le réseau qu’est Slock.it se retrouvait dans cette situation, les conséquences en matière d’image pour tout le projet seraient redoutables. » Stephan Tual, COO de Slock.it la société à l’initiative du projet TheDAO.» 40

Bernard Stiegler l'a déjà anticipée dans son analyse : « Organologie de la jurisprudence. Une invention supplémentaire parachevant le dispositif de production de rétentions tertiaires numériques réticulées doit permettre une réticulation transindividuelle et non transdividuée – c'est-à-dire noétique -, et non seulement algorithmique, synthétiquement formatrice, et non analytiquement déformante : synthétique au sens de Kant, comme la vie de la raison, et non seulement analytique comme entendement automatique» 41

Dans son ouvrage Dans la disruption Comment ne pas devenir fou ? il analyse l'incidence spécifique de ces fonctionnalités automatiques :

« Ce règne de “l'état de fait” conduit à la liquidation de la puissance publique : ce que les barbares attaquent est la “légitimité” de la chose publique – telle qu'elle n'est par principe pas appropriable par des initiatives privées. L'attaque des barbares est une revendication sinon de pure illégalité, du moins de “vanité du droit”, contre lequel la disruption permet de “débloquer la France” en multipliant les vides juridiques – en créant “ainsi” le chaos. C'est “en cela” que le nihilisme accompli réalise la “nouvelle forme de barbarie” »42

d) De fait, réapparaissent les questions de la gouvernance préalable lien

à la rédaction des contrats à graver dans … “le silicium” :

« A l’heure actuelle, les moyens de coordination et de décision de la DAO sont assez limités. Du point de vue du code, il n’y en a tout simplement pas.

Je pense qu’une fois qu’on pourra avoir ce filtre - il y a parfois 50% de trolls - pour n'avoir des discussions qu’entre détenteurs de jetons, qu'entre personnes qui ont de l’argent en jeu, on pourra voir des discussions intéressantes émerger, des propositions.

« L’idée est que dans la version 2.0 ou 3.0 de la DAO, il y ait des modèles de gouvernance plus avancés, pourquoi pas proposés par la DAO elle-même, qui lui permettent de s’adapter efficacement et rapidement aux changements. » note Stephan Tual.

 

e) Les visées stratégiques lien

de Slock.it

« La raison pour laquelle les entreprises actuelles ne se réinventent jamais, c’est parce que soit elles font faillite, soit elles se spécialisent dans un secteur et capitalisent dessus. Apple pourrait tout à fait du jour au lendemain se mettre à faire des outils d’agriculture, mais ils perdraient tous les bénéfices d’image high-tech accumulés jusque là par exemple.

Dans le cadre de la DAO, il y a bien plus de potentiel de se réorienter chaque jour, envers des nouveaux prestataires de services, dans de nouveaux secteurs.» 43 souligne Stephan Tual.

de Paymium (e-commerce)

« les blockchains ont le potentiel d'« uberiser » Uber ! « On sort de l'ère Uber, on entre dans un monde de désintermédiation », anticipe Gonzague Grandval, le cofondateur de Paymium, une start-up de la sphère financière qui élabore des services clé en main pour les adeptes du e-commerce, via la blockchain Bitcoin.

Comme Uber, le service de covoiturage La Zooz entend mettre en relation un chauffeur et des passagers. Sauf que... il ne prélève pas de commission. Un passager versera au conducteur des coupons (bons d'échanges) numériques, dont la valeur est indexée sur le cours du bitcoin. » 44

dans l'internet des objets (IoT)

« IBM et Samsung travaillent ensemble sur le projet ADEPT, une infrastructure blockchain sur laquelle on pourra greffer divers services pour les objets connectés. Les objets n'auront alors plus besoin d'un système centralisé pour communiquer mais pourront le faire de l'un à l'autre de manière autonome. IBM 45est d'ailleurs l'un des grands acteurs les plus actifs dans la recherche sur la blockchain : le géant va […] introduire des services pour aider les développeurs à créer des services sur la blockchain, lancer un réseau baptisé "IBM Garage" dans quatre capitales internationales où les clients pourront mener des expériences sur le sujet…

Les géants ne sont pas les seuls à étudier les applications de la blockchain dans le domaine de l'Internet of Things : la start-up Filament bâtit un réseau décentralisé qui utilise la blockchain pour faire communiquer des capteurs entre eux. Elle a récemment levé 5 millions de dollars auprès de Verizon… et de Samsung, notamment.» 46

dans le secteur de la consommation culturelle

« Des start-ups comme Ascribe, Up et Bittunes ont déjà adopté la technologie de la blockchain pour la gestion des droits d’auteurs 47, et faciliter la distribution de titres musicaux (en supprimant des intermédiaires) de certains artistes indépendants. » 48

etc. dans un nombre infini de services, de prestations, d'échanges

« Par exemple, nous pourrions coder un simple contrat d'assurance (voir Mainelli et Von Gunten 2014). Imaginez un script dont le code basé sur la blockchain est activé lorsque les deux parties envoient des bitcoins sur un compte bloqué Bitcoin contrôlé par le script, qui débloquera à l'avenir les bitcoins en faveur de celui qui gagne leur pari sur la moyenne des précipitations au cours d'une certaine période

Ce smart-contrat (“contrat intelligent” en français) est programmé pour lire les données des agences météo, et après un certain temps, il débloquera les bitcoins de l'engagement, les adressant à l'agriculteur qui nécessite une protection contre de faibles précipitations.

C'est un contrat à base de dérivés climatiques sur un support de blockchain. » 49

 

* * * * *

4- LE PARADOXE DE L'ENTENDEMENT haut

 

Aujourd'hui, avec cette attaque signée, c'est tout d'abord un paradoxe que l'entendement vienne inviter la raison :

la rationalité stricte, mécanisée et totalement autonome – une fois le code écrit et activé – pose des questions de confiance, donc de droit.

Et comme le code de la blockchain n'a pas été mis en cause, dans son automaticité distribuée, c'est la cohérence incomplète du contexte particulier de la DAO qui a favorisé le ciblage de l'attaque.

Posons-nous donc quelques questions à propos de l'algorithmie.

« Ethereum est un nouveau type de plate-forme virtuelle informatique. Sa caractéristique la plus sensationnelle est sa capacité à créer des accords financiers qui peuvent être exécutés entièrement par le logiciel, sans l'intervention de tribunaux ni d'autres médiateurs humains. »

« Les contrats (smart contracts) sont des programmes informatiques : dans le cas le plus courant, ils sont écrits par un programmeur dans un langage « de haut niveau » puis compilé dans le langage machine d'Ethereum. » a-t-on pu lire.

 

a) La problématique première est l'instauration d'un système définitif. lien

Ces sociétés du monde entier se mettent en concurrence 50 pour réaliser leur propre système autonome, censé être si parfait qu'il n'y aurait jamais aucun aspect à en remettre en cause.

Cela apparaît comme un déni de l'histoire des sociétés au cours de laquelle le droit d'abord coutumier, de transmission orale est devenu écrit, codifié par des lois, lesquelles n'ont cessé d'évoluer. 51 et 52

Dans le cas présent, sans loi appropriée à cet instrument financier robotique, les perdants n'auront aucun recours.

 

b) L'homme est exclu du processus lien

Cette question est contraire à toute éventualité de démocratie, alors que les développeurs défendent l'égalité de chacun face à une norme automatique, censée être équitable pour chacun.

La transparence distribuée des transactions tient lieu de justice, le même traitement étant réservé automatiquement à chacun. Mais cette question ne se pose pas qu'en aval : dans le cas des droits d'auteurs, deux aspects figés dans le silicium ne peuvent plus être discutés : les conditions et le mode de calcul de ces droits, leur pertinence dans une société dont les supports techniques et les redistributions sociétales varient en ayant une incidence sur ces équilibres monétarisés. Comment imaginer que des règles relatives aux objets physiques que sont les disques “vinyle” soient encore applicables à l'heure des fichiers numériques ? Et ces contenants poursuivront leur évolution...

L'autre aspect de la distribution des titres d'auteurs indépendants semblerait a priori être régulé par un système de blockchain. Mais ici se posent des questions qui dépassent la simple transaction :

pour commander un titre à un auteur indépendant, il faut le connaître. Et sa visibilité dépend de nombreux paramètres (page rank, audience en live, localisation, marketing, …) favorisés s'il s'est inséré dans un courant artistique porteur.

Deux exemples qui montrent bien l'adéquation nécessairement évolutive de toute règle de transaction.

c) L'homme est exclu … dès lors que les développeurs ont réalisé le code. lien

La question de la gouvernementalité précédant la gouvernance algorithmique 53 – et se voulant automatique 54 … égalitaire car distribuée au regard de chacun – est absolument dictatoriale et toxique 55 dans sa forme, et oriente ses fonctionnalités vers chaque individu isolément :

Les débats autour des choix premiers qui en définissent les règles ont-ils eu lieu, avec quelle audience ? ou ont-ils été imposés ? Les développeurs ne sont que les artisans, les sculpteurs d'une commande et l'on peut douter fortement qu'il s'agisse d'une œuvre, au sens où ils en auraient pensé les intentions profondes. Ces techniciens répondent par une programmation des permissions d'accès à accorder, après avoir institué par le code l'architecture générale, voulue par les décideurs employeurs.

On pourra objecter que le code source est ouvert, ce qui permettrait à chacun d'y débusquer les incohérences ou les erreurs, voire les manipulations. Avec l'évolution exponentielle des systèmes en réseaux, je doute que qui que ce soit y ait encore longtemps accès.56 Stéphane Bortzmeyer en témoigne d'ailleurs plus haut.

De toute façon, la plupart des utilisateurs ne peuvent pas vérifier les contrats d'utilisation pour en extraire une certitude de fonctionnement.

Le piratage du 17 juin est ainsi une disruption dans un processus de disruption technologique qui s'inscrit dans la phénoménologie de la technique ; il n'est d'ailleurs pas un cas isolé. A une plus large échelle, des équipes étatiques y travaillent : le virus StuxNet et celui qui a mis à mal l'Estonie n'en sont que quelques exemples. 57

Dans la mesure où des organismes de très grande envergure et des États envisagent d'intégrer ces procédures automatisées, rétro-agissantes selon les réactions des utilisateurs, surveillées à loisir de façon également automatisée en temps réel 58, la question de l'esclavage soft de populations entières se posera au-delà de celle de la gouvernance 59 : des précautions immédiates sont à prendre dès aujourd'hui 60, à grande échelle pour instaurer un contre-pouvoir face à une surveillance généralisée totalement disruptive sur les plans tant de la présomption d'innocence et du respect de la vie privée que de l'escroquerie généralisée par les GAFA qui consiste à voler les données personnelles par un “système détective privé” non encadré par la loi qui a permis à ces sociétés de devenir pluri-milliardaires en moins de vingt ans et de prétendre diriger les orientations de milliards d'individus en concevant et instaurant des relations obligées entre eux (et auxquelles ils se soumettent eux-mêmes devant les attraits et l'ampleur du phénomène, devenu peu contournable).

 

Dans le rapport “Ambition Numérique – pour une politique européenne et française de la transition numérique ” - juin 2015 remis au premier ministre par le CNNum (Conseil National du Numérique), Benoît Thieulin décrivait les mêmes craintes : (extraits accolés)

 

« La Silicon Valley fait aujourd'hui office de modèle pour tout ce que l'Europe compte d'innovateurs. On la pare de toutes les vertus. Néanmoins il est temps de briser quelques idoles.

Aujourd'hui, l'économie collaborative se reconfigure autour des modèles traditionnels de redistribution de la valeur. […] A mesure qu'explosent les capitalisations des géants de l'économie collaborative, à l'image d'Airbnb, cette industrialisation du collaboratif n'est pas sans évoquer la reprise, par le capitalisme, de la critique artiste qu'avait porté le mouvement de mai 1968 autour des concepts de liberté au travail et d'autonomie dans l'entreprise, comme l'ont expliqué Luc Boltanski et Eve Chiapello dans “Le Nouvel esprit du capitalisme”.

L'ouverture, l'empouvoirement individuel et la nécessité permanente de renverser l'ordre établi (la désormais fameuse disruption) tiennent toujours lieu de religion chez les dirigeants et les chiefs evangelists.

Cette poignée d'acteurs incontournables centralisent entre leurs mains une partie croissante du réseau, à l'origine très décentralisé : la reverticalisation du Web est en marche. Les plateformes prennent un ascendant sur les individus et les institutions traditionnelles (Etats, entreprises) ; si elles sont les moyens privilégiés de la pollinisation, elles sont également les lieux de l'exploitation du “travail” des abeilles - internautes . [Cette] situation quasi-monopolistique sur le marché conduit à ce que la sénatrice Catherine Morin-Dessailly a appelé “la colonisation numérique de l'Europe”.

L'ambition se joue dans notre capacité à prendre en compte la dualité du numérique, qui peut être à la fois cette force vitale source d'innovations et d'émancipation et un facteur de déshumanisation, de creusement des inégalités. »

Les libertés d'expression et d'information sont en conséquence directement impactées par ces monopoles paradoxalement soutenus par l'Union Européenne 61 et la France. 62

Cette gouvernementalité automatisée par le principe des blockchains ajoute une couche d'exclusion de l'après-coup, de la prise de conscience, de la contestation systémiquement interdites.

Est-il admissible que des lois soient définitivement édictées ? Et contrôlées par le pouvoir qui les a édictées ? Montesquieu doit se retourner dans sa tombe.

Le nihilisme nietzschéen est à l'œuvre, tuant dans l'œuf toute pensée noétique, toute perspective de rêve, de création, mais aussi toute critique, toute jurisprudence.

Il est encore temps que les citoyens de l'ère numérique – quel mode de savoir-vivre donner à ce mot ? – se regroupent autour de valeurs “néguentropiques” (de lutte contre l'entropie), c'est-à-dire autour de “protentions collectives” (de consistances prospectives collectives consensuelles) et de créations partagées, mais certainement pas sur ce mode de partage étanchéifié et taillé dans le diamant, organe de mort et d'asservissement de tout esprit humain non autorisé.

Bien que l'idée d'un retour des “communs” ait été plébiscitée par les contributeurs de la LCEN avec une visée néguentropique, les législateurs l'ont écartée 63.

Face aux GAFA « L'organisation, la maîtrise et l'observation des flux d'informations permettent bien souvent de structurer les comportements par exemple en hiérarchisant les contenus qui circulent, la manière dont ils le font et les publics auxquels ils s'adressent. Les processus de verticalisation, de centralisation et de fermeture qui sont partiellement à l'ouvre posent donc de manière nouvelle la question de la démocratie et de l'autonomie politique. Si les peuples ne veulent pas en être réduits à demander un jour le droit de vote chez Amazon ou Apple, il faudra bien que l’Union Européenne mette en place une stratégie globale. »

le CNNum élaborait pourtant en 2015 des contre-propositions  : « La construction d'un cadre réglementaire au niveau européen est cruciale pour assurer l'internationalisation des acteurs du financement participatif. De nombreux défis juridiques sont à relever, par exemple en matière de régulation bancaire et financière, d'application du droit de la consommation et du commerce électronique, de droit des sociétés et de fiscalité. » (p.239)

Ce point de vue peut être tout à fait intégré au cadre des blockchains dans la mesure où ces disruptions technologiques sont maîtrisées en amont avec la même idéologie et une agressivité de guerre technologique pour la maîtrise de tous les flux.

d) Ensuite se pose la question de l'anonymat. lien

La LCEN prévoit l'utilisation de l'anonymat dans les mises à dispositions de données publiques :

« Article 30 - Le g du 2° de l’article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rétabli :

« g) Elle peut certifier ou homologuer et publier des référentiels ou des méthodologies générales aux fins de certification de la conformité à la présente loi de processus d’anonymisation des données à caractère personnel, notamment en vue de la réutilisation d’informations publiques mises en ligne dans les conditions prévues au titre II du livre III du code des relations entre le public et l’administration. »64

Dans ce cas précis de la LCEN, le législateur peut s'appuyer sur une procédure a posteriori qui, après que le gestionnaire de réseaux publics de distribution d'électricité et de gaz ait encaissé les factures – et donc que l'État ait prélevé la TVA afférente – pour anonymiser les données des consommateurs.

Or, c'est exactement l'inverse qui se produit avec la blockchain, où les titulaires de comptes sont reliés anonymement à l'algorithme – identifiés par un accès sécurisé mais non divulgué – et opèrent ensuite une transaction publiée et enregistrée de façon distribuée. La Justice, pas plus que le Fisc, n'auront la possibilité de “dés-anonymiser” les identités afin de régler un quelconque contentieux comme celui d'aujourd'hui, et de récupérer la taxe sur la valeur ajoutée. L'État est donc mis à la marge totalement renvoyant tout système de solidarité nationale aux oubliettes.

 

e) La déterritorialisation du système, disruption sociétale lien

Au-delà de l'anonymat exploré ci-dessus, c'est la question du défaut de territoire qui va se poser rapidement, même si quelques plateformes proposant des services sont implantées en France. Pour déjà faciliter l'échange d'informations fiscales, les Etats dont la France ont défini la notion d' “État ou Territoire non coopératif” et une liste dissuasive (!) est publiée. 65

A ce jour, cette législation a un impact encore faible sur les multinationales. 66 Mais avec la déterritorialisation systémique de toute transaction, comment les États vont-ils pouvoir espérer reprendre la main sur un automatisme, figé dans le silicium, qui permet à quiconque d'opérer une transaction ou un service sans localisation définie et identifiable à des acteurs physiques ou moraux ?

Cette déterritorialisation du système des blockchains fait qu'elles échapperont à l'impôt et donc à la redistribution, constituant ainsi une disruption majeure dans l'organologie sociétale. Cette confiance en l'État redistributeur – déjà questionnée dans l'actualité à divers niveaux – va être obérée durablement par ce(s) système(s) automatisé(s).

Pourtant, ils sont présentés sous leur côté pharmacologique positif : comme remèdes à la fraude et aux passe-droits, promouvant l'égalité de chacun, solutions contre l'opacité et facilitant le libre accès. Mais le poison est concomitant, consubstantiel, ontologique : en sus de leur côté immuable déjà abordé, ils rejettent de fait toute approche élargie et empirique, historique à venir, qu'elle soit pragmatique, éthique, philosophique, mais aussi tout contexte à interpréter de guerre économique et cybernétique.

Ce nihilisme mondialisé constitue une forme latente de pouvoir contre la vie, contre la possibilité de ce qu'il advient, de ce qui s'improvise, de l'impensé qui peut créer des bifurcations : 

« Les innovations “de rupture” ne sont possibles qu'à la condition de laisser l'improbabilité de leur avènement advenir depuis ces intermittences improgrammables – même si leurs conditions les plus favorables peuvent et doivent être entretenues et cultivées pour qu'émerge ce qui sans cela resterait la face cachée de l'improbable. »67

 

f) Le concept de maîtrise totale et la réalité de l'art. lien

La blockchain est un des nombreux avatars de l'intelligence artificielle (baptisée “intelligence” tant à des fins de marketing que d'idéologie ou d'espoir anticipé de maîtrise, ce qui revient au même) :

Henri d'Agrain, ancien directeur des systèmes d’information de la Marine nationale et membre de la CSSPPCE, (Commission Supérieure du Service Public des Postes et des Communications Electroniques), la définit techniquement ainsi :

« Le protocole blockchain conjugue les éléments de deux théories, celle de la théorie informatique et celle de la théorie des jeux. De la théorie informatique, il met en œuvre d’une part les technologies de réseaux de pair à pair, d’autre part la cryptologie. A la théorie des jeux, il emprunte la notion “d’équilibre de Nash en stratégie dominante”. C’est d’ailleurs au titre de la théorie des jeux que ce situe la principale innovation du protocole blockchain, en proposant une solution radicale au problème de la confiance entre deux parties prenantes qui ne se connaissent pas.» 68

Ce nouveau système de communication certifiée automatisée n'est pas un élément isolé qui surviendrait brusquement par une disruption spécifique : il s'inscrit dans une évolution fulgurante de la technologie qui articule ses avancées sur la convergence entre quatre disciplines : Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique et Sciences Cognitives (NBIC) ; et cette technologie émergente est intitulée “Intelligence Artificielle”.

Numenta, qui se présente comme “Leader de la Nouvelle Ère de l'Intelligence de la Machine69 « a développé une théorie de cohésion, cœur d'une technologie logicielle et de nombreuses applications toutes fondées sur les principes du néocortex. Cette technologie jette les fondations d'une nouvelle époque de l'intelligence machinique. Notre travail innovant fournit les potentialités de découvertes capitales et démontre qu'une approche informatique fondée sur les principes biologiques d'apprentissage va rentre possible une nouvelle génération de potentiels impossible avec les ordinateurs programmés d'aujourd'hui. »

Les NBIC sont le courant majoritaire au plan mondial, créant une interdisciplinarité appuyée sur le bio-mimétisme.

C'est dans le cadre enclenché très largement de ce postulat, à la fois scientifique et idéologique, que le terme d'“intelligence” est utilisé , alors qu'il s'agit, dans l'immédiat et à moyen terme, uniquement de modélisations parcellaires d'automatismes (observés selon les hypothèses pragmatiques définies tour à tour par les chercheurs), fondées sur la compréhension à laquelle ces sciences accèdent, sans qu'elles en maîtrisent les contextes à une échelle plus vaste et autre que mécanique, et donc sans l'émergence d'une quelconque “intelligence” autonome, propre au système.

La preuve en est ce travail ci-dessous 70 qui se préoccupe uniquement d'améliorer les performances techniques du dernier système informatique en date – sans rapport ontologique avec les neurones biologiques dont les potentialités sont issues, activées ou inhibées, d'un milliard d'années d'évolution – mais dont les caractéristiques sont mimétiques de certaines fonctionnalités observées.

Dans cette thèse de doctorat présentée le 5 novembre 2015, Bartosz Boguslawski – dont le Directeur de thèse est Claude Berrou 71, fait le point des règles de l'art en la matière et de la distance double qui existe avec les fonctions biologiques, à la fois beaucoup plus performantes globalement et adaptativement, et extrêmement moins rapides sur des fonctions de calcul spécifique :

Chapitre 2.

Introduction aux réseaux neuronaux et réseaux de cliques neurales

« Les neurones nécessitent quelques millisecondes pour réagir à un stimulus. C'est relativement lent, en comparaison de l'électronique qui réalise l'opération en une fraction de nanoseconde.[NDLA soit quelques millions de fois plus vite].

Le néocortex humain représente 76 % du volume du cerveau et est en charge des fonctions telles la pensée consciente, le langage ou la représentation spatiale. On compte approximativement 20 milliards de neurones dans le néocortex humain (Pakkenberg et al., 2003), chaque neurone ayant entre 1000 et 10 000 synapses.Les neurones sont organisés en micro-colonnes corticales (Johansson and Lansner, 2007).Chaque micro-colonne contient entre 80 et 120 neurones. Les micro-colonnes forment des macro-colonnes (également appelées des hyper-colonnes). Chaque macro-colonne contient de 50 à 100 micro-colonnes. Plusieurs macro-colonnes sont regroupées, formant une aire fonctionnelle du cerveau.

Selon une hypothèse établie depuis longtemps, le fonctionnement néocortical dépend d'associations entre concepts : par exemple une forme de mémoire associative (Palm,1982, Rolls and Treves, 1997).

Des auteurs tels que (Jones, 2010) et (Johansson and Lansner, 2007) déclarent que la micro-colonne est l'unité de traitement de l'information la plus fondamentale dans le cerveau et non le simple neurone. Cette hypothèse est étayée par le fait que les neurones sont réciproquement connectés à l'intérieur de la micro-colonne (Thomson and Bannister, 2003) et en conséquence, qu'ils sont tous dirigés par le même stimulus. »

La société Numenta propose la définition suivante :

Qu'est-ce qu'une machine intelligente ?

« Comme aujourd'hui, les ordinateurs sont programmés, ils ne peuvent faire exactement que ce qu'on leur a dit. En revanche, les machines intelligentes apprennent des modèles automatiquement et continuellement dans leur environnement sans être programmés, leur permettant d'aborder des problèmes par de toutes nouvelles approches. Des machines intelligentes apprenantes et agissantes auront un énorme impact bénéfique dans les décennies à venir72

 

CONCLUSION lien

a) Le harcèlement machinique

Ces observations démontrent, pharmacologiquement, à la fois une grande efficacité au vu des progrès que ces systèmes font pour devenir utilisables dans nombre de situations rationnelles, et un devenir extrêmement inquiétant, dans la mesure où ils sauront, en réseaux, anticiper des situations ou des réactions humaines de type logique, en interagissant en amont de la pensée.

« Facebook a dévoilé le 1er juin un nouvel outil baptisé DeepText 73. Il utilise des techniques d'intelligence artificielle (et plus spécifiquement de deep learning, d'où son nom) pour analyser plusieurs milliers de messages par seconde sur Facebook "avec une précision proche de l'humain", et ce dans 20 langues différentes.

Avec ce système, l'objectif du réseau social est de mieux appréhender la nature des messages de ses utilisateurs pour leur proposer des services plus pertinents. »

Ces systèmes d'IA agissent en réseau et leurs interactions anticipées avec l'humain sont conçues pour que le mimétisme machinique appris via les “réseaux de neurones” lui fasse baisser la garde de ses défenses psychologiques envers une machine strictement automatisée (sinon encore autonome) : l'internet des objets puis la robotique vont mettre en œuvre très disruptivement ces sollicitations planétaires pour forcer les accoutumances.

Car la force de frappe industrielle est écrasante :

« DeepText sera intégré à l'application de chat Messenger, où il fonctionnera avec des services de transport comme Uber. Il se place ainsi comme un rival direct de Google Assistant, présenté lors de la conférence Google I/O, qui sera intégré à la nouvelle application de messagerie instantanée de Google, Allo.

L'outil servira également à mieux déterminer quel message est pertinent pour quelle personne. A terme, il affinera les contenus proposés pour ne retenir que ce qui correspond aux intérêts de l'utilisateur. Clou du spectacle, s'il comprend qu'un utilisateur essaie de vendre quelque chose, il pourra formater automatiquement son message pour y inclure le prix et les détails d'une manière standardisée et simplement à comprendre.

D'autant que derrière toutes ces fonctionnalités se cache la publicité ciblée, dont Facebook et Google ont fait leur spécialité, et qui génère la quasi-totalité de leurs revenus.» 74

« Google s'est offert les services du chercheur Ray Kurzweil en 2012 pour travailler sur des projets non spécifiés : Le 11 mai, ce dernier a révélé qu'il s'agit entre autres d'agents conversationnels (chat bots) capables d'apprendre et de reproduire la personnalité et la façon de s'exprimer de quelqu'un depuis une masse de texte. Une technologie qui sera rendue publique courant 2016. »75

 

Il est plus que probable que chacun va être totalement bousculé par ces intrusions des machines qui vont proposer « La Voix de son Maître » :

Cette voix synthétique du système algorithmique en charge gestion globale de l'industrie 76

- anticipe les besoins et les intérêts de chaque fourmi, pardon, de chacune et chacun, de chaque personne humaine à chaque instant de la vie quotidienne par un traçage méthodique et scrupuleux de leurs faits et gestes, portant atteinte totalement et en permanence à leur vie privée (il s'agit d'espionnage industriel à très grande échelle… ).

- et va solliciter ses prétendus “obligés” considérés strictement comme des vecteurs d'achat potentiel à générer son activité, en les sollicitant par le biais des smartphones ou des objets communicants, selon des procédures planifiées de harcèlement, sur toute consommation potentielle liée aux traces qu'ils ont laissées (involontairement ou naïvement) - à décider de plus en plus impulsivement s'ils donnent suite ou non. C'est un peu comme si vous traîniez à vos basques un représentant commercial de quoi que ce soit, vous questionnant en continu sur tout. 77

Parallèlement, les systèmes de transactions “certifiant la confiance” vont peu à peu s'imposer par l'habitude et les automatismes machiniques in-transgressibles vont venir à bout de toute résistance consciente ; commence à s'y adjoindre sur le plan émotionnel la crainte perpétuelle de sanctions financières ou comportementales. Il est à craindre que nombre de personnes soient déstabilisées dans leur être sans plus aucune liberté, harcelées en chaque lieu et à chaque instant par des propositions commerciales automatisées présentant toutes un caractère d'urgence dans leur mode de questionnement.

Cette rationalisation du consumérisme repose bien entendu sur la rentabilité des modèles industriels, où – n'en doutons pas – chaque milligramme de produit et chaque seconde de mouvement des employés est calculée et modifiable en temps réel selon le ratio commande/fabrication, couplé à l'exigence de croissance de la production soumise aux actionnaires.

Bien sûr, la chaîne de management est algorithmisée, rendant invisibles celle de commandement intimée aux développeurs, de même que la rentabilité non redistribuée du système.

 

Ne jetons toutefois pas la pierre à Google 78, ni à Microsoft :

« [Bill] Gates a convaincu près de 130 milliardaires de signer son "Giving Pledge" ou "Promesse de Don", les engageant à donner au moins la moitié de leur fortune, soit un montant total avoisinant les 700 milliards de $. Dix-neuf ont signé pour quelque 245 milliards de $ et la plupart affectent leur argent à des projets de santé publique et de recherche médicale. »

« “Si l'on se replace dans une perspective historique, Carnegie a montré que les bibliothèques devaient être des lieux où tous ceux qui n’ont pas accès aux livres peuvent aller apprendre à lire. La philanthropie peut être un moyen d’attirer l’attention sur des domaines susceptibles de représenter de bons secteurs d’investissement gouvernemental permettant de réduire ces inégalités", a déclaré Melinda Gates dans une interview accordée en 2015 au Washington Post. Un grand nombre des jeunes milliardaires philanthropes affirment s’inspirer de cette approche. » 79

Faute de transcendance divine, force est de constater que les demi-dieux de la planète (et demi-déesses) veulent sincèrement réduire les inégalités… et décider à la place des gouvernements élus ce qui est “bon” pour chaque fourmi de la planète. En investissant aussi dans les automatisations de toute sorte… et je ne parle pas ici de la robotisation qui pointe férocement son nez, y compris et surtout dans le domaine militaire où les drones d'attaque autonomes, les frégates autonomes, les sous-marins autonomes et les robots tueurs (autonomes entre les Corée de Nord et du Sud) sont déjà opérationnels. Mais ça, c'est la prochaine histoire à ne plus pouvoir dormir debout. On pourra bien sûr chicaner sur le concept d'autonomie pour crier au fou.

Roland Gori, dans l'individu ingouvernable80 s'interroge sur les possibilités de cette gouvernance « en respectant sa dignité politique, sa grandeur et sa vulnérabilité humaines et ses contradictions subjectives.[…] La mécanisation des rapports sociaux par les “machines” ne saurait être cantonnée aux robots et autres instruments matérialisés des nouvelles technologies. Norbert Wiener, l'un des pères de la cybernétique disait que, somme toute, il y avait peu de différence entre se conformer à une machine simplifiant à outrance nos problèmes et se heurter à une administration obtuse. Que ne dirait-il pas aujourd'hui, alors que l'empire de la “technocratie” s'étend par une “protocolisation” généralisée des formes d'existence ? »

Pour autant il prend en compte l'immense fascination paradoxale que le pouvoir des automatismes exerce sur l'humain :

«  L'automatisme, fruit et racine en même temps des adaptations, constitue tout autant la figure du “déshumain”, de l'inanimé, du minéral et du virtuel, conséquence d'un sacrifice de soi et de l'autre, que l'efficacité infernale de “décisions prises à l'avance”, incorporées dans les instruments et procédures. »

 

C'est donc ici que l'on peut retrouver la question qui a été débattue par l'ONU à propos dutrust projeté dans la relation à un commerçant par l'intermédiation symbolique de règles sociétales acceptées et intégrées.

Parfois, la langue prend toute son importance quand il s'agit de comprendre les acceptions et analogies, voire l'oxymore que constitue ici ce concept bilingue : en anglais : « confiance » et en français « forme de concentration financière réunissant plusieurs entreprises sous une direction unique » – ça ne s'invente pas –. Peu après le Brexit de la population, mais pas encore des politiciens, je me contenterai pour clore la controverse de citer l'expression : “ We're trusting you to save the company ” (Harrap's p. 1311 éd. 2007)

Du fait de cette casse de la confiance a priori en des rétentions tertiaires transindividuées 81, de même qu'en des protentions collectives fracassées par ce “nihilisme de la vision industrielle” et ici par un algorithme immuable et autonome – même s'il présente l'avantage de transactions sécurisées, apparentes dans leur fonctionnement social, open source et économes -, il est à craindre que des incompréhensions générées par l'angoisse et l'incapacité à prendre du recul ne dégénèrent en un refus total d'un système relationnel où la singularité ne sera plus reconnue comme une qualité – inféodée à une norme toujours plus prégnante –, et où le besoin de se retrouver face à soi-même, prélude à la prise en compte de l'autre, sombrera dans des radicalismes de toute sorte : favorables à la norme (qui pourra avoir dans certains cas un côté compensatoire par l'adhésion à une pseudo-identité de groupe) ou excluant toute personne ou mode d'être qui ne s'y réfèrera pas. Violence contre soi-même ou contre l'autre.

La place du dialogue aura été tronquée.

Comme je l'ai écrit dans un autre article étudiant les effets de la disparition de l'écriture manuscrite aux Etats-Unis et en Finlande, cette conjonction de soumissions et de pertes de savoir-faire, de savoir-vivre et de savoir-être laisse augurer des temps durables d'incompréhensions violentes, nihilisme construit et ingérable.

Anticipant de telles disruptions du mode d'être, couplées bientôt à une destruction massive des emplois (47 % à 56 % selon Oxford) 82 l'expérience sociétale développée pour dix ans par Ars Industrialis à Plaine Commune 83 devra être débattue en de nombreux lieux, afin de l'adapter et la peaufiner selon les spécificités des populations et de leurs conditions de vie, afin que toute relation à l'autre, à notre “époque d'absence d'époque”, puisse perdurer : les technologies relationnelles devront être co-individuées pour être soumises à la perspective économique, sociale, sociétale et philosophique de société contributive, où les êtres noétiques que nous sommes, dans nos savoirs re-considérés, trouveront leur place, dans un milieu de partage et de redistribution.

 

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ANNEXE lien

 

Domaines envisagés d'application de la blockchain par IBM

 



Industrie, Secteur ou Champ d'application

Exemples d'utilisation

Services financiers

Lettres de crédit

 

Créances ou obligations de société

 

Plateformes commerciales

 

Remises de paiement

 

Opérations de rachat

Gouvernement

Protocoles gouvernementaux d'appels d'offres

Industrie

Processus de fabrication

Vente au détail

Points de fidélité

Services médicaux

Dossiers médicaux électroniques

Multi industries

Gestion de l'identité

 

Gestion de la confiance en l'industrie

 

Gestion d'immobilisations

Internet des Objets

Internet des Objets réfrigérateur

Autres solutions

Jeux

 

Musique

https://www.ibm.com/blockchain/what_can_blockchain_do_for_you.html

1http://www.multitudes.net/manifeste-accelerationniste/ Nous estimons qu’à l’intérieur de la gauche actuelle, le clivage le plus important sépare ceux qui s’accrochent à un folklore politique nourri de localisme, d’action directe et d’horizontalisme intransigeant, d’avec ceux qui ébauchent une politique « accélérationniste » sans complexe envers une modernité faite d’abstraction, de complexité, de globalité et de technologie. • Les premiers se satisfont de l’instauration de petits espaces temporaires de relations sociales non-capitalistes, esquivant les véritables problèmes suscités par l’émergence de menaces qui sont intrinsèquement non locales, abstraites et enracinées au plus profond de nos infrastructures quotidiennes. L’échec de ce type de politiques était inscrit dans leur nature dès le commencement. • Une politique accélérationniste cherche au contraire à préserver les gains du capitalisme tardif, tout en les poussant bien au-delà de ce que peuvent permettre son système de valeurs, ses structures de gouvernance et ses pathologies de masse.

2http://www.changerletravail.fr/bat-bernard-stiegler-r%C3%AAve-d%E2%80%99un-nouveau-monde-du-travail

«La production de néguentropie est indispensable, et le seul être capable est l’Homme car il a une capacité de penser, et une capacité de désautomatisation des situations.» Bernard Stiegler

3Propos tenu également par Laurent Alexandre, président de DNAVision, Thierry Berthier, université de Limoges et

Bruno Teboul, université Paris-Dauphine « Le prochain quinquennat devra être celui de l'orientation technologique des politiques publiques à toute échelle et pour tous les citoyens. La France ne peut plus sous-estimer les effets et les turbulences engendrés par la convergence NBIC. […] La société civile, quant à elle, ne peut plus rester à l'écart de l'action politique. » http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-157262-pour-une-presidentielle-sous-le-signe-des-nbic-2000569.php?U8RxBuivhy87HXtD.99

5http://www.journaldunet.com/web-tech/start-up/1179060-stephan-tual-slock-it/ 25 mai 2016

Serial-entrepreneur, Stephan Tual est le fondateur et COO de Slock.it. Il a aussi été CTO dans plusieurs sociétés spécialisées dans l'analyse de données à Londres.

6Ibid note 4

10Ibid note 4

13Vice logique consistant à présenter, comme ayant un sens différent, une proposition dont le prédicat ne dit rien de plus que le sujet. in Petit Robert

14créer des produits et services dans le cadre d'un réseau de partage universel, pour pouvoir se prêter des objets sans avoir à payer de commission à un tiers comme Airbnb (ibid. journaldunet.com)

15https://fr.wikipedia.org/wiki/Airbnb AirBedAndBreakfast, devenu AirBnB

21https://fr.wikipedia.org/wiki/Mt._Gox Plateforme d'échange de bitcoins basée à Tokyo, Mt. Gox a été créé en 2009 et s'est effondrée en février 2014 suite à à un piratage informatique. Les pirates auraient en effet réussi à détourner 744 408 bitcoins – au fil du temps, de la création à 2011 (version wiki anglaise), sans que la manœuvre informatique soit détectée par le système.

23http://pastebin.com/CcGUBgDG « Je suis déçu par ceux qui qualifient l'utilisation de ce dispositif intentionnel de "vol". Je fais usage de cette fonctionnalité explicitement codée selon les termes d'un court contrat et mon cabinet d'avocats m'a informé que mon action est totalement conforme au droit civil et pénal des États-unis. Pour référence, veuillez consulter les termes de la DAO. [...] J'espère que cet événement devient une expérience d'apprentissage précieuse pour la communauté Ethereum et vous souhaite à tous la meilleure des chances. Sincèrement vôtre, "L'Attaquant" »

30« Art. L. 311-3-1. – Sous réserve de l’application du 2° de l’article L. 311-5, une décision individuelle prise sur le fondement d’un traitement algorithmique comporte une mention explicite en informant l’intéressé. Les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre sont communiquées par l’administration à l’intéressé s’il en fait la demande. »

« Art. L. 312-1-3. – Sous réserve des secrets protégés en application du 2° de l’article L. 311-5, les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2, à l’exception des personnes morales dont le nombre d’agents ou de salariés est inférieur à un seuil fixé par décret, publient en ligne les règles définissant les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l’accomplissement de leurs missions lorsqu’ils fondent des décisions individuelles. » http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta-commission/r3902-a0.asp

38Ibid cf. note 22

41La Société Automatique 1- l'Avenir du travail Fayard mars 2015 p. 253-254

45cf. ANNEXE

47https://blogrecherche.wp.mines-telecom.fr/2016/06/29/woleet-bitcoin/ ancrer dans le registre Bitcoin des preuves d’existence de documents pour faire valoir leur propriété devant un juge : propriété intellectuelle ou matérielle, diplômes d’universités, référencement de prix à un instant t… 29 juin 2016

50http://bitconseil.fr/blockchain-a-lassemblee-nationale-compte-rendu/ Stéphane Tual, fondateur de slock.it, a contre-attaqué en citant Ethereum comme blockchain concurrente à celle de Bitcoin.

51https://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_civil_en_France

L'œuvre de codification réalisée au début du XIXe siècle sous la direction de Portalis (1746-1807) aboutit à la promulgation du Code civil en 1804, qui fonde le droit civil français moderne. Le Code unifie de nombreuses coutumes régionales (en se basant notamment sur la Coutume de Paris) et tient compte des acquis de la Révolution française, notamment de la notion de propriété.

En outre, il effectue une synthèse des notions héritées du droit romain, des droits coutumiers, des ordonnances royales et de la jurisprudence des parlements.

Les auteurs du Code ont volontairement privilégié les dispositions générales, sans détailler précisément les principes de vie commune : ils se limitent à la rédaction des règles essentielles à la vie en communauté, telles que le respect des contrats et de la parole donnée.

52http://roma-latina.com/tables/table.html

Jusqu'à présent, le droit romain est oral et appliqué de façon religieuse par les pontifes, issus des grandes familles patriciennes. Désormais, avec la loi des XII Tables (rédigée en 451 et en 450 av. J.C), les Romains disposent d'une première loi écrite; elle contient des règles diverses de droit privé, criminel et religieux qui définissent la constitution de la république romaine.

53https://works.bepress.com/antoinette_rouvroy/47/

• « La gouvernementalité algorithmique se caractérise notamment par le double mouvement suivant : a) l’abandon de toute forme d’« échelle », d’« étalon », de hiérarchie, au profit d’une normativité immanente et évolutive en temps réel, dont émerge un « double statistique » du monde et qui semble faire table rase des anciennes hiérarchies dessinée par l’homme normal ou l’homme moyen ; b) l’évitement de toute confrontation avec les individus dont les occasions de subjectivation se trouvent raréfiées. Ce double mouvement nous paraît le fruit de la focalisation de la statistique contemporaine sur les relations»

Trois caractéristiques principales sont définies par le rapport Ambition Numérique du CCNum :

« 1- la détermination des décisions ne fait pas appel à une déduction humaine mais uniquement à une logique inductive et statistique assumée par l'algorithme. 2- la gouvernementalité algorithmique fait appel davantage à la prévision statistique des comportements qu'à l'analyse des causes et des conséquences. 3- elle entraîne une personnalisation des décisions. » http://fr.slideshare.net/CNNum/rapport-ambition-numrique

55Sur Facebook par exemple, on trouve l’indice du bonheur national brut, qui s’appuie sur les statuts postés par les membres, et qui par le cumul des statuts et l’analyse permet de dessiner la tendance de l’humeur des internautes.

http://www.internetactu.net/2010/12/16/du-role-predictif-des-donnees-a-la-gouvernementalite-algorithmique/

56Bernard Stiegler cite Alan Greenspan qui devant le Congrès Américain déclarait son incompréhension face aux calculs algorithmiques. Aujourd'hui, les langages informatiques sont des plus variés, adaptés à des champs spécifiques dans un environnement élargi et en interrelations instantanées. La Société Automatique Tome 1 p. 394

57https://www.youtube.com/watch?v=_Mcua6Y1aOo La guerre invisible d'Antoine Vitkine, 50' 2011.

59https://www.laquadrature.net/fr/trois_textes_donn%C3%A9es_personnelles On peut noter ici que le Parlement Européen n'anticipe pas le phénomène de la blockchain mais ce lien témoigne de la progressive disparition de la vie privée. « Les déclarations d'intention de respect des droits fondamentaux pourraient donc bien rester lettre morte. »

61« Les juges ont d’abord constaté qu’« il n’existe aucune protection en droit luxembourgeois » pour les lanceurs d’alerte de leur genre. Puis, qu’« aucune protection au niveau européen » ne leur est applicable. Même si « le Parlement européen et la Commission européenne admettent la nécessité de protéger les lanceurs d’alerte de représailles et notamment de poursuites pénales », « à la date d’aujourd’hui, le lanceur d’alerte n’est pas protégé par une quelconque norme juridique au niveau européen ». Le juge insiste sur les points qui fâchent, rappelant qu’« au contraire, la nouvelle proposition de directive sur le secret d’affaires adoptée par le Parlement européen entend encore […] augmenter la protection du secret d’affaires au niveau européen ». » https://www.mediapart.fr/journal/economie/300616/le-jugement-contradictoire-du-proces-luxleaks

62Avis de l'Observatoire des Libertés et du Numérique (OLN) à propos de la Loi pour la Confiance dans l'Économie Numérique : « risque de police privée inhérent à la hausse inconsidérée de l'obligation de surveillance : La LCEN a ouvert une brèche en obligeant les hébergeurs - c'est-à-dire des entités privées - à retirer promptement les contenus « manifestement illicites » signalés.» https://www.laquadrature.net/fr/pjl-numerique-deception 24/06/16

63Ibid.

66« Face aux multinationales qui profitent d’être implantées dans tous les Etats pour choisir la fiscalité la plus avantageuse ou aux grandes fortunes qui dissimulent une partie de leur patrimoine aux quatre coins du monde, l’Etat brade sa souveraineté. Il négocie plus qu’il n’impose ; en cas de fraude, il invite à rentrer dans l’ordre mais ne sanctionne pas. » http://www.economiematin.fr/news-impot-et-territoireo-un-enjeu-de-souverainete :

« Historienne du droit et juriste, directrice d’étude à l’École des chartes, Katia Weidenfeld publie avec Alexis Spire L’Impunité fiscale. Quand l’État brade sa souveraineté. « aucune mesure n’a été réellement prise pour limiter la capacité des multinationales à négocier leur niveau d’imposition – afin d’échapper presque complètement à celle-ci.»

67La Société Automatique Tome 1 l'Avenir du travail Bernard Stiegler p. 394-395 et « Pour instruire cette question dans une conclusion qui annonce les travaux de “l'Avenir du Savoir”, il faut revenir à l'allégorie de Yann Moulier-Moutang. » p. 395

68http://www.observatoire-fic.com/le-phenomene-blockchain/

NB La théorie des jeux peut se concevoir comme une théorie des comportements d'agents rationnels en situation d'interaction. Un équilibre de Nash (il peut y en avoir plusieurs, pas tous souhaitables) est un profil de stratégies dans lequel chaque stratégie est une meilleure réponse à toute autre stratégie jouée. http://ncarayol.u-bordeaux4.fr/part_1_jeux_m1.pdf et http://www-poleia.lip6.fr/~kant/Ens/L3/IIEE/IIEE_Cours8.pdf

70 Les applications microélectroniques d'aujourd'hui nécessitent de combiner haute performance et efficacité énergétique. Cet objectif est accessible grâce aux "Multiprocessor System-on-Chip" (MPSoC) qui fournissent un haut niveau d'adaptabilité, de performance, de fiabilité et d'efficacité énergétique. Néanmoins, ils doivent être couplés à des systèmes de décision et de gestion de la consommation qui adaptent en permanence leur mode de fonctionnement.

Cela nous amène à considérer les réseaux de neurones, lesquels ont vocation à offrir des propriétés comparables à celles du cortex cérébral. Ils peuvent notamment servir comme mémoire associative, avec un processus de relecture très économe en énergie. Nous analysons ces réseaux dans des applications de gestion de l'alimentation, avec des données du monde réel. Nous montrons que pour être compatible avec des applications réalistes, le modèle de réseaux de cliques neurales initialement proposé doit être amélioré.

https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01266291/document

71 Claude Berrou s'est vu attribuer, le 24 janvier 2012, une subvention de 1,9 millions d’euros par le Conseil européen de la recherche (European Research Council, ERC) :. Intitulé Neucod (pour Neural coding), ce programme de recherche vise à identifier et exploiter les fortes analogies observées entre la structure et les propriétés du cortex cérébral, et celles des décodeurs correcteurs d’erreurs modernes.

Fortement interdisciplinaire, Neucod associe théorie de l’information, informatique, électronique et neurosciences.

La subvention accordée par l’ERC va permettre au porteur du projet de constituer une équipe de huit chercheurs qui travaillera pendant cinq ans sur l’élaboration d’une théorie de l’information mentale.

« Les questions auxquelles nous devrons répondre dans quelques années sont en effet celles-ci :

L’information mentale est-elle fondamentalement numérique ?

et si oui – ce dont je suis persuadé –,

Pouvons-nous utiliser les mêmes méthodes que dans les télécommunications pour mieux la comprendre et en exploiter les principes ?», commente Claude Berrou. https://blogrecherche.wp.mines-telecom.fr/2012/01/24/le-projet-neucod-de-claude-berrou-telecom-bretagne-recoit-le-soutien-de-leuropean-research-council-erc/

72Ibid.

76https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00174051/document 12/07/2007 Ordonnancement Dynamique dans les Industries agroalimentaires – Thèse de doctorat en Automatique et Informatique industrielle.

Cf. spécialement “ 3.3.2. Les algorithmes de colonie de fourmis : principe général p.107 extrait « La figure 3.12

présente l’algorithme proposé pour l’optimisation de la fonction de coût qui représente la somme du coût des produits périmés et du coût du discount de distribution. » p.113

(sic) To cite this version: Fatma Tangour. Ordonnancement dynamique dans les industries agroalimentaires. Automatique / Robotique. Ecole Centrale de Lille, 2007. Français.

80Les liens qui libèrent septembre 2015 p. 55, 56 et 57 citant Norbert Wiener Cybernétique et société - l'usage humain des êtres humains [1950], Paris, Seuil 2014 .

81http://arsindustrialis.org/vocabulaire-transindividuation

Il n’y a pas de transindividuation sans techniques ou technologies de transindividuation, qui sont des pharmaka.

Lorsque les techniques ou technologies sont mises au service de la prolétarisation et de la désindividuation, elles provoquent des court-circuits dans la transindividuation, elles délient les individus psychiques des circuits longs d’individuation, elles le rabattent sur un plan de subsistance en les coupant des plans de consistance

82http://www.oxfordmartin.ox.ac.uk/downloads/academic/The_Future_of_Employment.pdf

This emerging technology will affect a variety of logistics jobs. Agricultural vehicles, forklifts and cargo-handling vehicles are imminently automatable, and hospitals are already employing autonomous robots to transport food, prescriptions and samples (Bloss, 2011). The computerisation of mining vehicles is further being pursued by companies such as Rio Tinto, seeking to replace labour in Australian mine-sites. »

83http://francestrategie1727.fr/wp-content/uploads/2016/02/projet-plaine-commune-10.03-bernard-stiegler.pdf

Le travail est ainsi ce qui permet de désautomatiser un système automatique, désautomatiser ne voulant pas dire arrêter le système automatique, mais produire avec lui des «bifurcations» qui vont enrichir le système et le complexifier.

L’économie contributive, fondée sur le revenu contributif, est destinée à valoriser le travail.

Le revenu contributif n’est pas le revenu de base ou le revenu inconditionnel d’existence, mais un revenu conditionné à la contribution qu’apporte chacun dans des projets collectifs remplissant certains critères et ouvrant au contributeur le droit à un temps dédié au développement de ses savoirs et de ses capacités.